La fourmi rouge d’Europe envahissante, plus qu’une simple gâcheuse de pique-nique?
Pourquoi la fourmi rouge d’Europe inquiète-t-elle les Canadiens?
De son nom latin Myrmica rubra, la fourmi rouge d’Europe est un insecte nuisible apparu récemment au Canada. Très petite et agressive, cette fourmi peut mordre et piquer une personne ou un animal familier plusieurs fois. Elle appartient à la même sous-famille (Myrmicinae) que la célèbre Solenopsis, ou « fourmi de feu », une espèce endémique du sud des États-Unis qui cause de graves problèmes. Au Canada, la fourmi rouge d’Europe a été détectée dans presque toutes les provinces et est considérée comme une espèce envahissante préoccupante qui présente un risque majeur pour la population, l’environnement et même l’économie.
Où trouve-t-on la fourmi rouge d’Europe au Canada?
De nombreuses régions du Canada sont actuellement aux prises avec des fourmis rouges d’Europe envahissantes. Seules les provinces de la Saskatchewan et du Manitoba n’ont pas signalé d’infestations à ce jour. À Terre-Neuve, des chercheurs font remonter la présence de ces fourmis dans la province aux années 1970, même si la plupart des provinces n’ont signalé d’importantes infestations qu’à la fin des années 1990 et au début des années 2000. La Colombie-Britannique, en particulier, on observe depuis quelque temps une hausse spectaculaire du nombre de colonies, particulièrement dans les basses-terres continentales, la vallée du Fraser et le sud de l’île de Vancouver.
Aux États-Unis, Myrmica rubra pose les mêmes problèmes d’envahissement. Les autorités du Maine ont alerté la population à ce sujet en 1986, mais on soupçonne que l’espèce était présente dans la région depuis des décennies, quoiqu’en plus petit nombre. Selon une synthèse de la Global Invasive Species Database, ces fourmis sont désormais présentes au Massachusetts, au New Hampshire, au Rhode Island, au Vermont, en Pennsylvanie, au New Jersey, au Connecticut, dans l’État de New York, et plus récemment, dans l’État de Washington.
Contrairement aux fourmis charpentières, qui peuvent nicher à l’intérieur des bâtiments, mais dont la colonie principale (et la reine) se trouve à l’extérieur, les fourmis rouges d’Europe ne forment des colonies qu’à l’extérieur, colonies parfois si grandes qu’il est impossible de s’asseoir confortablement sur l’herbe ou la pelouse. Des études ont montré qu’en Amérique du Nord, ces fourmis préfèrent les sols humides et les lieux ombragés. Elles établissent des colonies denses, souvent difficiles à détecter, le long des cours d’eau, autour des racines et sous les troncs d’arbres, et sous les feuilles mortes et les pierres. Elles peuvent vivre en milieu rural, urbain et suburbain, et nichent dans des sols de substrat rigide. Elles sont plus actives de la fin du printemps au début de l’automne, lorsque les températures se réchauffent.
Les fourmis rouges d’Europe sont habituellement difficiles à voir, parce qu’elles sont très petites et que leurs nids ne forment pas de monticules et ne perturbent pas les sols. Chaque colonie compte plusieurs reines (polygynie) et forme un vaste réseau de nids (polydômie). Si on dérange leurs nids, les fourmis attaquent agressivement et peuvent se masser en grand nombre sur une personne ou un animal familier. Comme leurs nids sont difficiles à détecter, il est malheureusement facile de marcher sur une colonie ou à proximité de celle-ci et de se faire envahir et piquer.
Quels sont les effets de leurs morsures et piqûres sur la santé?
La piqûre d’une fourmi rouge provoque des brûlures douloureuses. Après avoir mordu, la fourmi utilise son dard pour injecter un venin contenant des alcaloïdes et des protéines qui peuvent entraîner des réactions allergiques. Il en résulte des brûlures, des démangeaisons et une inflammation locale qui peuvent durer plusieurs jours. Les réactions anaphylactiques et l’œdème des jambes causés par les piqûres de fourmis rouges, quoique rares, sont très bien documentés et peuvent se développer plusieurs heures après la piqûre.
Lors d’une attaque de fourmis rouges, il est recommandé de balayer les fourmis par de rapides mouvements de la main. Il est déconseillé d’écraser ou de noyer les fourmis, car ces méthodes accentuent leur agressivité et la fréquence des piqûres.
Quels sont leurs effets sur l’environnement?
Au-delà de leurs effets sur les humains et les animaux familiers, les fourmis rouges d’Europe peuvent provoquer le déplacement de fourmis indigènes et perturber la biodiversité d’autres plantes, oiseaux et insectes locaux. Ces perturbations interrompent la pollinisation et la dispersion des graines ainsi que d’autres cycles naturels. Elles sont également à l’origine d’un processus de « fusion envahissante », qui consiste pour deux espèces envahissantes à s’entraider pour dominer un écosystème. Dans ce cas précis, on soupçonne que les fourmis rouges d’Europe favorisent la dispersion des graines de la grande chélidoine, une plante envahissante, et perturbent gravement la flore indigène.
Ces fourmis ont-elles des répercussions sur l’économie?
La fourmi rouge d’Europe a autant de répercussions sur l’économie que sur la santé. Ses colonies peuvent rendre quasiment impossible l’utilisation de certains milieux extérieurs. Selon le rapport de pratiques exemplaires de Metro Vancouver, les dégâts qu’elles provoquent dans les parcs, les écoles, les foyers, les terrains de golf et les autres espaces verts pourraient coûter à la province des centaines de millions de dollars.
Les infestations de fourmis rouges peuvent également endommager les infrastructures. Le Chemin de fer Canadien Pacifique a récemment dû procéder à la destruction coûteuse de ses anciennes voies ferrées et des sols alentour pour réduire les colonies de fourmis rouges d’Europe dans le corridor Arbutus, à Vancouver. De même, les autorités de l’aéroport de Vancouver luttent vigoureusement contre des infestations de fourmis rouges depuis qu’une espèce de fourmi apparentée a entraîné de coûteux retards.
Existe-t-il des stratégies de gestion des fourmis rouges qui fonctionnent?
Le contrôle des fourmis rouges d’Europe est difficile, car leurs colonies peuvent s’étendre lorsqu’on transfère de la terre, une plante ou du paillis d’une région infestée. À l’heure actuelle, les provinces et les municipalités canadiennes mettent l’accent sur la prévention plutôt que sur la destruction des sols ou des colonies. La réduction de l’ombrage, des détritus et de l’humidité est une des méthodes de prévention utilisées pour décourager l’établissement de colonies. Malheureusement, ces stratégies ne font souvent que déplacer les fourmis vers d’autres régions où elles peuvent survivre.
L’Invasive Species Council of British Columbia recommande l’utilisation de pesticides chimiques pour des résultats optimaux. Toutefois, ceux-ci ne doivent être épandus que par des professionnels (p. ex., un professionnel de la lutte contre les insectes et autres animaux nuisibles autorisé). En outre, le port de vêtements de protection individuelle est fortement conseillé pour se protéger des expositions chimiques et des piqûres. Les insecticides à base de perméthrine se sont révélés les plus efficaces, bien que l’extermination coûte cher, car plusieurs applications peuvent être nécessaires. Comme les colonies peuvent avoir plusieurs reines réparties dans différents nids, il peut être très difficile de les éradiquer entièrement.
Quelles sont les ressources provinciales et municipales disponibles?
Même si les fourmis rouges d’Europe sont un problème relativement récent au Canada, certaines autorités ont élaboré des directives ou des lignes directrices pour lutter contre les infestations. Certaines municipalités, comme celle d’Halifax, effectuent un suivi de l’étalement des fourmis et publient leurs résultats dans un bulletin. Metro Vancouver a rédigé un excellent guide de pratiques exemplaires, qui donne un aperçu complet de l’étendue du problème et formule des recommandations destinées aux acteurs régionaux concernés, notamment sur le contrôle des fourmis et les enjeux financiers. La Ville de Toronto a adopté un règlement municipal qui oblige les propriétaires à éradiquer les colonies qui se trouvent sur leurs propriétés.
On trouve également des lignes directrices sur les fourmis rouges d’Europe à l’échelle provinciale. En 2012, la Colombie-Britannique a mis sur pied un groupe de travail interministériel pour endiguer ce fléau. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse donne quant à lui des conseils à ce sujet dans le cadre de son programme Insectary Notes. À l’échelle nationale, la Société d’entomologie du Canada publie des ressources sur les fourmis rouges d’Europe. À ce jour, on trouve assez peu de ressources fédérales canadiennes sur ce thème. Aux États-Unis, le CDC publie des ressources d’ordre général sur les fourmis rouges à l’intention des travailleurs, des écoles et des collectivités.