La vague Omicron et la communication en période d’incertitude
L’émergence d’un nouveau variant préoccupant n’était pas inattendue, mais la rapidité à laquelle Omicron se propage et le degré auquel la vague Omicron différera des vagues précédentes de COVID-19 au Canada sont sources d’inquiétude. Les pratiques exemplaires de communication en matière de santé recommandent aux organisations de diffuser de l’information rapidement, souvent et avec exactitude lors de l’émergence de crises sanitaires, une stratégie qui facilite l’établissement d’un lien de confiance, réduit l’anxiété et limite la . La nature dynamique du variant Omicron et le changement soudain de l’évolution de la pandémie exigent un retour aux pratiques exemplaires en santé publique. Même s’il reste beaucoup à découvrir, la communication fréquente sera essentielle, ce qui pourrait exiger des professionnels de la santé publique qu’ils revoient leurs stratégies de communication efficace. Une communication rapide et claire à propos de l’incertitude qui règne envoie au public le message que les chercheurs et les scientifiques du monde entier s’affairent à comprendre Omicron et à connaître ses effets. Indiquer clairement ce que nous savons et ce que nous ne savons pas sera essentiel non seulement pour passer à travers les semaines à venir, mais aussi pour aider le public à suivre les directives de santé publique et à contrer le laisser-aller qui s’est installé. À propos d’Omicron Nous savons qu’Omicron présente un plus grand nombre de mutations que les variants préoccupants précédents et que la plupart de ces mutations touchent la protéine de spicule. Nous savons aussi que certaines de ces mutations ont été observées chez d’autres variants préoccupants et ont été associées à une liaison plus forte du virus SRAS-CoV-2 aux cellules cibles, ainsi qu’à une capacité à échapper à la réponse immunitaire produite en réaction à la vaccination ou à l’infection. Cependant, nous ne savons pas exactement comment ni à quel point l’ensemble des mutations observées chez Omicron influence la transmissibilité et la détection du virus, ainsi que la gravité de l’infection et l’efficacité du vaccin. Transmissibilité Nous savons sans conteste qu’Omicron se transmet beaucoup plus facilement que n’importe quel autre variant préoccupant découvert jusqu’ici, comme en témoigne l’augmentation rapide du nombre de cas dans de nombreux pays. Des données du Royaume-Uni montrent d’ailleurs que le risque de transmission et le taux d’attaque secondaire dans les ménages associés au variant Omicron sont plus élevés que ceux associés au variant Delta. Des chercheurs de Hong Kong ont aussi signalé qu’Omicron se réplique plus rapidement dans les bronches humaines que les autres souches, mais qu’il se réplique moins bien dans les tissus pulmonaires humains que la souche originale. Toutefois, nous ne savons pas avec certitude quel est le mécanisme à l’origine de la transmissibilité accrue, ni quelle est son incidence sur les voies de transmission et l’efficacité de certaines interventions non pharmaceutiques. Nous ignorons aussi quelle influence la variabilité individuelle exerce sur la transmissibilité. D’autres études sur la période d’incubation, la charge virale des personnes infectées et l’intervalle entre un cas index et un cas secondaire fourniront plus de renseignements sur les mécanismes de transmission. Détection du virus Nous savons que les tests conçus pour analyser de nombreuses cibles génomiques – tests actuellement utilisés par les autorités de santé publique canadiennes – sont capables de détecter le variant Omicron. Certains tests ne ciblant qu’une seule séquence pourraient ne pas détecter Omicron s’il s’agit d’un site où sont survenues des délétions dans le génome. La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a publié une liste de tests susceptibles de ne pas détecter Omicron. Quant aux tests antigéniques rapides, ils ont une sensibilité variable pour la détection de la COVID-19 en général, c’est connu, mais les premiers essais menés par le NHS du Royaume-Uni ont démontré que la sensibilité de ces tests se maintient pour la détection du variant Omicron. Nous ne savons pas, cependant, dans quelle mesure les infections par ce variant seront détectées dans d’autres pays ayant un accès limité aux tests ciblant plusieurs séquences. Gravité de la maladie Nous savons qu’il nous faut plus de données sur la progression de l’infection à Omicron pour comprendre les effets de ce variant sur la gravité de la maladie. Plusieurs semaines pourraient être nécessaires pour que l’augmentation du nombre de cas ait une influence claire sur les issues. Le nombre d’infections graves et de décès signalés par l’Union européenne et l’Agence européenne pour l’environnement demeure bas, mais bon nombre des cas sont récents et sont survenus chez des personnes jeunes (ex. : 20 à 49 ans), qui ont généralement présenté de meilleures issues que leurs aînés dans les vagues précédentes. Il faut également se rappeler que la couverture vaccinale actuelle est meilleure que celle observée lors des autres vagues. Au Danemark, une analyse préliminaire d’un petit nombre de cas d’infection à Omicron a révélé que 1,2 % des infections ont entraîné une hospitalisation, comparativement à 1,5 % pour le variant Delta. Dans la province sud-africaine du Gauteng, où la vague Omicron a commencé plus tôt, les hospitalisations attribuables à la COVID-19 ont augmenté, ce qui pourrait être la conséquence d’une augmentation rapide des cas plutôt que d’une aggravation de la maladie. Nous ne savons pas à quel point l’information que nous avons actuellement sur la gravité pourra être extrapolée à d’autres populations étant donné la grande variation dans les groupes démographiques, les types de vaccins, leur couverture ainsi que la mise en œuvre et le respect des mesures de santé publique. Même si l’infection à Omicron est moins grave, une hausse rapide des cas pourrait quand même faire augmenter le nombre d’hospitalisations et de décès. Nous ne savons pas non plus quels seront les effets d’Omicron sur le syndrome post-COVID-19. Efficacité des vaccins Nous savons qu’Omicron présente un grand nombre de mutations dans les régions de la protéine de spicule reconnues par les anticorps. Les vaccins à ARNm permettent la reconnaissance de plus d’une région de la protéine, ce qui fait qu’une mutation unique est peu susceptible d’entraîner une diminution substantielle de la protection conférée. Cela dit, les nombreuses mutations présentes chez Omicron pourraient avoir des conséquences plus importantes. Selon des données initiales, l’efficacité vaccinale contre l’infection à Omicron, comparativement à celle contre l’infection par une autre souche, serait réduite chez les personnes doublement vaccinées, mais la vaccination préviendrait la maladie grave. Une meilleure protection contre l’infection à Omicron aurait toutefois été observée chez les personnes qui ont reçu une dose de rappel. Nous ne savons pas comment les autres volets de la réponse immunitaire – comme la persistance des lymphocytes B et des lymphocytes T mémoires – contribuent à la protection, une question à laquelle on ne peut pas répondre par des études in vitro. D’autres données sont nécessaires pour évaluer le degré de protection contre l’hospitalisation et le décès chez les personnes qui ont reçu deux ou trois doses de vaccin. Redynamiser la communication à propos de la COVID-19 Une attente trop longue de la part des autorités avant de se prononcer sur les questions débattues dans la sphère publique peut entraîner un vide dans la communication des risques. Or, le vide de communication peut nuire à la confiance en la santé publique et contrecarrer les mesures préventives déployées. Lorsqu’ils communiquent de nouveaux renseignements sur Omicron, les organismes publics peuvent en profiter pour rappeler les stratégies visant à réduire la transmission de la COVID-19 en général, même en présence d’une grande incertitude concernant le variant préoccupant Omicron. Les outils d’écoute sociale peuvent aider à repérer les sujets qui préoccupent le plus le public, à reconnaître rapidement la mésinformation et à la contrer. Les messages peuvent être renforcés et actualisés de plusieurs façons. Il est important de souligner le fait que chez certaines personnes, l’infection à Omicron peut être grave, voire mortelle. La montée en flèche attendue du nombre de cas mènera sans doute à une augmentation des hospitalisations et des décès attribuables à la COVID-19, surtout chez les populations vulnérables et non vaccinées. La transmissibilité accrue signifie qu’une personne vulnérable peut être infectée plus facilement qu’auparavant. L’augmentation massive du nombre de cas exercera une pression sur les systèmes de santé et accaparera les ressources répondant normalement à d’autres besoins de soins. Même si les cas d’infection sont bénins, la vague Omicron pourrait aussi être à l’origine d’un taux élevé d’absentéisme, les travailleurs infectés ou malades devant rester à la maison. Les campagnes de vaccination et d’administration de doses de rappel doivent se poursuivre, mais en raison des délais associés, des mesures vigoureuses devront être prises rapidement pour ralentir la vague Omicron. Le renforcement des mesures pour diminuer la transmission réduira les infections et favorisera l’aplatissement d’une courbe potentiellement exponentielle. La transmissibilité accrue du variant Omicron s’accompagne d’une augmentation possible du risque d’infection, quelle que soit la voie de transmission. Les principaux messages sur lesquels il faut insister sont les suivants : Réduire les contacts – Éviter l’exposition aide à éviter l’infection. L’exposition peut être réduite en changeant des comportements individuels, en limitant le nombre de participants aux rassemblements, en évitant les voyages inutiles, en reprenant le télétravail (si possible) et en réduisant le temps passé dans les endroits publics achalandés. Maintenir le port du masque – Porter un masque de la meilleure qualité possible en public est plus important que jamais. Si on peut s’en procurer, les respirateurs N95 bien ajustés offrent la meilleure protection. Pour se protéger et protéger autrui, il faut veiller au bon ajustement de son masque, et envisager de porter deux masques si le port d’un respirateur est impossible. Éviter le partage d’air – La transmission du virus se fait facilement dans les espaces intérieurs achalandés ou mal ventilés. Réduire le temps passé dans un contexte « d’air partagé » est une mesure préventive clé. Pour ce faire, on peut privilégier les espaces ventilés, ouvrir des fenêtres, utiliser des ventilateurs de tirage pour retirer l’air intérieur, et avoir le recours, lorsque possible, à un appareil de purification de l’air. Les endroits bien ventilés devraient être préférés à ceux non ventilés, mais même les espaces extérieurs devraient être évités s’ils sont trop achalandés. Favoriser la propreté – La réduction de la quantité de virus viable auquel une personne est exposée s’obtient en nettoyant les surfaces, en se lavant les mains et en évitant de porter ses mains non lavées à ses yeux, son nez ou sa bouche. Même si les vecteurs passifs ne constituaient pas une voie de transmission importante pour les souches précédentes, toute réduction de l’exposition à un variant hautement transmissible est cruciale. Penser à autrui – On peut réduire l’exposition en encourageant les personnes qui sont malades ou symptomatiques à éviter les contacts avec autrui. On peut aussi la réduire en utilisant des tests rapides (lorsque c’est pertinent et que ces tests sont accessibles), en maintenant une bonne hygiène respiratoire et en portant le masque de manière appropriée. Il faut maintenir les mesures de santé publique actuelles visant à réduire la transmission par les voies connues et adopter de nouvelles mesures et stratégies préventives. Les communicateurs de la santé publique doivent revenir aux pratiques de communication exemplaires et renouer le dialogue avec le public. Ils pourraient donc être appelés à augmenter la fréquence des communications et de la sensibilisation, ainsi qu’à transmettre rapidement des renseignements pour que le public sache que la situation pourrait changer. Autres ressources sur la communication durant une crise sanitaire [en anglais] : Lesson from COVID-19 on executing communications and engagement at the community level during a health crisis (Overton et coll., déc. 2021) Toward effective government communication strategies in the era of COVID-19 (Hyland-Wood et coll., 2021) Effective communication strategies for COVID-19 (Ontario Health Association, 2020) Auteurs Juliette O’Keeffe et Anne-Marie Nicol sont spécialiste en application des connaissances scientifiques au CCNSE. Citation O'Keeffe J, Nicol AM. La vague Omicron et la communication en période d’incertitude [blog]. Vancouver, C.-B.: Centre de collaboration nationale en santé environnementale; 1 janvier 2022. Disponible sur: https://ccnse.ca/content/blog/la-vague-omicron-et-la-communication-en-periode-dincertitude.