Omicron : état des connaissances au moment où la vague s’essouffle
Depuis la publication de notre billet de blogue au début de la vague Omicron, nous en avons appris plus sur la transmissibilité du variant, la gravité de l’infection et l’efficacité vaccinale. Omicron a maintenant été détecté partout dans le monde, même là où les stratégies d’endiguement et de contrôle des expositions à la COVID-19 sont très strictes. Dans certains pays, la vague n’a pas encore atteint son apogée. Ailleurs, comme dans des provinces canadiennes, on croit le pire passé et on commence à assouplir ou à retirer des mesures sanitaires. Ce nouveau billet fait le point sur ce que nous savons du variant pour mieux poursuivre la gestion de la situation actuelle et la préparation à d’autres variants.
Tapis dans l’ombre : les origines d’Omicron
Le 28 novembre 2021, Omicron (B.1.1.529) se classe parmi les variants préoccupants au Canada en raison des preuves d’une transmissibilité supérieure, d’un risque accru d’infection et d’une efficacité vaccinale réduite. Ne semblant pas provenir directement d’un variant connu, il comporte au-delà de 50 mutations par rapport à la souche originelle du virus, dont plus de 30 touchant la protéine de spicule. Ses multiples lignées (BA.1, BA.2 et BA.3) font leur apparition au cours d’une même période. Les lignées BA.1 et BA.2 comptent chacune 32 mutations communes et 19 distinctives. Une sous-lignée (BA.1.1) fait ensuite son apparition au Canada et à l’étranger.
Trois hypothèses sont proposées pour expliquer l’émergence du variant Omicron :
- Une mutation hâtive de la souche originelle et son évolution parallèle dans une population ayant un mauvais système de surveillance et de séquençage auraient permis au variant de passer sous le radar.
- Un cas de COVID-19 chronique chez une personne immunodéprimée aurait mené à l’évolution du virus chez une seule personne.
- Une transmission zoonotique aurait permis au virus de passer d’un hôte humain à un animal, chez qui il aurait évolué avant de se propager à nouveau dans la population humaine.
Il est possible qu’une ou plusieurs de ces hypothèses soient exactes; dans tous les cas, la mutation de la souche originelle pourrait s’être opérée il y a plus d’un an. Il faudra en comprendre l’origine pour mieux détecter les sources potentielles de variants. Par exemple, en surveillant davantage les réservoirs zoonotiques du SRAS-CoV-2 chez les animaux (visons, cerfs de Virginie, hamsters, etc.), il serait possible d’approfondir nos connaissances sur l’évolution du virus.
Analyse du gain de transmissibilité
Selon des données d’Afrique du Sud et des modélisations du Royaume-Uni, Omicron serait 3,05 ou 5,57 fois plus transmissible que le variant Delta. On a observé un taux d’attaque secondaire (TAS) dans les ménages supérieur à celui de Delta au Royaume-Uni et au Danemark, et un TAS très élevé dans des circonstances comme les rassemblements et les fêtes, y compris chez les personnes vaccinées. Les données initiales suggèrent que la lignée BA.2 se transmet plus facilement que la lignée BA.1, compte tenu de sa croissance au Danemark et au Royaume-Uni et de l’obtention d’un TAS supérieur à celui des autres lignées d’Omicron. La lignée BA.3 s’est propagée dans une moindre mesure.
Il est probable que de multiples facteurs contribuent à l’avantage de croissance d’Omicron. En voici des exemples :
- Faille immunitaire – Plus apte que Delta à causer une infection postvaccinale, Omicron peut se soustraire à la neutralisation découlant d’une infection antérieure ou d’anticorps produits après la vaccination.
- Chaîne de transmission abrégée – Plusieurs études ont montré que la période d’incubation (délai entre l’exposition et le début de l’infection) et l’intervalle de série (délai entre l’apparition des symptômes chez le cas index et chez un cas secondaire) d’Omicron sont réduits. Elles comptent un à deux jours de moins que celles de Delta.
- Nouveau profil symptomatologique – Il semble qu’Omicron s’attaque davantage aux voies respiratoires supérieures et soit moins efficace pour infecter les poumons que les variants précédents. Cela pourrait influencer la propagation des gouttelettes et des aérosols infectieux. Plus de gens infectés par Omicron, comparativement à ceux infectés par un autre variant préoccupant, risquent d’être asymptomatiques et de transmettre le virus sans le savoir.
- Mutations facilitant l’infection – Les mutations variées d’Omicron ont différents effets sur l’infectivité et l’immunité. Le variant semble avoir une meilleure affinité de liaison au récepteur de l’ECA2, qui demeure le principal récepteur du virus, que ses prédécesseurs. D’autres facteurs d’infectivité, comme l’efficacité de la fusion membranaire, pourraient être réduits dans certains tissus. Il est possible que l’expression des récepteurs de l’ECA2, plus élevée dans les voies respiratoires supérieures, réduise le nombre de virions requis pour causer l’infection.
Les principaux modes de transmission du SRAS-CoV-2 semblent les mêmes pour Omicron; le variant se transmet avant tout lors de contacts étroits et dans les milieux où s’additionnent les facteurs de risque (p. ex., espaces clos bondés où l’on se côtoie de près). Une transmission par aérosols a été observée lors d’une étude chez les hamsters et impliquée dans une enquête épidémiologique dans un hôtel de quarantaine. Des analyses dans un autre hôtel de quarantaine ont révélé que plus de la moitié des surfaces fréquemment touchées dans la chambre d’un cas d’Omicron étaient positives au virus, un taux de contamination bien supérieur à ceux rapportés auparavant dans des hôtels de quarantaine pour d’autres variants préoccupants. Selon une étude, Omicron subsiste plus longtemps que ses prédécesseurs sur les surfaces en plastique (193,5 h) et sur la peau (21,1 h). Ces résultats rappellent l’importance de maintenir une ventilation adéquate, la réduction des contacts, le port du masque, l’hygiène des mains et le nettoyage des surfaces pour réduire la transmission du variant Omicron.
Gravité des symptômes et de la maladie
Le profil symptomatologique d’Omicron diffère de celui des autres variants et de la souche originelle de Wuhan. Les cas positifs rapportent moins de symptômes aux voies respiratoires inférieures et davantage aux voies supérieures. Les symptômes prévalents varient selon la région, mais l’écoulement nasal et le mal de gorge sont fréquents; les indices utilisés jusqu’ici pour distinguer la COVID-19 des autres infections (p. ex., perte du goût ou de l’odorat) le sont moins. Des données suggèrent que les cas d’Omicron n’excrètent pas le virus infectieux aussi longtemps que ceux de Delta, et que l’infection se dissipe plus vite. La charge virale n’apparaît pas plus élevée avec le nouveau variant, mais il se peut que la transmissibilité accrue s’accompagne d’une baisse du nombre de virions requis pour qu’une personne propage le virus.
Quand on compare Omicron à Delta, la gravité des symptômes semble moindre étant donné la baisse relative (en pourcentage par rapport au total des cas) des hospitalisations, des admissions aux soins intensifs et des décès observée dans plusieurs régions, dont le Royaume-Uni et l’Ontario. Les données préliminaires laissent penser que cette tendance se maintient dans la majorité des groupes d’âge, y compris chez les jeunes enfants. Il est probable que des facteurs comme la vaccination, les doses de rappel, l’infection antérieure et l’amélioration des traitements cliniques contribuent à réduire la gravité de la maladie.
Même si l’infection par Omicron est moins grave que celle par Delta chez les personnes vaccinées et non vaccinées, la maladie n’est pas sans danger. On l’a constaté avec la hausse des hospitalisations et des décès attribuables à la COVID-19 qui a suivi la montée fulgurante des infections par Omicron. Les personnes non vaccinées sont surreprésentées au chapitre des hospitalisations et des décès. Les données actuelles sur l’écart de gravité entre les lignées BA.1 et BA.2 ne suffisent pas pour tirer des conclusions.
Les effets à long terme de l’infection et le potentiel de syndrome post-COVID-19 (SPC ou COVID-19 de longue durée) attribuables à Omicron demeurent inconnus. Le suivi risque de se complexifier pour les cas légers ou modérés qui n’ont pas fait l’objet de tests.
Efficacité vaccinale
L’efficacité vaccinale (EV) contre une infection symptomatique à Omicron pour deux doses de vaccins est réduite par rapport à l’EV contre l’infection par les variants précédents, mais s’améliore avec une troisième dose. C’est ce que concluent de nombreuses études menées dans le monde à ce jour. Il est trop tôt pour établir la durée de protection conférée par la troisième dose. Les données probantes sur l’écart d’EV entre les lignées BA.1 et BA.2 sont limitées, mais celles du Royaume-Uni montrent une protection légèrement supérieure (quoique non statistiquement significative) contre la lignée BA.2.
L’EV contre les symptômes graves est bien meilleure et croît avec une dose de rappel pour atteindre 95 % selon certaines études. Le risque d’hospitalisation est moins élevé pour Omicron que pour Delta, tant chez les personnes vaccinées que chez les autres, mais la vaccination le réduit encore davantage. On s’attend à ce que les pays où la couverture vaccinale est élevée (p. ex., > 75 %) et où l’administration des doses de rappel va bon train ressentent moins l’impact de la vague Omicron que ceux ayant un taux de vaccination inférieur, la vaccination réduisant la gravité de la maladie et le risque de décès.
Immunité acquise lors d’une infection antérieure
Selon des données du Royaume-Uni, du Danemark, d’Afrique du Sud et d’Israël, l’immunité acquise lors d’une infection antérieure offre une moins bonne protection contre Omicron que contre les variants précédents; un taux accru de réinfection a d’ailleurs été observé pendant la vague Omicron. Le sérum sanguin des personnes vaccinées ayant reçu une dose de rappel contient une plus grande concentration d’anticorps neutralisants que celui des personnes ayant uniquement acquis leur immunité par une infection antérieure, et ce, pour tous les variants, Omicron compris. Une infection antérieure combinée à la vaccination semble offrir une meilleure protection que l’infection seule.
Conclusion
La vague Omicron a causé un nombre record d’infections, d’hospitalisations et de décès attribuables à la COVID-19. Elle a montré qu’une résurgence rapide et dévastatrice du virus est possible malgré une bonne couverture vaccinale. Alors qu’elle s’essouffle dans certaines régions, on se questionne sur les répercussions des prochains variants du SRAS-CoV-2 dans la société et sur la gestion simultanée de la COVID-19 et des autres infections respiratoires ou saisonnières. Il faudra peut-être réinstaurer ou adapter les mesures de santé publique au fil du temps. Les démarches pour améliorer la qualité de l’air intérieur, entre autres par la ventilation, restent vitales. Même si la population est prête à clore le dossier de la COVID-19, les autorités de santé publique doivent veiller à ce que nous soyons prêts à affronter d’autres flambées en appliquant les pratiques exemplaires reconnues, en tirant des leçons de la vague Omicron et en nous tenant informés des nouvelles données scientifiques.
Ressources supplémentaires
- Tendances relatives aux données sur la COVID-19 (Agence de la santé publique du Canada)
- Adaptation des mesures de santé publique dans le cadre de la vaccination contre la COVID-19 (Agence de la santé publique du Canada)
- Renforcement des interventions contre le variant Omicron du SARS-CoV-2 (Organisation mondiale de la Santé)
- Propagation et conséquences éventuelles du variant préoccupant Omicron du SRAS-CoV-2 (ECDC; en anglais)
Auteurs
Juliette O'Keeffe, Angela Eykelbosh, et Anne-Marie Nicol sont spécialiste en application des connaissances scientifiques au CCNSE
Citation
O'Keeffe, J, Eykelbosh, A, Nicol, A. Omicron : état des connaissances au moment où la vague s’essouffle [blog]. Vancouver, C.-B.: Centre de collaboration nationale en santé environnementale; 15 février 2022. Disponible sur: https://ccnse.ca/content/blog/omicron-etat-des-connaissances-au-moment-ou-la-vague-sessouffle.