Précautions à prendre pour le covoiturage pendant la COVID-19
Introduction
Le covoiturage désigne un service informel de transport de personnes au travail, à l’école, à l’université et pour d’autres types d’activités. Environ 12 % des navetteurs du Canada ont fait appel au covoiturage en 2016. Au cours de la pandémie de COVID-19, les économies et les retombées positives (soit la réduction des émissions, des bouchons de circulation, etc.) générées par le covoiturage sont supplantées par les préoccupations à l’égard des possibilités de transmissions du virus SRAS-CoV-2 dans un véhicule partagé. Le déplacement dans un véhicule occupé par plusieurs personnes qui ne sont pas du même foyer, surtout de manière régulière, peut présenter un risque de transmission moyen à élevé. Selon plusieurs sondages, depuis le début de la pandémie de COVID-19, la proportion de navetteurs qui font appel au covoiturage a diminué. Dans la région de Durham, en Ontario, l’activité de covoiturage est passée de 16 % à 11 % chez les personnes qui travaillent à l’extérieur de la maison, tandis qu’au Manitoba, cette activité a été ramenée de 16 % à 5 %. Les données analogues pour le covoiturage des élèves sont rares. Les gens qui pratiquaient le covoiturage avant la pandémie ont peut-être opté pour un mode de transport actif et l’utilisation de véhicules à passager unique, ces deux modes de transport ayant connu une recrudescence au cours de la pandémie.
Le covoiturage a de fait été associé à des cas de transmission. Un rapport préliminaire a fait état d’un chauffeur de taxi en Thaïlande qui a probablement été infecté par deux passagers assis à l’arrière de son véhicule en janvier 2020. Les deux passagers portaient un masque, mais toussaient. La recherche des contacts à Singapour entre janvier et avril 2020 a indiqué que les personnes ayant partagé une voiture avec une personne infectée avaient un risque relatif estimé de 3,07 ([95 % IC entre 1,55 et 6,08]; p=0,0013) de contracter la COVID-19. Ce risque était plus élevé que le risque relatif estimé d’une conversation de 30 minutes avec une personne infectée (2,67 [entre 1,21 et 5,88]; p=0,015). Dans les États du Connecticut et de Rhode Island, la recherche des contacts a établi que les activités de covoiturage étaient des sources d’infection. En C.-B. et au Québec, le covoiturage de gens qui se rendaient au travail a aussi été désigné comme une des sources de contamination par la COVID-19.
Le covoiturage et les risques de transmission de la COVID-19
On estime que les risques de transmission de la maladie associés au covoiturage ont à voir avec le temps que passent des gens qui ne sont pas du même foyer dans l’espace confiné d’un véhicule. Lorsque ces personnes respirent, parlent, toussent et éternuent, elles produisent des gouttelettes respiratoires dont le diamètre varie entre 1 μm et plus de 20 μm. Des gouttelettes de forte dimension peuvent avoir une charge virale plus élevée et tombent généralement au sol plus rapidement que les gouttelettes plus petites. De leur côté, les particules en suspension de taille réduite peuvent demeurer en suspension dans l’air ambiant et être aspirées.
Dans la plupart des cas, l’intérieur d’un véhicule fait moins de deux mètres de largeur, soit une distance suffisamment réduite pour que les personnes soient à distance d’exposition aux gouttelettes respiratoires de plus grande taille. L’espace confiné de l’habitacle d’un véhicule crée aussi une source de transmission par particules en suspension, surtout si les vitres sont fermées. Une étude a établi qu’un patient sans masque qui présentait de légers symptômes de COVID-19, au volant d’un véhicule avec les vitres fermées et la climatisation activée, laissait des gouttelettes respiratoires et des aérosols dans l’air ambiant (d’un diamètre de 0,25 à 0,5 μm) qui contenaient des traces de virus viable SRAS-CoV-2. Ces particules ont été extraites d’un filtre disposé à une distance d’environ un mètre du siège du conducteur et qui a été activé en permanence pendant tout le trajet de 15 minutes, jusqu’à un laps de temps de deux heures après que la personne eut quitté l’habitacle de la voiture.
L’aération naturelle peut réduire le risque d’une transmission par aérosols. Dans un contexte d’établissement de santé, l’ouverture des fenêtres et des portes peut diminuer la concentration d’agents pathogènes. De la même manière, l’ouverture des vitres d’une voiture ne serait-ce que de trois pouces permet un apport en air frais et peut empêcher l’accumulation de particules virales infectées.
L’effet de l’ouverture des vitres d’un véhicule dans lequel prennent place deux personnes a été étudié à l’aide de simulations de la dynamique des fluides numériques. Les auteurs de l’étude ont examiné la mesure dans laquelle l’ouverture de diverses vitres dans une berline qui se déplace à 80 km/h pouvait modifier la circulation de l’air dans l’habitacle et ainsi exercer une influence sur l’échange d’air entre l’habitacle et l’extérieur. Le passager prenait alors place sur le siège arrière à droite (à la diagonale par rapport au conducteur) pour optimiser la distance entre les deux occupants. Il a été établi que les risques de transmission dépendaient des taux d’échange d’air et de la direction de la circulation de l’air dans l’habitacle. L’échange d’air était minimal et les risques d’exposition les plus élevés lorsque les vitres étaient fermées. L’échange d’air optimal a été associé aux quatre vitres ouvertes en même temps. L’ouverture des quatre vitres a par ailleurs largement isolé l’espace d’air du passager de l’espace d’air du conducteur. Une circulation d’air séparée à droite et à gauche de l’habitacle a été produite, car la majeure partie de l’air qui s’engouffrait par les vitres arrière sortait de l’habitacle par les vitres avant sans changer de côté. Une séparation semblable s’est produite à l’ouverture de la vitre arrière gauche et de la vitre avant droite. Sous cette configuration, la circulation de l’air passait à la diagonale dans l’habitacle, de l’arrière à l’avant. L’ouverture d’une troisième vitre près du passager à l’arrière a offert une autre protection au conducteur, car une partie des rejets respiratoires du passager arrière a été aspirée à l’extérieur par la vitre adjacente.
Plus il y a de personnes à bord d’un véhicule, plus grand est le risque d’un contact étroit et d’une exposition au virus. Les risques de transmission vont aussi en augmentant si les sujets changent d’un déplacement à un autre. Au cours d’une étude de modélisation hollandaise, il a été établi qu’un petit groupe stable de passagers et de conducteurs favorisait l’atténuation de la transmission. Des déplacements plus courts pourraient également atténuer les risques de transmission.
Directives de santé publique à l’égard du covoiturage
Les lignes directrices en matière de covoiturage diffèrent quelque peu. Sur certains territoires, les autorités découragent le covoiturage, tandis que dans d’autres États ou provinces, il est mentionné que cette pratique est associée à des risques. Certaines ordonnances de la santé publique ont limité le covoiturage.
Une analyse réalisée aux fins de ce billet a révélé que quatre grands thèmes revenaient fréquemment dans les documents d’information sur les pratiques de covoiturage :
- Participants : La limitation des participants, généralement à deux personnes (le conducteur et un passager), est souvent recommandée. Plusieurs documents de lignes directrices visant le covoiturage pour le transport scolaire ne donnent aucune précision sur le nombre de passagers, mais recommandent le jumelage d’enfants d’une même classe. Une autre recommandation fréquente concerne la constance dans la composition des personnes transportées par covoiturage, les mêmes personnes devant toujours voyager ensemble.
- Aération : Le conseil le plus fréquent consiste à ouvrir au moins deux vitres de 4 à 5 pouces ou plus pour permettre un apport d’air frais et le remplacement de l’air vraisemblablement contaminé de l’habitacle. Certains documents mentionnent également d’éviter la recirculation de l’air mécanique.
- Comportements : Il faudrait éviter les activités qui favorisent l’exposition aux émissions de particules respiratoires (par exemple, parler, manger et boire en présence d’autres personnes). Le port du masque est recommandé par toutes les sources. Des précautions respiratoires comme éternuer ou tousser dans le creux de son coude sont fréquemment recommandées. Des lignes directrices sur l’endroit où s’asseoir sont aussi fort communes, les passagers étant avisés de prendre place à l’arrière et de côtés opposés dans l’habitacle d’un véhicule. Si un véhicule ne compte que deux personnes, le passager est souvent prié de prendre place à l’arrière du côté droit de l’habitacle. On conseille parfois aux personnes transportées par covoiturage de ne pas toucher de surfaces à l’intérieur du véhicule ou leur visage.
- Protocoles de nettoyage et de désinfection : Les recommandations d’hygiène des mains sont communes. Les protocoles de nettoyage et de désinfection de l’habitacle d’un véhicule, surtout les surfaces fréquemment touchées, font souvent partie des publications, tandis que certains documents vont recommander des types précis de produits nettoyants et de désinfectants approuvés.
Parmi les autres points dont font parfois état les documents de lignes directrices, il y a l’autodépistage des symptômes de la COVID-19 avant un déplacement en covoiturage et le fait de se questionner quant à la nécessité d’un transport de covoiturage en groupe.
Difficultés inhérentes au respect des lignes directrices
De nombreuses lignes directrices sur le covoiturage concordent avec les protocoles de la santé publique concernant la distanciation physique, le port du masque et l’hygiène des mains et respiratoire dans les espaces confinés, ainsi qu’avec les éléments probants validant l’utilisation de la ventilation naturelle pour diminuer les risques en espaces clos. Il y aurait cependant lieu de corriger certaines incohérences. Ainsi, les lignes directrices concernant le nombre de personnes qui covoiturent devraient être les mêmes, qu’il s’agisse d’élèves ou d’adultes. En matière de nettoyage et de désinfection, aucune étude ne traite de manière spécifique des vecteurs passifs dans un véhicule. En règle générale, le risque de transmission à partir d’un vecteur passif est jugé plus faible que celui en provenance des voies respiratoires. Cet enjeu ne devrait donc pas avoir préséance sur d’autres facteurs de risque plus importants.
Certes, certaines lignes directrices peuvent être difficiles à observer, par exemple éviter de toucher une surface dans l’habitacle d’un véhicule et le fait de mieux accommoder en toute sécurité des personnes prédisposées. Puisque certains gestes sont inévitables, comme de toucher une poignée de porte ou une ceinture de sécurité, il faudrait insister sur le fait d’éviter de se toucher le visage et sur l’importance de l’hygiène des mains. Par temps froid, il peut assurément être difficile de laisser les vitres entièrement ouvertes. Dans la mesure du possible, il y aurait lieu de les laisser en partie baissées, car l’échange d’air s’en verra nettement amélioré par rapport à un habitacle complètement fermé.
Résumé
En règle générale, le partage de l’habitacle d’une voiture avec une personne qui n’est pas membre de son foyer est associé à des risques de transmission de la COVID-19 qu’il est possible d’atténuer, mais non d’éliminer. Le covoiturage peut devenir une source de transmission qui entraînera d’autres expositions sur les lieux de travail, à l’école ou à la maison. C’est pourquoi les consignes sanitaires sur les lieux de travail et à l’école devraient également fournir aux personnes qui pratiquent le covoiturage des informations sur les risques et les précautions à prendre. De même, les établissements visés devraient disposer de plans pour s’assurer que l’information sur les expositions possibles est communiquée comme il se doit à qui de droit, de manière à garantir que la quarantaine, l’auto-isolement et la recherche des contacts soient possibles. Les lieux de travail qui ont encouragé le covoiturage avant la pandémie devraient songer à informer leur personnel des risques et des solutions de rechange pendant la pandémie. De même, les écoles et les comités de parents devraient échanger des conseils pour s’assurer que toute l’information voulue sur les personnes qui covoiturent et leurs contacts soit mise à la disposition du milieu scolaire.