Quand santé et public convergent : les bibliothèques comme partenaires clés de la santé publique


Ces six derniers mois, le CCNSE a été amené à réfléchir aux objectifs communs de la santé publique et à l’apport d’un partenaire communautaire précieux mais sous-estimé : les bibliothèques publiques. Les bibliothèques publiques sont des établissements fort respectés, présents dans presque toutes les villes, où un large éventail de personnes peuvent se renseigner, se divertir et profiter d’avantages divers à coût moindre ou nul. Elles contribuent aussi à la santé publique, offrant par exemple des formations sur l’administration de naloxone, des centres climatisés et des capteurs de qualité de l’air intérieur pour réduire les disparités en santé au sein des populations. Récemment, le CCNSE s’est penché sur la relation entre les bibliothèques et la santé publique par l’intermédiaire de trois projets :
- Collaboration avec la bibliothèque publique et l’autorité de santé publique de Peterborough pour rédiger une fiche d’information en lien avec leur programme novateur de prêt de capteurs de dioxyde de carbone (CO2);
- Tenue d’un webinaire sur la création d’une bibliothèque de prêt de détecteurs de radon en 2018, qui aide aujourd’hui à sauver des vies partout en Colombie-Britannique;
- Publication d’un article en libre accès décrivant le développement des bibliothèques de prêt de détecteurs de radon au Canada et du programme de prêt de capteurs d’air de la United States Environmental Protection Agency. Cet article présente les avantages de passer par les bibliothèques, les difficultés associées à l’évaluation des répercussions de telles initiatives, et les changements à grande échelle nécessaires pour une amélioration concrète et à long terme de la qualité de l’air intérieur au Canada.
Le webinaire a eu beaucoup de succès auprès des praticiens de santé publique et des bibliothèques désireuses d’élargir leur offre. Nous profitons donc de l’occasion pour partager avec vous l’enregistrement du webinaire, de même qu’une analyse approfondie du rôle des bibliothèques comme partenaires de santé publique et un résumé des questions les plus posées pendant le webinaire. Enfin, nous présentons les nombreux programmes innovants proposés par les bibliothèques du pays ainsi que diverses ressources pour établir de nouveaux partenariats de santé publique.
Récapitulatif : points saillants du webinaire
En décembre, nous avons invité Anne-Marie Nicol (CCNSE, Université Simon Fraser) et Walter Zicha (North Vancouver City Library) à venir parler de l’origine et du développement du programme de prêt de détecteurs de radon à la bibliothèque municipale de Vancouver. Se retrouvant désormais dans plus de 30 villes de la Colombie-Britannique, ce projet s’inscrit dans une initiative de prêt de détecteurs de radon à grande échelle qui comptait (aux dernières nouvelles) 388 bibliothèques du pays. Bien que le sujet initial du webinaire fût l’emploi d’un système de prêt de détecteurs de radon pour encourager la détection de ce gaz cancérigène invisible qui tue plus de 3 000 Canadiens chaque année, les discussions ont touché à toutes sortes de capteurs de qualité de l’air intérieur. Voici les questions examinées :
- Que contient une trousse de détection numérique du radon? Les trousses comprennent un détecteur, un guide et quatre brochures de Santé Canada sur le radon, l’atténuation du radon et les dangers de la double exposition au radon et à la fumée de cigarette.
- Y a-t-il eu des problèmes avec la qualité ou l’entretien des détecteurs? Les dispositifs rapportés sont vérifiés régulièrement par les bibliothécaires. Il est arrivé à quelques reprises que des détecteurs cessent de fonctionner ou affichent un message d’erreur, mais ils ont été renvoyés au fournisseur, qui les a remplacés gratuitement.
- Est-ce que des trousses ont été endommagées ou volées? À ce jour, aucun détecteur n’a été perdu ou volé en Colombie-Britannique.
- Les données sur le radon sont-elles communiquées à quelqu’un? Qu’arrive-t-il si la présence de radon est détectée? Les données des détecteurs de radon sont confidentielles. Les clients peuvent réinitialiser l’appareil pour en effacer l’affichage lorsqu’ils ont terminé. La bibliothèque ne collecte ni ne transmet aucune donnée sur le détecteur ou la personne qui l’a emprunté. Les dispositifs sont conçus pour sensibiliser la population à la présence de radon dans l’air intérieur. Si une concentration élevée est détectée, le client reçoit une marche à suivre pour obtenir une trousse plus précise de détection de traces alpha.
- Comment puis-je trouver un atténuateur de radon? En cas de concentration élevée de radon, le gouvernement fédéral recommande l’atténuation. Les bibliothèques peuvent diriger les clients vers le site de l’Association canadienne des scientifiques et technologues du radon (ACSTR), qui présente des recommandations d’atténuation ainsi qu’un répertoire des atténuateurs certifiés par région.
- Existe-t-il des programmes ou des subventions que les bibliothèques peuvent recommander pour compenser les coûts de l’atténuation résidentielle? Les subventions varient d’une région à l’autre, mais il existe la subvention d’atténuation de l’Association pulmonaire du Canada. Les bibliothèques pourraient aussi se renseigner sur les ressources municipales et provinciales.
- Comment puis-je lancer un programme de prêt de détecteurs numériques du radon? Les bibliothèques intéressées peuvent obtenir des renseignements et des détecteurs sur le portail pour bibliothèques d’Occupe-toi du radon.
- Avez-vous des ressources pour d’autres types de capteurs de qualité de l’air, par exemple des capteurs de CO2? Les partenariats en santé publique sont essentiels pour diffuser les meilleures connaissances scientifiques au public. Les capteurs de CO2 en sont l’exemple parfait : bien que les appareils soient faciles à utiliser et à lire, les données sont difficiles à interpréter. Dans des documents précédents, nous expliquions les enjeux associés à l’utilisation de capteurs de CO2 comme outils de santé publique et les dangers éventuels de leur déploiement dans le monde réel. Les bibliothèques qui souhaitent garder en stock des capteurs de CO2 doivent donc aussi fournir des renseignements précis sur les utilités et les limites de ces appareils.
Comment les bibliothèques contribuent-elles à la santé publique, et comment participer?
Les participants au webinaire de décembre ont donné plusieurs exemples de façons insoupçonnées dont les bibliothèques du Canada contribuent à la santé publique. Poursuivant sur cette lancée, nous avons fait une recherche rapide sur Internet pour recenser les bibliothèques d’objets et autres services pertinents. Au premier coup d’œil, on distinguait au moins 31 bibliothèques publiques canadiennes offrant des ressources et services en santé publique. Les résultats sont résumés à la figure 1, qui définit neuf grandes catégories de contributions aux objectifs de santé publique, avec des exemples pour chacune.
Bien que cette analyse thématique soit non exhaustive et ne tienne compte que des renseignements disponibles sur les sites des bibliothèques et dans les médias, elle illustre les nombreuses façons dont les bibliothèques du pays contribuent déjà à la santé et au bien-être de la collectivité. Certains services étaient assurés en partenariat avec une organisation locale de santé publique, mais dans la plupart des cas, aucun partenaire n’a pu être identifié (ce qui n’exclut néanmoins pas l’éventualité d’un partenaire en coulisses).
Figure 1. Analyse thématique des ressources et services des bibliothèques publiques qui contribuent aux objectifs de santé publique au Canada.
Nouveaux partenariats entre les bibliothèques et la santé publique
Comme le montre la figure 1, les bibliothèques publiques disposent de nombreuses options novatrices pour servir les objectifs de santé. Les professionnels de la santé publique peuvent considérablement enrichir ces initiatives en y apportant une expertise scientifique et technique et en participant à la rédaction des messages au public pour vérifier qu’ils sont exacts, complets et d’actualité. La santé publique et les bibliothèques ont chacune une perspective unique des communautés qu’elles servent, ce qui leur permet de cibler les besoins les plus criants et d’adapter leurs services en conséquence.
Voici quelques conseils pour les professionnels de la santé publique intéressés par une telle collaboration :
- Se familiariser avec les bibliothèques locales. Combien y a-t-il de succursales? Où sont-elles, et quelles populations servent-elles? Ont-elles déjà des bibliothèques d’objets et, le cas échéant, que contiennent-elles? Y a-t-il des bibliothèques non municipales qui servent des populations pertinentes dans le cadre d’une initiative de santé publique?
- Dresser une liste d’enjeux de santé publique susceptibles d’intéresser les clients des bibliothèques et de façons dont ces dernières peuvent contribuer à la diffusion d’information ou à la distribution d’équipement. Par exemple, là où on chauffe principalement au bois, le prêt d’humidimètres à bois de chauffage pourrait réduire la libération de matières particulaires dans l’air intérieur. Les humidimètres pourraient s’accompagner de renseignements sur les subventions et incitatifs existants pour remplacer les vieux poêles fumeux par un chauffage plus efficace, afin d’améliorer non seulement la qualité de l’air intérieur, mais aussi la qualité de l’air régional, influencée par la combustion de biomasse.
- Réfléchir aux façons dont une expertise en santé publique pourrait rehausser les services existants des bibliothèques, par exemple ajouter des ressources pour arrêter de fumer dans les trousses de détection du radon qu’offrent désormais de nombreuses bibliothèques. En attirant l’attention sur le lien relativement méconnu entre la fumée de cigarette et le radon, on sensibilise la population à deux enjeux de santé majeurs qui se combinent pour augmenter considérablement les risques de cancer du poumon.
- Prendre contact avec les responsables des bibliothèques et organiser une rencontre informelle pour discuter des enjeux locaux de santé publique et des besoins de la clientèle des bibliothèques. Il pourrait aussi être pertinent de communiquer avec les associations provinciales de bibliothèques ou d’administrateurs. À l’échelle nationale, bon nombre de bibliothèques sont rattachées à la Fédération canadienne des associations de bibliothèques.
- Octobre est le mois des bibliothèques canadiennes! C’est le moment parfait de se pencher sur les nombreuses façons dont les bibliothèques servent la collectivité, au-delà des services de santé publique.
Voici aussi quelques conseils pour le personnel de bibliothèques qui s’intéresse à la santé publique :
- Prendre contact avec les autorités locales ou régionales de santé publique. Certaines provinces affichent les coordonnées de ces autorités ou des médecins hygiénistes locaux en ligne (p. ex., sur des portails pratiques comme celui-ci, créé par la province de l’Ontario). Vous pouvez aussi communiquer avec l’organisation provinciale de santé publique, par exemple Santé publique Ontario (SPO), le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (BCCDC) ou l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui vous orientera vers la bonne ressource.
- Se familiariser avec les universités et établissements de recherche locaux qui étudient des enjeux d’actualité touchant les clients de la bibliothèque. Les chercheurs ont parfois des perspectives, des outils ou des propositions qu’on ne trouverait pas auprès des autorités de santé publique.
- Suivre les pages et les publications sur les médias sociaux des principales organisations de santé publique au Canada pour rester à l’affût des campagnes de sensibilisation. En plus des organisations provinciales susmentionnées, on pensera aux organisations nationales comme l’Association canadienne de santé publique (ACSP), l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et les Centres de collaboration nationale en santé publique (CCNSP).
Vous faites partie d’un partenariat entre une bibliothèque et la santé publique ou aimeriez établir une telle collaboration? Écrivez au CCNSE; vos projets nous intéressent!
Résumé
Compte tenu de leur objectif commun – veiller à la santé et au bien-être de la collectivité –, les bibliothèques et les organisations de santé publique sont des partenaires naturels. Leur collaboration permet de renseigner, de sensibiliser et d’outiller des populations locales que les acteurs traditionnels de la santé publique ont du mal à rejoindre, ou qui ne sont pas au fait de certains enjeux de santé importants. Les bibliothèques, elles, y trouvent leur compte dans de nouvelles ressources et collections novatrices qui aident à réduire les inégalités socioéconomiques et géographiques à l’origine des disparités en santé. Dans cette optique, le CCNSE entend continuer à réaliser des projets et à encourager de nouveaux partenariats entre la santé publique et les bibliothèques pour améliorer la santé et le bien-être de la collectivité.
Citation
Eykelbosh, A. Quand santé et public convergent : les bibliothèques comme partenaires clés de la santé publique [blog]. Vancouver, C.-B.: CCNSE; 2022 janvier 12. Disponible sur: https://ccnse.ca/content/blog/quand-sante-et-public-convergent-les-bibliotheques-comme-partenaires-cles-de-la-sante.