Variole simienne et établissements de services personnels : le risque est faible, mais il faut savoir reconnaître les symptômes

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En mai 2022, on a commencé à rapporter des cas de variole simienne à l’extérieur des régions où la maladie est endémique. Au moment de la publication, l’Organisation mondiale de la santé avait enregistré 1 285 cas dans 28 pays, et l’Agence de la santé publique du Canada avait rapporté 168 cas confirmés au pays, dont 141 au Québec, 21 en Ontario, 4 en Alberta et 2 en Colombie-Britannique.
Bien que ce ne soit pas la première éclosion de variole simienne dans une région où elle n’est pas endémique, il s’agit de la première à se produire au Canada. Il y a transmission de personne à personne, et la majorité des cas ne so Disponible surnt pas associés à des voyages en zone où la maladie frappe habituellement. Le présent document fait le bilan de l’éclosion actuelle au Canada et liste les renseignements importants que doivent observer les inspecteurs en santé publique pour déterminer le degré de risque dans les établissements qui dispensent des services personnels et autres lieux publics où il existe un risque de transmission.
Qu’est-ce que la variole simienne?
La variole simienne est une maladie infectieuse zoonotique endémique aux régions centrale et occidentale de l’Afrique. La maladie est causée par le virus de l’orthopoxvirose simienne, un cousin de celui responsable de la variole, qui ne cause que rarement une forme grave de la maladie.
Il existe deux principaux sous-types du virus de la variole simienne : le clade ouest-africain et le clade du bassin du Congo (Afrique centrale). Les infections humaines causées par le premier clade sont généralement associées à une forme bénigne de la maladie, à une faible mortalité et à une faible transmission humaine, comparativement à celles causées par le deuxième. Jusqu’à présent, on a associé tous les cas confirmés de l’éclosion de 2022 au clade ouest-africain. La maladie qui en découle se guérit en général spontanément sans traitement précis. Les symptômes disparaissent en deux à quatre semaines; toutefois, une étude de cas récente indique qu’ils pourraient persister jusqu’à six semaines. Jusqu’à présent, on ne rapporte aucun décès pour les cas déclarés à l’extérieur des régions où la maladie est endémique.
Quels sont les symptômes de la variole simienne?
Les symptômes de l’infection par le virus de la variole simienne connaissent habituellement deux phases. Les symptômes courants pendant la première phase sont l’enflure des nœuds lymphatiques, la fatigue, les tensions et les douleurs musculaires, la raideur aux articulations, la fièvre, les céphalées, les douleurs dorsales et la proctite (inflammation des muqueuses rectales). Typique de la deuxième phase, l’éruption cutanée caractéristique de la variole simienne se développe de un à trois jours après le déclenchement de la fièvre, bien que ce symptôme ne soit pas généralisé à tous les cas d’infection au clade ouest-africain. L’éruption dure habituellement entre deux et quatre semaines et évolue de lésions plates et surélevées à de petites cloques, qui forment ensuite des croûtes qui finissent par tomber d’elles-mêmes.
Lésions de la variole simienne aux différents stades de l’infection
Photo : UK Health Security Agency
Lors d’éclosions précédentes, les symptômes cutanés apparaissaient habituellement sur le visage ou aux extrémités avant de s’étendre à d’autres zones du corps. Toutefois, dans l’actuelle éclosion, les lésions génitales et périanales sont courantes et apparaissent souvent en premier, avant de s’étendre au reste du corps (torse, visage, bouche, extrémités), dans une partie des cas. Cette différence s’explique probablement par le schéma de transmission actuel par contacts sexuels plutôt que par un changement dans le virus lui-même. On a observé d’autres cas où les lésions apparaissaient avant la première phase des symptômes ou à différents stades de l’infection. Ces manifestations sont atypiques par rapport à ce qu’on a observé lors de précédentes éclosions.
Comment la variole simienne se transmet-elle?
La transmission de l’orthopoxvirus simien peut se faire d’animal à animal, d’animal à personne et de personne à personne. Une personne est considérée comme infectieuse pendant la première et la deuxième phase des symptômes, jusqu’à ce que toutes les croûtes soient tombées et que la peau neuve soit visible. Des données probantes récentes indiquent que la transmission asymptomatique du virus est extrêmement rare.
La transmission de la variole simienne se produit le plus probablement par contact direct avec une personne qui présente les lésions caractéristiques, soit par les fluides corporels, soit par contact avec une plaie ouverte, une éraflure ou les muqueuses de la personne saine. Toutefois, la transmission indirecte par l’intermédiaire d’objets contaminés (literie, vêtements, serviettes) est aussi possible. Le virus peut également se transmettre par gouttelettes respiratoires lors d’un contact en personne direct et prolongé, bien que cette voie ne soit pas encore bien comprise et ne soit pas considérée comme une voie importante de transmission. Bien que le virus ne soit pas classé comme une infection transmissible sexuellement, les contacts intimes font augmenter la probabilité de transmission. Enfin, le virus peut aussi se transmettre par voie placentaire de la mère au fœtus, ce qui peut provoquer une variole simienne congénitale.
Les symptômes apparaissent généralement de 7 à 14 jours après la transmission, mais la période peut aller de 5 à 21 jours.
Quel est le risque de transmission communautaire dans les établissements de service personnels?
Actuellement, les établissements qui dispensent des services personnels ne sont pas considérés comme un lieu de transmission du virus de la variole simienne, et la probabilité d’y rencontrer un cas est très faible. Cela dit, ce sont des établissements publics qui peuvent réunir plusieurs facteurs de transmission du virus, notamment durant les services qui demandent des interactions en personne prolongées, des contacts de peau à peau ou l’utilisation de serviettes, de rideaux, etc., qui pourraient entraîner une transmission indirecte.
Dans les localités et communautés où l’on recense des cas de la maladie, une connaissance de base des symptômes peut aider à déterminer le degré de risque des endroits où l’on dispense des services personnels. Généralement, les recommandations et réglementations qui encadrent ce type d’établissements déconseillent le service aux clients qui présentent des plaies ouvertes, des lésions ou des éraflures, et ce, jusqu’à ce qu’ils soient guéris. Cette mesure vise autant à protéger le personnel d’une potentielle transmission pathogénique (variole simienne ou autres) qu’à éviter de nuire au processus de guérison de la peau, ce qui affecterait encore davantage la santé du client.
Les membres du personnel de ces établissements qui travaillent en proximité avec les clients pourrait aussi se trouver en posture privilégiée pour repérer les éruptions cutanées associées à la variole simienne, ce qui pourrait contribuer à limiter la propagation. Si le travailleur constate une éruption cutanée caractéristique de la maladie sur une partie visible de la peau, ou si un client présente un ou plusieurs des symptômes listés plus haut, il devrait aviser le client et l’encourager à consulter un professionnel de la santé. Si un travailleur pense avoir été exposé à une maladie infectieuse, il devrait (comme toujours) communiquer avec la santé publique locale ou avec son propre fournisseur de services de santé.
Est-ce que d’autres villes changent leurs recommandations sur les pratiques en établissement de services personnels?
En raison de la faible incidence des cas d’infection au virus de la variole simienne, on ne recommande pas encore de mesures propres aux établissements de services personnels ou autres lieux publics. Toutefois, si un cas de variole simienne est rapporté à la suite d’une transaction, le personnel peut s’informer sur la façon de nettoyer et de désinfecter le lieu de travail, notamment le mobilier et d’autres articles manipulés par le client en question. Les recommandations en matière de prévention et de contrôle des infections à la variole simienne mettent l’accent sur les gestes suivants :
- Port du masque et de gants. Comme les voies de transmission de la présente éclosion sont encore mal connues, l’Agence de la santé publique du Canada recommande que les personnes suspectées d’avoir contracté le virus de la variole simienne portent un masque médical et que les professionnels de la santé qui les assistent portent un respirateur et des gants. Toutefois, en dehors des établissements de soins de santé, les CDC recommandent que les personnes qui assurent la décontamination du virus de la variole simienne portent au moins un masque médical et des gants.
- Nettoyage des surfaces. Pendant la pandémie de COVID-19, on conseillait aux travailleurs de désinfecter fréquemment les surfaces très utilisées, et ce geste demeure une bonne pratique générale. Même si l’on manque de données sur la durée de vie du virus de la variole simienne sur les surfaces, on sait que d’autres Orthopoxvirus peuvent perdurer pendant des mois à des années en raison de leur enveloppe extérieure plus durable que celle des coronavirus. Cette enveloppe les prend plus résistants à la chaleur, à la sécheresse et aux variations de pH, de sorte que le nettoyage pourrait jouer un rôle très important dans le contrôle des infections. Les surfaces qui ont été en contact avec le client devraient être traitées avec des agents nettoyants et désinfectants qui disposent d’un numéro d’identification du médicament (DIN). Toutefois, le virus est aussi vulnérable aux produits nettoyants ménagers courants ainsi qu’aux solutions à 0,5 % d’hypochlorite de sodium (eau de Javel) (la dilution de l’eau de Javel exige la prudence; cliquer ici pour accéder à un calculateur de dilution). Les planchers devraient être nettoyés à l’eau plutôt que simplement balayés ou nettoyés par une autre méthode; on peut aspirer la poussière des planchers au moyen d’un aspirateur doté d’un filtre HEPA.
- Lessive. Une fois desséchés, les Orthopoxvirus sont stables à température ambiante. Il est donc nécessaire de nettoyer à la machine les draps et les serviettes (les surfaces rembourrées doivent être traitées à la vapeur) s’ils ont été en contact avec une personne ayant contracté la variole simienne, particulièrement s’il s’agit d’un contact direct avec des lésions. Il faut nettoyer les articles contaminés séparément, avec un savon à lessive ordinaire à une température d’au moins 60 °C, puis les faire sécher à l’air chaud jusqu’à ce qu’ils soient complètement secs. Certaines machines à laver n’atteignent pas cette température; on peut ajouter de l’eau chaude directement dans le tambour des machines à chargement vertical. Lors d’une précédente éclosion, on a rapporté la transmission du virus à un travailleur de la santé par l’intermédiaire d’articles de literie contaminés; les travailleurs devraient donc porter un masque et des gants pour manipuler le linge sale et éviter de le secouer avant de le laver pour ne pas se contaminer ou contaminer l’environnement.
- Élimination des déchets. Sauf dans les établissements de soins de santé où l’on assure l’élimination de déchets biodangereux, les CDC des États-Unis recommandent de sceller les déchets contaminés par le virus de la variole simienne dans un sac de plastique avant de les jeter aux ordures.
- Hygiène des mains. On devrait toujours se laver les mains après avoir retiré les gants utilisés pour la décontamination.
Ces mesures peuvent sembler excessives par rapport au risque individuel; c’est qu’elles visent à arrêter la transmission communautaire à un stade précoce, avant que le virus ne se propage aux populations à risque (femmes enceintes et enfants).
En dehors des établissements de services personnels, quels autres endroits pourraient présenter un risque élevé de transmission communautaire?
Dans l’éclosion actuelle, au Canada comme à l’étranger, la transmission du virus de la variole simienne s’est principalement (mais pas seulement) produite au sein d’une sous-population précise d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Les endroits fréquentés par cette communauté et où des actes sexuels ont lieu sur place ont été d’importants lieux de transmission et demandent qu’on y augmente la fréquence de nettoyage.
En ce moment, il y a très peu de raisons de s’inquiéter d’une transmission dans le public par les contacts du quotidien non sexuels. Toutefois, les établissements qui comportent des surfaces ou des équipements qui peuvent entrer en contact direct avec la peau, ou les établissements où des draps, des serviettes ou d’autres articles sont réutilisés (p. ex., gymnases, hôtels, auberges, services de garde, établissements carcéraux) pourraient être des lieux de transmissions potentiels si le virus devait commencer à se propager rapidement. Enfin, l’Organisation mondiale de la Santé a aussi désigné les grands rassemblements comme des milieux de propagation potentiels de la variole simienne lorsqu’ils impliquent des interactions rapprochées, prolongées et fréquentes entre personnes infectées qui pourraient les exposer à des lésions cutanées, des fluides corporels, des gouttelettes respiratoires ou du matériel contaminé.
Résumé
L’actuelle éclosion de cas de variole simienne a soulevé des inquiétudes en raison de sa manifestation atypique et de sa propagation sans précédent dans plusieurs groupes d’âge dans des pays où la maladie n’est pas endémique. La propagation actuelle par contact sexuel semble indiquer qu’un contact étroit (peau à peau et face à face) est nécessaire pour permettre la transmission. Bien que les établissements de services personnels ne soient pas actuellement considérés comme des lieux de transmission, les travailleurs qui s’y trouvent doivent faire preuve de vigilance; en effet, ils pourraient se trouver en contact direct avec une personne ayant la peau éraflée ou être en bonne position pour observer des symptômes chez leurs clients et devraient prendre les mesures appropriées en cas de présence suspectée du virus.
Nous voulons remercier la Dre Caroline Huot (INSPQ), le Dr Stéphane Perron (INSPQ) et la Dre Alexandra Kossowski (Direction de santé publique de Montréal) pour leur précieuse contribution.
Authors
Leah Rosenkrantz et Angela Eykelbosh sont spécialiste en application des connaissances scientifiques au CCNSE.
Citation
Rosenkrantz L, Eykelbosh A. Variole simienne et établissements de services personnels : le risque est faible, mais il faut savoir reconnaître les symptômes [blog]. Vancouver, C.-B.: CCNSE; 2022 June 22. Disponible sur: https://ccnse.ca/content/blog/variole-simienne-et-etablissements-de-services-personnels-le-risque-est-faible-mais-il