Mpox et établissements de services personnels : le risque est faible, mais il faut savoir reconnaître les symptômes

Photo credit: US CDC. This digitally-colorized electron microscopic (EM) image depicted a monkeypox virion, obtained from a clinical sample associated with the 2003 prairie dog outbreak. It was a thin section image from of a human skin sample. On the left were mature, oval-shaped virus particles, and on the right were the crescents, and spherical particles of immature virions.
[Mis à jour le 22 novembre 2022]
En mai 2022, on a commencé à rapporter des cas de mpox (anciennement désignée comme la variole simienne) à l’extérieur des régions où la maladie est endémique, et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré l’état d’urgence sanitaire mondial à la fin de juillet. Le 15 novembre 2022, l’OMS avait enregistré 79 411 cas et 50 décès répartis dans 110 pays, et l’Agence de la santé publique du Canada avait rapporté 1 445 cas confirmés au pays, dont la majorité en Ontario (688), au Québec (525) et en Colombie-Britannique (180).
Bien que ce ne soit pas la première éclosion de mpox dans une région où elle n’est pas endémique, il s’agit d’un important virage en ce qui a trait au nombre de pays touchés et à la transmission continue de personne à personne non associée à un voyage dans une zone où la maladie est endémique. Même avant l’éclosion actuelle, on avait émis l’hypothèse que l’affaiblissement de l’immunité à l’Orthopoxvirus en raison de l’arrêt de la vaccination contre la variole après l’éradication de la maladie il y a plusieurs décennies pourrait être responsable de la réémergence du virus de la mpox. Toutefois, les causes premières de l’éclosion actuelle demeurent inconnues et sont probablement multifactorielles.
Ce document fait un survol de la mpox et de sa transmission et met en lumière les principales informations nécessaires aux inspecteurs de la santé publique qui doivent évaluer le risque de transmission dans les établissements de services personnels et autres lieux publics.
Qu’est-ce que la mpox?
La mpox est une maladie infectieuse zoonotique endémique aux régions centrale et occidentale de l’Afrique. La maladie est causée par l’Orthopoxvirus, un cousin de celui responsable de la variole, qui ne cause que rarement une forme grave de la maladie.
Il existe deux principaux sous-types du virus de la mpox : le clade ouest-africain et le clade du bassin du Congo (Afrique centrale). Les infections humaines causées par le premier clade sont généralement associées à une forme bénigne de la maladie, à une faible mortalité et à une faible transmission humaine, comparativement à celles causées par le deuxième. Des données préliminaires associent le virus responsable de la présente éclosion au clade ouest-africain. La maladie qui en découle se guérit en général spontanément sans traitement précis. Les symptômes disparaissent en deux à quatre semaines; toutefois, une étude de cas récente indique qu’ils pourraient persister jusqu’à six semaines.
Quels sont les symptômes de la mpox?
Les symptômes de l’infection par le virus de la mpox connaissent habituellement deux phases. Les symptômes courants pendant la première phase sont l’enflure des nœuds lymphatiques, la fatigue, les tensions et les douleurs musculaires, la raideur aux articulations, la fièvre, les céphalées, les douleurs dorsales et la proctite (inflammation des muqueuses rectales). Typique de la deuxième phase, l’éruption cutanée caractéristique de la mpox se développe de un à trois jours après le déclenchement de la fièvre, bien que ce symptôme ne soit pas généralisé à tous les cas d’infection au clade ouest-africain. L’éruption dure habituellement entre deux et quatre semaines et évolue de lésions plates et surélevées à de petites cloques, qui forment ensuite des croûtes qui finissent par tomber d’elles-mêmes.
Lésions de la mpox aux différents stades de l’infection
Crédit photo: UK Health Security Agency
Lors d’éclosions précédentes, les symptômes cutanés apparaissaient habituellement sur le visage ou aux extrémités avant de s’étendre à d’autres zones du corps. Toutefois, dans l’actuelle éclosion, les lésions génitales et périanales sont courantes et apparaissent souvent en premier, avant de s’étendre au reste du corps (torse, visage, bouche, extrémités), dans une partie des cas. Cette différence pourrait s’expliquer par le schéma de transmission actuel par contacts sexuels plutôt que par un changement dans le virus lui-même. On a observé d’autres cas où les lésions apparaissaient avant la première phase des symptômes ou à différents stades de l’infection. Ces manifestations sont atypiques par rapport à ce qu’on a observé lors de précédentes éclosions. Enfin, on a plus souvent rapporté des douleurs et des saignements anorectaux au cours de cette éclosion.
Comment la mpox se transmet-elle?
La transmission du virus de la mpox peut se faire d’animal à animal, d’animal à personne, de personne à personne et, tel que découvert récemment, de personne à animal. Une personne est considérée comme infectieuse pendant la première et la deuxième phase des symptômes, jusqu’à ce que toutes les croûtes soient tombées et que la peau neuve soit visible. Des données probantes récentes indiquent que la transmission asymptomatique du virus est extrêmement rare.
La transmission de la mpox se produit le plus probablement par contact direct avec une personne qui présente les lésions caractéristiques, soit par les fluides corporels, soit par contact avec une plaie ouverte, une éraflure ou les muqueuses de la personne saine. Le risque de transmission pourrait être accru chez les personnes qui souffrent de certains problèmes de santé endommageant la barrière cutanée (ex. : psoriasis, eczéma). La transmission peut aussi se faire par gouttelettes respiratoires, et possiblement par aérosols à courte distance; toutefois, ces deux voies de transmission demandent une grande proximité et une longue exposition. Le rôle joué par la transmission sexuelle n’est pas encore bien compris, bien que le virus ait été trouvé dans le sperme de patients. Pendant la grossesse, la transmission verticale de l’Orthopoxvirus peut se faire par voie placentaire de la mère au fœtus, ce qui peut provoquer une mpox congénitale.
Enfin, la transmission indirecte par l’intermédiaire d’objets contaminés (literie, vêtements, serviettes) est aussi possible. Dans des immeubles privés, des études ont trouvé des Orthopoxvirus viables tant sur des surfaces poreuses (literie, draps) que non poreuses (métal, plastique) 3 et 15 jours après que le patient a quitté la maison. Le virus semble plus susceptible de demeurer viable lorsqu’il se trouve sur des matériaux poreux. Dans un contexte hospitalier, le changement de draps contaminés est la cause suspectée de transmission dans le cas d’un travailleur de la santé au Royaume-Uni. Des virus capables de réplication ont également été détectés dans des échantillons d’air recueillis lors d’un changement de draps contaminés dans un hôpital du Royaume-Uni; la même étude a découvert une vaste contamination des surfaces dans les chambres de patients, les équipements de protection individuelle (EPI) du personnel et les lieux de mises et de retrait de l’EPI. Enfin, au Brésil, une infirmière qui recueillait des échantillons d’une lésion liée à l’Orthopoxvirus a contracté la maladie après s’être blessée accidentellement au pouce avec une seringue.
Les symptômes apparaissent généralement de 7 à 14 jours après la transmission, mais la période peut aller de 5 à 21 jours.
Quel est le risque de transmission communautaire dans les établissements de service personnels?
Actuellement, les établissements qui dispensent des services personnels ne sont pas considérés comme un lieu de transmission du virus de la mpox, et la probabilité d’y rencontrer un cas est très faible. Cela dit, ce sont des établissements publics qui peuvent réunir plusieurs facteurs de transmission du virus, notamment durant les services qui demandent des interactions en personne prolongées, des contacts de peau à peau ou l’utilisation de serviettes, de rideaux, d’instruments, etc., qui pourraient entraîner une transmission indirecte.
En Espagne, une éclosion s’est déclarée dans un salon de perçage et de tatouage après qu’on a effectué un perçage sur une personne présentant des lésions suspectées d’être liées à l’Orthopoxvirus. Toutefois, comme on n’a gardé aucune trace du client, l’infection n’a pu être confirmée. Parmi les 54 clients qui se sont rendus au salon pendant les deux semaines suivantes, 20 personnes ont contracté le virus, 19 ayant reçu un perçage et une ayant reçu un tatouage. Fait important : 18 des 20 personnes ont présenté une éruption cutanée sur le site du perçage ou du tatouage. Deux semaines après l’infection présumée des premiers cas, on a retrouvé la présence du virus sur les surfaces de travail, les tables, les chaises et l’équipement, ce qui démontre la persistance du virus dans l’environnement lorsque l’on n’applique pas les mesures de désinfection appropriées. En Italie, un homme ayant récemment été tatoué a présenté des lésions dans la zone de traitement, mais aucun suivi épidémiologique n’a été effectué.
Vu la persistance du virus et le potentiel de transmission associé aux établissements de services personnels, une connaissance de base des symptômes peut aider à déterminer le degré de risque des endroits où l’on dispense des services personnels. Généralement, les recommandations et réglementations qui encadrent ce type d’établissements déconseillent le service aux clients qui présentent des plaies ouvertes, des lésions ou des éraflures, et ce, jusqu’à ce qu’ils soient guéris. Cette mesure vise autant à protéger le personnel d’une potentielle transmission pathogénique (mpox ou autres) qu’à éviter de nuire au processus de guérison de la peau, ce qui affecterait encore davantage la santé du client.
Les membres du personnel de ces établissements pourraient aussi se trouver en posture privilégiée pour repérer les éruptions cutanées associées à la mpox, ce qui pourrait contribuer à limiter la propagation. Si le travailleur constate une éruption cutanée caractéristique de la maladie sur une partie visible de la peau, ou si un client présente un ou plusieurs des symptômes listés plus haut, il devrait aviser le client et l’encourager à consulter un professionnel de la santé. Si un travailleur pense avoir été exposé à une maladie infectieuse, il devrait (comme toujours) communiquer avec la santé publique locale ou avec son propre fournisseur de services de santé.
Est-ce que d’autres villes changent leurs recommandations sur les pratiques en établissement de services personnels?
En raison de la faible incidence des cas d’infection au virus de la mpox, on ne recommande pas encore de mesures propres aux établissements de services personnels ou autres lieux publics. Toutefois, si un cas de mpox est rapporté à la suite d’une transaction, le personnel peut s’informer sur la façon de nettoyer et de désinfecter le lieu de travail, notamment le mobilier et d’autres articles manipulés par le client en question. Les recommandations en matière de prévention et de contrôle des infections à la mpox mettent l’accent sur les gestes de décontamination suivants :
- Port du masque et de gants. L’Agence de la santé publique du Canada recommande que les personnes suspectées d’avoir contracté le virus de la mpox portent un masque médical et que les professionnels de la santé qui les assistent portent un respirateur et des gants. Toutefois, en dehors des établissements de soins de santé, les CDC recommandent que les personnes qui assurent la décontamination du virus de la mpox portent des gants, un masque ajusté ou un respirateur et des vêtements qui couvrent complètement les bras et les jambes, ou au moins un masque médical et des gants.
- Nettoyage des surfaces. Pendant la pandémie de COVID-19, on conseillait aux travailleurs de désinfecter fréquemment les surfaces très utilisées, et ce geste demeure une bonne pratique générale. Même si l’on manque de données sur la durée de vie du virus de la mpox sur les surfaces, une étude a détecté la présence de virus viable sur les surfaces dans une maison après 15 jours. Cette persistance peut être attribuée à l’enveloppe extérieure durable du virus, qui le rend plus résistant à la chaleur, à la sécheresse et aux variations de pH, de sorte que le nettoyage pourrait jouer un rôle très important dans le contrôle des infections. Les surfaces qui ont été en contact avec le client devraient être traitées avec des agents nettoyants et désinfectants qui disposent d’un numéro d’identification du médicament (DIN). Toutefois, des recherches récentes ont montré que le virus est généralement vulnérable à une grande variété de produits désinfectants courants ainsi qu’aux solutions à 0,5 % d’hypochlorite de sodium (eau de Javel) (la dilution de l’eau de Javel exige la prudence; cliquer ici pour accéder à un calculateur de dilution). Les planchers devraient être nettoyés à l’eau plutôt que simplement balayés ou nettoyés par une autre méthode; on peut aspirer la poussière des planchers au moyen d’un aspirateur doté d’un filtre HEPA.
- Lessive. En raison de précédentes contaminations suspectées par l’intermédiaire d’articles de literie, les travailleurs devraient éviter de secouer le linge sale avant de le laver pour ne pas se contaminer ou contaminer l’environnement. Une fois desséchés, les Orthopoxvirus sont stables à température ambiante. Il est donc nécessaire de nettoyer à la machine les draps et les serviettes (les surfaces rembourrées doivent être traitées à la vapeur) s’ils ont été en contact avec une personne ayant contracté la mpox, particulièrement s’il s’agit d’un contact direct avec des lésions. Dans des recherches récentes, on n’a retrouvé aucun virus infectieux dans des échantillons liquides de l’Orthopoxvirus qu’on avait chauffés à 56 °C pendant 30 minutes. L’OMS recommande de nettoyer les articles contaminés séparément à une température minimale de 60 °C avec du savon à lessive ordinaire et de les sécher à température élevée; si cette dernière option n’est pas disponible, elle recommande l’utilisation de chlore.
- Élimination des déchets. Sauf dans les établissements de soins de santé où l’on assure l’élimination de déchets biodangereux, les CDC des États-Unis recommandent de sceller les déchets contaminés par le virus de la mpox dans un sac de plastique avant de les jeter aux ordures.
- Hygiène des mains. On devrait toujours se laver les mains après avoir retiré les gants utilisés pour la décontamination.
Ces mesures peuvent sembler excessives par rapport au risque individuel; c’est qu’elles visent à arrêter la transmission communautaire à un stade précoce.
En dehors des établissements de services personnels, quels autres endroits pourraient présenter un risque élevé de transmission communautaire?
Dans l’éclosion actuelle, au Canada comme à l’étranger, la transmission du virus de la mpox s’est principalement (mais pas seulement) produite chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Les endroits fréquentés par cette communauté et où des actes sexuels ont lieu sur place ont été d’importants lieux de transmission; il est recommandé qu’on y augmente la fréquence de nettoyage.
En ce moment, il y a très peu de raisons de s’inquiéter d’une transmission dans le public par les contacts du quotidien non sexuels. Toutefois, les établissements qui comportent des surfaces ou des équipements qui peuvent entrer en contact direct avec la peau, ou les établissements où des draps, des serviettes ou d’autres articles sont réutilisés (p. ex., gymnases, hôtels, auberges, services de garde, établissements carcéraux) pourraient être des lieux de transmissions potentiels si le virus devait commencer à se propager rapidement. Enfin, l’Organisation mondiale de la Santé a aussi désigné les grands rassemblements comme des milieux de propagation potentiels de la mpox lorsqu’ils impliquent des interactions rapprochées, prolongées et fréquentes entre personnes infectées qui pourraient les exposer à des lésions cutanées, des fluides corporels, des gouttelettes respiratoires ou du matériel contaminé.
Résumé
L’actuelle éclosion de cas de mpox a soulevé des inquiétudes en raison de sa manifestation atypique et de sa propagation sans précédent dans plusieurs groupes d’âge dans des pays où la maladie n’est pas endémique. La propagation actuelle par contact sexuel semble indiquer qu’un contact étroit (peau à peau et face à face) est nécessaire pour permettre la transmission. Bien que les établissements de services personnels ne soient pas actuellement considérés comme des lieux de transmission, les travailleurs qui s’y trouvent doivent faire preuve de vigilance; en effet, ils pourraient se trouver en contact direct avec une personne ayant la peau éraflée ou être en bonne position pour observer des symptômes chez leurs clients et devraient prendre les mesures appropriées en cas de présence suspectée du virus.
Remerciements
Nous voulons remercier la Dre Caroline Huot (INSPQ), le Dr Stéphane Perron (INSPQ) et la Dre Alexandra Kossowski (Direction de santé publique de Montréal) pour leur précieuse contribution.
Auteurs
Leah Rosenkrantz et Angela Eykelbosh sont spécialistes en application des connaissances scientifiques au CCNSE.
Citation
Rosenkrantz L, J Eykelbosh. Mpox et établissements de services personnels : le risque est faible, mais il faut savoir reconnaître les symptômes [blog]. Vancouver, C.-B.: Centre de collaboration nationale en santé environnementale; 22 novembre 2022. Disponible sur: https://ccnse.ca/content/blog/variole-simienne-et-etablissements-de-services-personnels-le-risque-est-faible-mais-il.