Accessibilité pour les personnes handicapées pendant la pandémie de COVID-19

Les difficultés financières, la perte d’emploi, l’accès inégal aux soins médicaux et à la nourriture et les exclusions politiques ont particulièrement éprouvé la santé mentale et physique des personnes handicapées durant la pandémie de COVID-19, y compris au Canada. Si la distanciation physique et l’hygiène des mains aident grandement à prévenir la transmission de la maladie, l’accessibilité de l’environnement physique peut quant à elle favoriser la sécurité et l’autonomie de cette population.
Dans un sondage de l’Institut Angus Reid publié en 2019, près d’un répondant canadien sur quatre a dit avoir un handicap physique touchant sa mobilité, sa vue ou son ouïe. Certains handicaps sont physiques et visibles, tandis que d’autres – sensoriels, cognitifs ou liés à la santé mentale – sont moins apparents. Permanents, temporaires ou épisodiques, les handicaps peuvent se manifester à tout âge et être plus ou moins lourds. Au Canada, trois personnes sur dix prennent en considération l’accessibilité d’un lieu avant de se déplacer. Or, la pandémie de COVID-19 est venue ajouter des obstacles sur le chemin des personnes handicapées1-2.
Incidence de l’environnement sur la santé et la sécurité des personnes handicapées durant la pandémie
Accessibilité physique
Même avant la COVID-19, l’aménagement des installations dans les lieux publics posait parfois problème pour les personnes ayant des besoins particuliers. La pandémie a toutefois érigé de nouveaux obstacles à la sécurité et à l’autonomie. Par exemple, les éviers et les distributeurs de savon, de papier ou de désinfectant pour les mains placés trop haut pour les personnes à mobilité réduite nuisent à l’hygiène des mains.
La difficulté à obtenir des produits essentiels et à se déplacer dans les épiceries a souvent été dénoncée durant la pandémie. Les personnes aveugles ne peuvent pas voir les repères de distanciation physique dans les allées ni savoir où sont placées les barrières en plastique aux comptoirs. Le manque de sensibilisation chez le personnel fait en sorte que certains clients ayant un handicap invisible se font reprocher de ne pas respecter les deux mètres ou ne reçoivent pas d’aide pour localiser les produits. Il arrive que le manque d’espace empêche les personnes en fauteuil roulant de garder leurs distances ou de faire demi-tour. Par ailleurs, l’absence de rampes d’accès, les surfaces inégales, les longues attentes debout à la caisse et les produits hors de portée sur les tablettes sont autant de défis physiques pour les personnes à mobilité réduite. Les personnes aveugles ont quant à elles de la difficulté à localiser les aliments placés dans des aires ouvertes ou au centre des allées3-5.
Ces difficultés nous indiquent que nous devons revisiter les environnements afin d’en améliorer l’accessibilité. Par exemple, les supermarchés auraient avantage à utiliser un affichage plus grand et contrasté pour la signalisation, à affecter des employés pour aider les personnes atteintes d’un trouble de la vue et à fournir des chaises aux personnes fragiles ou à mobilité réduite dans les longues files. Il existe également des applications Web qui émettent des indications sonores pour aider à respecter la distanciation. D’autres solutions seraient de permettre aux personnes handicapées de profiter des heures d’ouverture réservées aux aînés et d’offrir aux personnes aveugles un service d’aide au magasinage. La sensibilisation du personnel et du public aux handicaps éveillera aussi les consciences au fait que certaines personnes ayant un handicap cognitif ont de la difficulté à suivre, voire à comprendre, les mesures préventives.
Il arrive aussi que des politiques entravent l’accès aux produits essentiels. Au Royaume-Uni, des services d’épicerie en ligne et de livraison ont été créés pour les personnes extrêmement vulnérables et ont vite trouvé preneurs. Cependant, les personnes handicapées qui n’y étaient pas admissibles et qui n’avaient plus accès à l’aide personnelle ont dû se débrouiller seules. Des politiques plus inclusives, par exemple pour fournir des services de livraison à un groupe élargi de personnes handicapées, faciliteraient l’approvisionnement en produits essentiels.
L’accès aux produits est également compliqué par la fermeture de certaines infrastructures, notamment de transport adapté, et de certaines entreprises. Pris de court, des gens ont manqué de nourriture, de médicaments et de produits d’hygiène durant le premier confinement en Chine. Le plan national d’intervention d’urgence ne tenait pas compte de leurs besoins en médicaments et en appareils fonctionnels. Il est primordial d’inclure aux plans d’urgence les besoins des personnes handicapées pour tenir compte des multiples difficultés vécues en cas de pandémie ou de catastrophe.
Dans le contexte pandémique, de nombreuses entreprises ont fermé leurs toilettes au public, causant ainsi bien des maux de tête à la population. L’indisponibilité des toilettes publiques affecte particulièrement les personnes malades et les travailleurs sur la route, dont les livreurs. Les personnes en fauteuil roulant ou à mobilité réduite ont besoin de toilettes adaptées, d’autant plus difficiles à trouver durant la pandémie. Les entreprises inquiètes à l’idée de rouvrir leurs toilettes publiques seront heureuses d’apprendre qu’il existe des mesures pour atténuer le risque de transmission de la COVID-19 chez les exploitants et les usagers des toilettes6.
Surfaces fréquemment touchées
Même si nous savons maintenant que la COVID-19 se transmet principalement par les gouttelettes et les aérosols, la possibilité d’une transmission par vecteur passif n’est pas écartée. Les données probantes manquent sur le sujet, et d’autres études devront se pencher sur le rôle des vecteurs passifs dans la transmission de la COVID-19.
Les surfaces fréquemment touchées sont une source de préoccupation, puisque la communauté sourde-aveugle communique par le toucher, et que les personnes à mobilité réduite ont parfois besoin de prendre appui sur des surfaces. Les rampes, y compris celles dans les transports en commun, les poignées de porte, les barres d’appui dans les toilettes et l’absence de portes automatiques ou de capteurs dans les toilettes publiques contribuent aux contacts prolongés avec les surfaces7-8. L’hygiène des mains aide à prévenir la transmission de la COVID-19 chez les personnes qui doivent toucher des surfaces fréquemment.
Contacts étroits
Lorsqu’un soutien personnel est requis, les contacts étroits avec les aidants et soignants augmentent le risque d’exposition au virus causant la COVID-19. Les personnes ayant un trouble du développement et les aînés atteints de démence n’arrivent pas toujours à respecter les règles de distanciation physique, à bien se laver les mains ou à porter le masque efficacement.
Les établissements de soins de longue durée canadiens ont été durement touchés par la pandémie de COVID-19. La surpopulation, les espaces de vie communs et la proximité avec les soignants et le personnel de soutien ont contribué aux taux élevés d’infection et de létalité chez les résidents. La récente vaccination de ces derniers a cependant été associée à une baisse du taux de létalité9-10.
Recours aux technologies pour transmettre de l’information sur la COVID-19 aux personnes handicapées
Les données sur la COVID-19 sont en constante évolution. Leur diffusion en ligne dans des formats adaptés est toutefois limitée, un problème pour les personnes ayant un handicap visuel ou auditif qui veulent se tenir au courant. Par exemple, les formats adaptés facilitent la compréhension des renseignements en santé. La méthode Easy Read, utilisée au Royaume-Uni, propose de présenter des textes composés de phrases courtes et de gros caractères aux personnes ayant un trouble du développement pour qu’elles assimilent l’information plus facilement. En cas de handicap auditif, on se servira plutôt du sous-titrage et de l’interprétation en langue des signes. Quant aux personnes ayant un handicap visuel, elles utilisent les lettres en relief ou le braille sur les panneaux et des applications d’orientation. Les technologies pourraient servir à indiquer la signalisation ou les installations collectives visant à protéger la population de la COVID-19.
L’utilisation des technologies a toutefois ses limites, car certaines personnes ayant un handicap cognitif doivent compter sur un aidant pour s’informer. De plus, certains foyers ne sont pas branchés à Internet, et les formats adaptés ne sont pas disponibles dans tous les pays. Quand la technologie n’est pas disponible ou adaptée, les communautés doivent réfléchir aux meilleurs moyens de transmettre l’information aux personnes qui n’ont pas accès aux médias numériques et traditionnels ou qui n’arrivent pas à les décoder.
Perspectives de recherche
Les difficultés présentées ici ont été vécues par des personnes handicapées de différentes régions4,5,8,12. Or, on ignore toujours si les résultats des études sur l’accessibilité dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ont mené à des changements de pratiques ou de politiques. La reprise post-pandémie sera une occasion d’éliminer les obstacles auxquels se frappent les personnes handicapées. Alors que la recherche deviendra de plus en plus ciblée pour répondre aux besoins particuliers en matière d’accessibilité, les politiques en matière de services médicaux et de réadaptation, de technologie et d’appareils fonctionnels, d’emploi, d’éducation, de transport et de communication pourront être raffinées11-12.
Résumé
Responsable de grands bouleversements sociaux, la COVID-19 a touché les personnes handicapées plus durement, et de multiples façons, un véritable problème pour qui a absolument besoin de stabilité. L’augmentation de la pauvreté, l’accès restreint aux services de santé, l’incapacité à s’approvisionner en produits essentiels, comme la nourriture et les médicaments, et les aménagements qui compromettent la sécurité et les soins de santé ne sont que la pointe de l’iceberg13.
Au chapitre de la planification des interventions et mesures d’urgence, on doit tenir compte des personnes handicapées pour faciliter leur évacuation sécuritaire en cas de catastrophe naturelle ou d’événement de grande envergure (feu incontrôlé, ouragan, inondation, tremblement de terre, catastrophe industrielle, etc.). L’intégration des normes d’accessibilité aux plans d’évacuation est vitale pour assurer la sécurité des gens, que ce soit en créant des abris antifumée assez grands, en indiquant clairement les issues de secours ou en s’équipant en conséquence. La consultation des organismes de défense des droits des personnes handicapées et des membres de cette communauté aux premières phases de la planification et lors des exercices permet de confirmer l’accessibilité. Il ne faut pas seulement penser aux handicaps physiques, mais également tenir compte des problèmes visuels ou d’audition, des troubles cognitifs et développementaux et du vieillissement. Une conception axée sur l’accessibilité des installations collectives publiques produira des infrastructures adaptées à d’éventuelles épidémies de maladies infectieuses ou catastrophes.
Améliorer l’accessibilité physique, c’est aussi renforcer la sécurité en prévision d’une catastrophe et limiter les coûts d’exécution dès le début d’un projet de construction ou de mise à niveau. On peut facilement ajuster la hauteur des stations de lavage des mains pour accommoder les personnes en fauteuil roulant ou ajouter des repères dans les espaces publics pour faciliter la distanciation physique. Les solutions à long terme, comme la mise à niveau des bâtiments (p. ex., l’élargissement des entrées ou l’aménagement de toilettes universelles), requièrent plus de planification, de ressources et de temps.
Ressources pour les intervenants
- Gouvernement du Canada. La COVID-19 et les personnes en situation de handicap au Canada (dernière mise à jour : février 2021)
- Organisation mondiale de la Santé. Considérations relatives aux personnes handicapées à prendre en compte dans le cadre de la flambée de COVID-19 (mars 2020)
- Organisation des Nations Unies. Note de synthèse : inclusion du handicap dans la riposte à la COVID-19 (mai 2020)
Bibliographie
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