Deux approches, un cheminement commun : favoriser la planification de l’adaptation aux effets du changement climatique sur la santé

Adaptation au climat changeant
Le climat canadien est en plein changement. En moyenne, le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde, et le Nord encore plus.
Les autorités de santé publique doivent répondre aux menaces pour la santé émergeant dans leur communauté. Le changement climatique est l’une de ces menaces. En 2016, le gouvernement de l’Ontario a publié les directives de l’Ontario relatives à l’évaluation de la vulnérabilité et de l’adaptation de la santé face au changement climatique. Ce cadre vise à « soutenir un système de santé publique à la fois adaptatif et résilient qui puisse anticiper, pallier et atténuer les risques et les impacts émergents du changement climatique ». Une fois les risques identifiés, il convient de se demander ce qu’on doit faire. C’est là où la planification de l’adaptation entre en jeu.
[L’]adaptation, une solution qui permet aux êtres humains et aux systèmes naturels de s’acclimater aux divers effets des changements climatiques, jouera dans les décennies à venir un rôle déterminant pour le bien-être et la prospérité de tous les Canadiens.
Institut canadien pour des choix climatiques
Voix autochtones
Les Autochtones ont une bonne capacité d’adaptation au changement, mais parallèlement, bon nombre d’entre eux vivent les répercussions du changement climatique de façon disproportionnée, et ces répercussions sont exacerbées par le colonialisme et la marginalisation, qui nuisent aux déterminants de la santé et perpétuent les iniquités en santé. La relation étroite qu’entretiennent les Autochtones avec la terre est un facteur important de leur vulnérabilité au changement climatique. Les conditions écologiques appuient la culture, l’identité, la santé, l’autodétermination et l’économie des Autochtones et jouent un rôle central dans leur capacité d’adaptation. Comme le concept occidental de science sous-estime les expériences des Autochtones, le point de vue de ces derniers n’est pas entièrement pris en considération dans les évaluations du changement climatique. Il devrait toutefois être activement sollicité et concrètement intégré de façon à ce que les plans d’adaptation reflètent l’ensemble des réalités sur le terrain.
Risques préoccupants associés au changement climatique
L’Agence de la santé publique du Canada – région de l’Ontario et le Bureau de santé publique du district de Simcoe-Muskoka ont effectué une revue de la littérature pour faire le bilan des caractéristiques des interventions auxquelles les responsables de la santé publique pourraient avoir recours pour atténuer les conséquences du réchauffement climatique sur la santé en Ontario. La revue a permis de dégager des interventions pouvant être adaptées aux différents contextes. Six catégories influencées par le climat sont très pertinentes pour l’Ontario et revêtent une certaine importance pour les autres régions canadiennes : phénomènes météorologiques extrêmes, températures extrêmes, qualité de l’air, maladies à transmission vectorielle, rayonnement ultraviolet, et qualité et quantité d’eau et de nourriture (figure 1).
Figure 1. Catégories influencées par le climat pertinentes pour l’Ontario
Interventions possibles
Les interventions de santé publique visent à promouvoir et à protéger la santé, à prévenir ou à réduire les maladies, et à réduire l’exposition aux risques. Elles prennent de nombreuses formes, et bon nombre sont mises en œuvre à l’extérieur du secteur de la santé. Les approches en matière de changement climatique et de santé dégagées dans la revue comprennent les suivantes :
- Les alertes, avis et avertissements servent à sensibiliser la population aux risques potentiels pour la santé associés aux phénomènes météorologiques extrêmes, comme la chaleur extrême, ou aux maladies à transmission vectorielle; ils favorisent également la prise de mesures pour atténuer ces risques.
- Les lignes directrices et cadres soutiennent ou guident la réponse aux maladies d’origine hydrique, aux maladies à transmission vectorielle, à la chaleur extrême, aux phénomènes météorologiques extrêmes et à la qualité de l’air.
- La communication en matière de santé et la promotion de la santé sont des interventions de santé publique classiques pertinentes dans toutes les catégories susmentionnées.
- La planification et la prise de décisions comprennent des activités comme l’élaboration de plans pour la gestion des urgences de santé publique, de modèles de dispersion de la fumée et de conseils sur la gestion du ruissellement et de la qualité de l’eau.
- Les politiques forment un outil de portée générale qui énonce les règles, les principes, les rôles et responsabilités, les valeurs, les croyances et l’objectif – ou une partie de ces éléments –en lien avec les mesures de santé publique. Elles pourraient notamment définir des règles visant la réduction du risque d’inondation, des températures normales maximales et minimales, des stratégies antipollution, des mécanismes de déclaration des maladies, des exigences de zones d’ombre et des mesures garantissant la qualité de l’eau et de la nourriture.
- La surveillance se définit comme la collecte systématique, l’analyse, l’interprétation et la diffusion de données sur la santé en continu. Elle a pour but de freiner et de prévenir les maladies. La surveillance des maladies à transmission vectorielle, la surveillance syndromique à l’urgence et la surveillance des conditions environnementales extrêmes, comme la météo et la température, ne sont que quelques exemples de sa diversité d’applications.
- Les adaptations environnementales viennent modifier ou améliorer des éléments structurels de l’environnement, par exemple : les interventions qui réduisent le risque d’inondation; la préservation et l’amélioration des espaces verts en vue d’atténuer les inondations, de refroidir les villes, de rehausser la qualité de l’air ou de réduire l’exposition au rayonnement ultraviolet; etc.
Santé mentale
Les données probantes montrent que les événements climatiques ont des répercussions psychologiques chez beaucoup de gens. Le counselling de crise, les interventions cognitives et les services de prévention du suicide sont quelques moyens de limiter les effets néfastes des situations d’urgence comme les inondations et les feux incontrôlés sur la santé mentale. En outre, les interventions d’adaptation peuvent réduire l’exposition et améliorer la capacité d’adaptation au changement climatique des personnes et des collectivités, faisant diminuer le niveau de risque de ce phénomène sur le plan psychosocial.
Intégration d’un point de vue autochtone
Pour intégrer efficacement un point de vue autochtone dans la planification de l’adaptation aux effets du changement climatique, il faut avant tout se rappeler de la marque qu’ont laissée les interactions avec le colonisateur, dans le passé comme de nos jours. Les Canadiens, surtout ceux qui œuvrent en santé publique, se doivent de s’informer sur ce pan de l’histoire et sur les peuples autochtones de l’île de la Tortue. KerryAnn Charles-Norris, des Services professionnels aux autochtones Cambium (CIPS), décrit des façons culturellement adaptées dont les autorités de santé publique peuvent collaborer avec les Autochtones et apprendre d’eux. Personne ne peut reconnaître les iniquités et la sagesse des peuples autochtones sans d’abord connaître et comprendre leur passé. Et sans cette reconnaissance, il est impossible de bâtir des relations et de décoloniser les activités de santé publique.
Survol historique
La véritable histoire du Canada, les nombreux événements contraires à l’éthique qui la jalonnent et la relation qu’entretient le gouvernement avec les peuples autochtones depuis les premiers contacts sont peu connus. Dans le passé, jamais l’histoire n’a été délibérément révélée, et même maintenant, ce n’est toujours pas une priorité dans notre société. Ces événements ont eu un effet profond sur la santé et le bien-être des Autochtones et ont écarté des connaissances et des leçons de sagesse importantes de la prise de décisions, et ils profitent aux non-Autochtones d’aujourd’hui.
Interrelation avec la terre
Les peuples autochtones ont un lien étroit avec la terre, et ils ont hérité de la connaissance et des outils de ceux qui font de la nature leur domicile. En leur faisant ce cadeau, le Créateur voulait qu’ils apprennent à survivre et à s’épanouir de manière durable et à vivre en harmonie avec l’écosystème, notamment à identifier les espèces de plantes thérapeutiques et curatives d’une maladie et à observer leur milieu naturel pour se préparer aux changements anticipés.
Vérité et réconciliation
Le Centre national pour la vérité et la réconciliation est né en 2007 de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, le plus important règlement d’action collective de l’histoire canadienne. Le gouvernement a créé la Commission de vérité et réconciliation (CVR). Dans cette quête visant la compréhension des peuples autochtones et leur inclusion dans les discussions et la planification relatives au changement climatique, il faut absolument reconnaître leur besoin de guérison. Et pour qu’une guérison soit possible, il faut aussi saisir et admettre les répercussions du système de pensionnats. De plus, il convient d’encourager et d’aider les Autochtones à retrouver et à se réapproprier leur langue, leur culture et leurs traditions, qui ont été non seulement interdites, mais aussi évacuées par la force chez les adultes comme chez les enfants.
Intégration des voix autochtones
Nous aimerions pouvoir parler au passé des événements qui ont mené aux inégalités et à l’exclusion qui touchent présentement les peuples autochtones. La réalité, c’est que les gestes du passé ont des conséquences graves sur le présent et en auront toujours dans le futur. Nous pouvons désormais illuminer l’avenir en appliquant les pratiques exemplaires et les concepts clés de l’intégration des voix autochtones et faire en sorte que ces points de vue reçoivent un appui efficace et prennent une place de choix.
Pratiques exemplaires
- La confiance est la base d’un lien significatif avec les peuples autochtones.
- Les autorités de santé publique doivent faire de la recherche pour s’informer sur la communauté ciblée.
- Le respect est vital pour établir la confiance.
- Une reconnaissance des droits des Autochtones et sa transposition dans la loi sont nécessaires.
- Ne pas oublier que le colonialisme a des répercussions, et qu’il faudra du temps pour réparer le tout.
- Les professionnels de la santé publique ont la responsabilité de s’informer correctement et suffisamment pour fournir aux Autochtones des services de santé d’adaptation aux effets du changement climatique.
Concepts clés
- Rien à propos de nous sans nous : Aucune politique ou action ne devrait être prévue par un représentant sans que le groupe directement concerné ait son mot à dire.
- Espace éthique : Respecter le point de vue d’autrui et assurer un esprit de coopération entre les peuples autochtones et les institutions occidentales.
- Double vision: Reconnaître l’importance de la science occidentale et du savoir autochtone et mettre en commun les forces de chaque approche.
- Sept générations : Faire en sorte que les décisions d’aujourd’hui ne portent pas préjudice aux générations futures.
- Loi du Créateur : Tous les êtres existent pour une raison et doivent travailler ensemble dans l’harmonie – y compris les humains.
- Sept enseignements des Aînés : Ces enseignements définissent les mœurs, les valeurs, les structures sociales, les pratiques cérémonielles et les croyances spirituelles des Anichinabés.
Amélioration des pratiques en santé publique
Les autorités de santé publique peuvent intégrer aux interventions un point de vue alliant changement climatique et problèmes de santé afin d’approfondir la compréhension des liens entre l’un et les autres, puis exploiter les connaissances ainsi produites pour mettre sur pied des interventions d’adaptation aux effets du changement climatique sur la santé. Le secteur profiterait possiblement d’une intensification de l’échange de connaissances sur la mise au point, l’exécution et l’évaluation de ce type d’interventions et les résultats de chaque étape.
La santé publique doit également redoubler d’efforts pour intégrer les voix autochtones. En effet, les appels à l’action de la CVR invitent les Canadiens à renouveler leur relation avec les peuples autochtones. Le Programme sur le changement climatique et l’adaptation du secteur de la santé (PCCASS), dans lequel les communautés autochtones sont des partenaires égaux, est un exemple de cette approche. En collaborant et en incorporant la sagesse autochtone à la science occidentale, les professionnels de la santé publique peuvent améliorer la santé, réduire les iniquités et augmenter la résilience de la population canadienne face à un climat changeant.
Auteurs
Ronald Macfarlane (Public Health Agency of Canada), Sarah Warren (Simcoe Muskoka District Health Unit), and Kerry Ann Charles-Norris (Cambium Indigenous Professional Services)
Citation
Macfarlane R, Warren S, Charles-Norris KA. Two approaches, one shared learning journey to support climate-health adaptation planning [blog]. Vancouver, BC: National Collaborating Centre for Environmental Health; 2021 June 11. Available from: https://ncceh.ca/content/blog/two-approaches-one-shared-learning-journey-support-climate-health-adaptation-planning.