La Palytoxine: puissante, mais méconnue

La palytoxine (PLTX) est une toxine marine puissante, mais méconnue. Elle fait périodiquement parler d’elle dans les médias lorsqu’elle cause des intoxications, notamment dans les cas récents suivants :
- En août 2019, une famille de cinq personnes de Shropshire, en Angleterre, a été intoxiquée et hospitalisée après avoir nettoyé son aquarium tropical.
- En 2018 et 2019, deux cas d’intoxication associée à la manipulation de coraux, dont un cas multiple, ont été rapportés au Québec.
- En 2017, après le nettoyage de l’aquarium d’eau salée de la maison, une famille de sept et un chien ont été traités pour des difficultés respiratoires dans les environs d’Adelaïde, en Australie.
Dans les incidents susmentionnés, il a été déterminé que la palytoxine provenait de coraux marins mous de l’ordre Zoantharia (zoanthidés), et plus précisément du genre Palythoa, vivant dans des aquariums domestiques d’eau salée. On a aussi retrouvé ce type de toxine dans d’autres environnements, par exemple chez des poissons et fruits de mer de régions tropicales, dans des proliférations de végétaux planctoniques du genre Ostreopsis dans la mer Méditerranée, et chez certaines bactéries marines. Toutes les intoxications à la palytoxine confirmées au Canada sont liées à la manipulation d’une espèce de Palythoa gardée en aquarium à domicile.
Voies d’exposition et intoxications déclarées
La palytoxine, libérée par les coraux du genre Palythoa lorsqu’ils sont en état de stress, peut être rapidement aérosolisée. L’exposition peut se faire par voie cutanée, respiratoire ou oculaire, et les symptômes se manifestent de quelques minutes à quelques heures plus tard. Les effets vont d’une irritation locale temporaire à une incapacité prolongée. Le Centre national de données sur les intoxications des États-Unis répertorie 171 cas d’intoxication pour les années 2000 à 2014. La plupart des personnes touchées ont présenté des symptômes légers et s’en sont complètement remises, mais 10 ont dû être admises aux soins intensifs. Au Canada, les centres antipoison font état de 32 cas confirmés et de plusieurs cas soupçonnés entre 2011 et 2019.
Mode d’intoxication, symptômes et traitement
La palytoxine rompt l’équilibre électrochimique nécessaire au fonctionnement normal des cellules en modifiant l’activité de l’enzyme (Na+/K+-ATPase) qui régule le passage du potassium et du sodium à travers la membrane cellulaire. Les études portant sur les cas d’exposition due à la présence d’un aquarium montrent que les premiers symptômes d’intoxication aiguë dépendent de la voie d’exposition. L’inhalation de spores aérosolisées peut entraîner une congestion nasale, de la toux, un essoufflement ou d’autres manifestations de détresse respiratoire. Quant à l’intoxication par la peau ou les yeux, elle cause une inflammation et un engourdissement de la région touchée. Il est courant, quelle que soit la voie d’exposition, d’avoir un goût métallique dans la bouche et de faire de la fièvre. La palytoxine peut perturber plusieurs systèmes et avoir de graves conséquences en l’absence de traitement, surtout si les muscles cardiaques, respiratoires et squelettiques sont affectés. Elle provoque aussi des symptômes évolutifs : fatigue, frissons, problèmes gastro-intestinaux, douleurs musculaires, raideurs et spasmes, troubles de la parole, perte de conscience. Souvent, les taux sanguins de lacticodéshydrogénase (LDH), de créatine kinase (CK), de globules blancs et de leucocytes sont élevés. Aucune étude sur l’intoxication chronique et sa symptomatologie n’a été réalisée jusqu’à maintenant.
Il n’existe aucun antidote à la palytoxine. Il semble toutefois que l’amorce hâtive d’un traitement de soutien soit efficace, comme l’oxygénothérapie et l’administration de corticostéroïdes par inhalation pour soulager les symptômes respiratoires. Il est donc crucial de déterminer rapidement qu’il s’agit d’une intoxication.
Prévention
Il est recommandé de ne pas agrémenter les aquariums, que ce soit à domicile ou au travail, de coraux du genre Palythoa. Cela dit, ce n’est pas toujours simple de distinguer les espèces toxiques des espèces non toxiques, puisqu’elles ont souvent une dénomination commune et une apparence semblable. La palytoxine peut rester fixée aux substrats durs tels que les coraux séchés, même en l’absence de Palythoa vivant. En outre, beaucoup de propriétaires d’aquarium ne connaissent pas les risques. Des autorités sanitaires et une association professionnelle du domaine des ornements aquatiques, reconnaissant que les coraux mous suscitent l’engouement et que l’évitement des variétés toxiques est complexe, ont créé des documents d’information contenant des recommandations de sécurité. En voici quelques-unes :
- Seuls les professionnels et les personnes habituées aux aquariums d’eau salée contenant des coraux (aussi dits aquariums récifaux, ou de récif) devraient manipuler les zoanthidés et être sollicités pour des conseils et de la formation en la matière.
- Quiconque manipule des coraux, entretient un aquarium ou se trouve à proximité lors de ces activités devrait porter des gants de protection, un masque (classe P100), une combinaison et des lunettes de sécurité. L’équipement devrait être nettoyé ou rangé de façon sécuritaire après usage.
- L’entretien d’aquarium devrait toujours se faire dans un endroit bien ventilé.
- Ne pas casser, brosser ou frotter les coraux durs, ni les exposer à de la vapeur ou à de l’eau sous pression, chaude ou bouillante, surtout s’ils contiennent des zoanthidés. Autrement, les toxines présentes, le cas échéant, s’aéroliseront rapidement.
- Les aquariums récifaux devraient être placés hors de la portée des enfants et à bonne distance des lieux où l’on prépare ou consomme des aliments.
Les documents comportent d’autres mises en garde et instructions sur la reconnaissance des signes d’intoxication et les interventions qui s’imposent :
- La palytoxine n’a pas de couleur ou d’odeur distinctes qui signalent sa présence.
- Il faut consulter un médecin dès l’apparition de signes d’intoxication chez un humain ou un animal domestique. Agir vite surtout pour les enfants, qui sont particulièrement vulnérables.
- La palytoxine est aussi toxique pour les chats et les chiens.
- Quiconque soupçonne la présence de palytoxine en suspension dans l’air doit joindre les services d’urgence, puisque si la contamination est avérée, il faudra décontaminer la zone.
Les intoxications à la palytoxine sont possiblement sous-déclarées en raison de la variabilité des symptômes et de la difficulté à déterminer l’origine de l’incident. La prévention du risque et le traitement efficace des intoxications, si elles venaient à arriver, nécessitent la participation de plusieurs groupes, notamment les propriétaires d’aquarium, les professionnels de la santé publique, les médecins praticiens et les intervenants d’urgence. Tous ceux et celles qui ont un aquarium d’eau salée dans leur milieu de vie ou de travail – y compris les garderies, les écoles et les aquariums commerciaux – devraient comprendre et suivre les recommandations.
Dans une optique de protection de la santé publique environnementale, les agents de santé environnementale peuvent informer les exploitants d’entreprises dont les locaux sont dotés d’un aquarium (restaurants, spas et autres établissements de services personnels, etc.) des risques liés à la palytoxine. Il faut qu’il y ait des procédures de déclaration de la situation, de mise en quarantaine et de décontamination établies à suivre après un incident. Enfin, les professionnels de la santé doivent savoir reconnaître les signes d’intoxication et intervenir en suivant des protocoles de traitement et de suivi qui devraient déjà être en place.
Documents connexes (en anglais seulement)
- Page Web du ministère de la Santé de l’Australie-Méridionale sur la sécurité des aquariums marins et l’intoxication à la palytoxine.
- Mesures de prévention de l’intoxication à la palytoxine proposées par l’Association des commerçants d’ornements aquatiques.
- Procédures de nettoyage des sites contaminés à la palytoxine recommandées par les Services de protection de la santé de l’Écosse.
Crédit photo: Brian Gratwicke, FLIKR