La vulgarisation créative et les infographies

Introduction
Les professionnels de la santé environnementale œuvrent à protéger et à améliorer la santé publique en relevant, en évaluant, en surveillant, en prévenant et en atténuant les dangers environnementaux. Les praticiens et praticiennes de ce domaine jouent d’autres rôles essentiels, soit communiquer les risques pour la santé et les moyens de les réduire. Le contenu de leurs messages doit être à la fois valide, clair et succinct.
Les infographies (aussi appelés « documents infographiques ») sont pratiques, car elles permettent de combiner des éléments visuels et textuels. Elles suscitent de plus en plus d’intérêt depuis 2010 : selon Google, les recherches d’infographies sont 50 fois plus nombreuses qu’auparavant. Aujourd’hui, beaucoup d’organismes établis du domaine de la santé, dont l’OMS, l’ASPC et Statistique Canada, s’en servent pour aider leur lectorat à assimiler rapidement des informations complexes. Vu leur efficacité comme outils de vulgarisation, il est de plus en plus important pour les professionnels de la santé de savoir diriger un projet d’infographie.
Pourquoi utiliser des infographies pour communiquer des informations?
Des recherches en psychologie ont démontré que la majorité des gens apprenaient mieux avec une combinaison de mots et d’images qu’avec des mots seuls. Il est globalement plus facile de se rappeler des informations mémorisées en tant qu’éléments visuels et verbaux.2 De plus, pour bien assimiler une notion, il faut trier les données dans une structure logique et faire des liens entre les données et les connaissances préexistantes.1,3 Les infographies sont l’outil idéal à cet égard : elles présentent des relations et des idées complexes en combinant du texte concis et des images claires.4
D’après trois revues systématiques récentes, le recours à des pictogrammes et à des graphiques pour transmettre des informations sur les risques pour la santé a amélioré la compréhension chez les populations au faible niveau de scolarité.5-7 Les infographies s’utilisent pour aider les collectivités à comprendre le processus d’évaluation des risques en santé environnementale, dans une optique d’accessibilité et de transparence.8 Quand on leur a présenté une infographie du gouvernement sur l’évaluation des risques, les participants à l’étude qui vivaient près de sites d’élimination de déchets dangereux ont regardé les images en premier et se sont ensuite reportés au texte.8 Il a été bénéfique pour la collectivité de se faire présenter un survol concis et digeste du processus d’évaluation des risques plutôt qu’un long rapport inaccessible aux personnes sans bagage scientifique.8
Les données des études sur la communication des risques démontrent que les risques invisibles et contrôlables d’origine naturelle sont perçus comme étant moins importants que les risques catastrophiques, observables et incontrôlables d’origine humaine.9 Ces résultats sont étayés par des preuves empiriques. Songez à la sensibilisation du public aux dangers de l’exposition aux radiations provenant du radon comparativement à la catastrophe de Tchernobyl. Les dangers environnementaux étant souvent difficilement perceptibles (p. ex. rayons UV du soleil, arsenic, plomb), il peut être difficile d’inciter le public à l’action, même s’il s’agit pourtant d’enjeux majeurs pour la santé humaine. C’est là que les infographies peuvent être plus convaincantes que les mots seuls pour véhiculer les informations importantes et amener des changements comportementaux bénéfiques. Par ailleurs, les infographies se prêtent mieux à la diffusion en ligne que les textes, et peuvent donc atteindre rapidement et efficacement un vaste public.10,11 Cette fonction est déterminante, surtout lorsque des réactions comportementales peuvent vite réduire les risques (p. ex. fumée d’un feu).
Créer de meilleures infographies
Si les infographies peuvent être utiles, certaines sont meilleures que d’autres. Les infographies mal conçues peuvent être source de distraction, de confusion ou de frustration, voire amener le lectorat à rejeter des concepts importants.12 Pour vous en convaincre, comparez les figures 1 et 2. La première est mal ciblée et visuellement chargée; les polices détournent l’attention, et le message véhiculé n’est pas clair. La deuxième, quant à elle, a un fil directeur, une palette cohérente et unifiée ainsi que des images simples mais évocatrices.
Figure 1 : Infographie sur le radon présentant des erreurs courantes (à éviter)
Figure 2 : Infographie claire et accessible sur le radon (à faire)
Que vous comptiez créer votre infographie vous-même ou faire appel à une ou un graphiste, tenez compte des points suivants :
Tableau 1 : Quoi faire et quoi éviter dans une infographie
Sujet |
À faire |
À éviter |
Créer les principaux messages en pensant à votre lectorat cible. |
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Travailler avec le lectorat cible. |
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Décrire clairement les risques. |
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Concevoir des compléments visuels. |
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Conclusion
Songez à ajouter les infographies à votre arsenal de communication en santé environnementale. Lorsqu’elles sont bien planifiées et bien conçues, elles peuvent améliorer la communication d’informations sur la santé. Par contre, si elles sont mal pensées, elles peuvent susciter de la confusion ou induire en erreur. Commencez par définir un message succinct, concis et adapté à votre public. Allez-y de versions successives, et si vous engagez une équipe de conception, veillez à ce que les couleurs et les images soient dans le ton. La liste de ressources suivante peut être un bon point de départ. Vous y trouverez des programmes de conception et d’infographie et des outils pour créer des messages clairs.
Ressources – Programmes pour créer des infographies
- Microsoft PowerPoint et Publisher (logiciels payants, conviviaux)
- Canva (programme en ligne gratuit ou payant, convivial)
- Piktochart (programme en ligne gratuit ou payant, convivial)
- Venngage (programme en ligne gratuit ou payant, convivial)
- Adobe Illustrator (logiciel payant, difficile à utiliser)
Ressources – Outils pour créer des messages clairs et améliorer la conception
- http://scienceandpublic.com/ – Détecteur de jargon dans un texte
- https://webaim.org/resources/contrastchecker/ – Vérificateur de contraste en ligne pour s’assurer qu’un handicap n’empêchera pas la lecture
- https://coolors.co/ – Générateur d’agencements de couleurs permettant de créer des palettes accessibles aux personnes daltoniennes
- https://thenounproject.com/ – Banque de photos et de pictogrammes gratuits (mention de source parfois obligatoire)
- https://pixabay.com/ – Illustration et photos gratuites
- https://smart.servier.com/ – Illustrations médicales gratuites (mention de source obligatoire)
- https://phil.cdc.gov/ – Bibliothèque d’images en santé publique (mention de source obligatoire)
Références
- Mayer R (ed.). The Cambridge Handbook of Multimedia Learning. Cambridge University Press: Cambridge, 2014 doi:10.1017/CBO9781139547369.
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- Garcia-Retamero R, Cokely ET. Designing Visual Aids That Promote Risk Literacy: A Systematic Review of Health Research and Evidence-Based Design Heuristics. Human Factors: The Journal of the Human Factors and Ergonomics Society 2017; 59: 582–627.
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Biographie de l’autrice
Natasha Vitkin a obtenu en 2018 sa maîtrise en onco-immunologie à l’Université Queen’s, à Kingston, et a terminé en 2020 sa maîtrise en santé publique à l’Université Simon Fraser, à Burnaby. Elle se passionne pour les stratégies de vulgarisation visuelle qui favorisent l’équité et améliorent la santé de la population. Elle est analyste d’évaluation pour Cathexis Consulting et assistante de recherche pour l’équipe de recherche appliquée en santé sexuelle et mentale de l’Université Simon Fraser. Elle a aussi travaillé dans le domaine du graphisme.