Quand la santé part en fumée : comprendre et atténuer les risques des feux de bois à domicile

Plusieurs ménages canadiens utilisent des poêles à bois ou des foyers comme source de chauffage principale ou d’appoint. Pourtant, la fumée qui se dégage de ces appareils a un effet négatif sur la qualité de l’air intérieur et extérieur. Le chauffage résidentiel au bois est une source potentiellement nocive de pollution atmosphérique qui est souvent négligée, même s’il génère autant de particules fines (PM2,5) que les secteurs canadiens de l’industrie et du transport routier réunis. Par exemple, seulement 21 % des personnes vivant en Colombie-Britannique et au Yukon perçoivent le chauffage résidentiel au bois comme étant une source majeure de pollution atmosphérique. Par comparaison, 63 % et 43 % de leurs populations, respectivement, considèrent que le transport et l’industrie en sont des sources importantes. Dans ce billet, nous traitons des risques de santé publique associés à la fumée de bois dans les foyers résidentiels ainsi que des lignes directrices, normes et pratiques exemplaires concernant l’utilisation d’un appareil de combustion du bois.
Composition de la fumée de bois et qualité de l’air intérieur
La fumée de bois est un mélange complexe de particules et de gaz, qui contient des quantités importantes de particules fines, ou PM2,5. La fumée de bois est également composée de gaz comme le monoxyde de carbone (CO) et les oxydes d’azote (NOx), ainsi que d’autres polluants tels que les dioxines, les furanes, les composés organiques volatils (ou COV, comme le benzène et le formaldéhyde) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). On trouve des concentrations élevées de ces polluants dans les maisons équipées d’appareils de chauffage au bois et dans l’air des collectivités avoisinantes. Par exemple, plusieurs études ont démontré que les concentrations de PM2,5 sont de 20 à 123 % plus élevées à l’intérieur des maisons équipées d’appareils de chauffage au bois.
Effets de la fumée de bois sur la santé
L’exposition aux polluants de la fumée de bois peut avoir de graves effets aigus et chroniques sur la santé. Les particules PM2,5 peuvent pénétrer profondément dans les poumons et entraîner de l’irritation et de l’inflammation. Par ailleurs, même une courte exposition à la fumée de bois peut provoquer des maux de tête, des nausées, des vertiges et une irritation des yeux, du nez, de la gorge et des poumons. L’exposition de courte durée a également été associée à une réduction de la fonction pulmonaire et à un risque accru d’incidents graves comme l’accident vasculaire cérébral et la crise cardiaque. Enfin, l’exposition à long terme a été associée à un risque accru de contracter des maladies chroniques telles que les maladies cardiaques et pulmonaires.
Un lien a été établi entre les expositions à court et à long terme et l’aggravation de maladies respiratoires telles que l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), ce qui se traduit par une augmentation des visites aux urgences, des hospitalisations et des décès prématurés. Les personnes enceintes, les nourrissons, les enfants, les personnes âgées et les personnes atteintes de maladies chroniques sont les plus sensibles aux effets de la fumée de bois.
Il n’existe aucun seuil sûr pour les concentrations de PM2,5 dans l'air intérieur, et les recommandations canadiennes actuelles en matière de qualité de l’air intérieur des résidences préconisent de maintenir les niveaux aussi bas que possible. Il a cependant été démontré que certaines maisons présentent des concentrations de PM2,5 supérieures à la norme canadienne de qualité de l’air ambiant extérieur de 27 µg/m2 (moyenne sur 24 heures).
Utilisation des appareils de chauffage au bois au Canada
Une enquête menée en 2019 par Statistique Canada sur l’utilisation résidentielle du bois de chauffage a révélé que 19 % des ménages canadiens brûlent du bois ou des granules de bois dans leur résidence principale pour se chauffer ou cuisiner. Cette utilisation équivaut à environ 3 905 861 cordes de bois et à 196 millions de kg de granules. Par province, c’est à Terre-Neuve-et-Labrador que le pourcentage de ménages utilisant du bois ou des granules de bois pour le chauffage est le plus élevé, soit 32 %, et en Ontario qu’il est le plus bas, soit 14 % (les données territoriales ne sont pas rapportées). Il importe de noter qu’en 2021, environ 7 % des ménages ruraux (régions autres qu’une région métropolitaine de recensement) au Canada utilisaient le bois ou les granules de bois comme principale source de chauffage, contre 1 % des ménages en région métropolitaine de recensement. Parmi les personnes résidantes de la Colombie-Britannique interrogées sur les raisons de l’utilisation d’un appareil de chauffage au bois, 52 % ont indiqué la fiabilité en cas de panne de courant et 42 % ont évoqué la grande disponibilité de l’approvisionnement en bois. Il importe de prendre en compte ces facteurs lors de l’élaboration de politiques et de pratiques visant à diminuer les concentrations de fumée de bois résidentiel à l’intérieur et à l’extérieur de la maison.
Réduction de l’exposition à la fumée de bois à l’intérieur
Santé Canada et l’Association pulmonaire du Canada recommandent plusieurs pratiques exemplaires de combustion pour réduire l’exposition à la fumée de bois dans la maison. En voici quelques-unes :
- Ne brûler que du bois desséché (qui a été fendu puis séché pendant au moins six mois). Le bois vert ou humide produit beaucoup plus de fumée.
- Sécher le bois à l’extérieur. Le fait de sécher le bois à l’intérieur augmente le taux d’humidité, ce qui peut entraîner la formation de moisissures.
- Ne pas brûler d’ordures, de plastique, de récipients en mousse, de panneaux de particules ou de bois peint ou imprégné, car ils peuvent libérer des gaz toxiques dans la maison et la collectivité avoisinante.
- Ne pas brûler de bois de marée provenant de l’océan. La fumée du bois qui a trempé dans l’eau salée contient des dioxines et des furanes carcinogènes.
- Entretenir régulièrement les poêles et foyers conformément aux instructions du fabricant, ce qui comprend le nettoyage régulier des cheminées et des carneaux pour assurer une bonne circulation de l’air et une ventilation adéquate. Faire inspecter les appareils par un professionnel au moins une fois par an.
- Utiliser des clapets pour contrôler la ventilation, maximiser le rendement thermique et réduire la quantité de bois nécessaire.
- Envisager d’utiliser un purificateur d’air intérieur pour réduire les polluants issus de la fumée de bois. Ces dispositifs peuvent réduire la concentration de PM2,5 de plus de 50 %.
- Installer et entretenir des détecteurs de fumée et un détecteur de monoxyde de carbone.
- Envisager l’utilisation d’un capteur de PM2,5 peu coûteux pour évaluer les niveaux d’exposition dans la maison lors de l’utilisation d’appareils de chauffage.
Remplacer les appareils de chauffage au bois
En plus de l’adoption de bonnes pratiques de chauffage au bois, le remplacement des vieux poêles par des thermopompes, des poêles à granules ou des poêles à bois plus propres peut réduire l’exposition aux polluants de la fumée de bois. Pour les nouveaux appareils de chauffage au bois, le Code canadien de pratique pour les appareils résidentiels de chauffage au bois recommande de n’utiliser que des appareils à faibles émissions certifiés par l’Association canadienne de normalisation (CSA) ou l’EPA des États-Unis. Ces appareils produisent plus de chaleur et émettent moins de pollution dans la maison et la collectivité.
On ne sait pas combien d’appareils de chauffage au bois sont certifiés à faibles émissions au Canada. Cependant, on estime qu’en Colombie-Britannique, seulement 67 % des foyers encastrables et 65 % des poêles à bois sont certifiés à faibles émissions. De nombreuses provinces proposent des programmes de remplacement des vieux appareils et soutiennent des initiatives de sensibilisation aux pratiques exemplaires de combustion ainsi que des initiatives d’éducation du public sur la fumée de bois et ses effets sur la santé. Par exemple :
- Colombie-Britannique : Programme communautaire de réduction de la fumée de bois – Encourage le remplacement des vieux poêles à bois, soutient des initiatives éducatives et finance l’administration et la promotion de programmes locaux.
- Nouvelle-Écosse : Remises sur les systèmes de chauffage résidentiels d’Efficiency Nova Scotia – Offre jusqu’à 500 $ et 1 000 $ de remises lors du remplacement d’un poêle à bois ou d’une chaudière, respectivement, par un modèle certifié à faibles émissions.
- Yukon : Remise sur les systèmes de chauffage résidentiels – Offre des remises allant jusqu’à 800 $, 600 $, et 300 $ pour l’achat d’une chaudière, d’un poêle à granules de bois ou d’un poêle à bois de corde, respectivement.
- Territoires du Nord-Ouest : Programme de remise d’Arctic Energy Alliance – Propose une remise allant jusqu’à 50 % du coût d’achat, à concurrence de 2 000 $, pour le remplacement d’un poêle à bois ou à granules de bois par un modèle certifié à faibles émissions.
- Nouveau-Brunswick : Programme écoénergétique pour les maisons d’Énergie Nouveau-Brunswick – Offre jusqu’à 200 $ et 500 $ en remises pour le remplacement de poêles à bois ou de chaudières par des modèles à faibles émissions, respectivement.
- Ville de Québec : Programme R.V.Q. 2950 pour le retrait ou le remplacement des appareils à combustion solide non certifiés ou certifiés de première génération – Accorde des subventions allant jusqu’à 90 % du coût de remplacement d’un nouvel appareil à bois ou aux granules certifiés à faibles émissions, à concurrence de 1 000 $.
Réduction de la fumée de bois dans la collectivité
D’autres politiques et règlements à tous les paliers de gouvernement contribuent également à réduire les émissions résidentielles de fumée de bois. Par exemple, le Code national du bâtiment du Canada exige que les appareils de chauffage à combustible solide détiennent la certification EPA ou CSA. Par ailleurs, une revue réalisée en 2012 par le gouvernement du Canada a recensé les politiques et les instruments réglementaires relatifs à la combustion domestique de bois dans tout le pays. Par exemple, le règlement Solid Fuel Burning Domestic Appliance Regulation de la Colombie-Britannique et le règlement Air Pollution Control Regulations de Terre-Neuve-et-Labrador veillent à ce que seuls les appareils certifiés à faibles émissions soient autorisés à la vente.
À l’échelle locale, de nombreuses collectivités ont adopté des règlements visant à réduire les émissions de fumée de bois. Ainsi, dans la région métropolitaine de Vancouver, les appareils de chauffage au bois doivent être enregistrés d’ici septembre 2025 et respecter des normes de performance. Leur utilisation est interdite (à l’exception des résidences utilisant le bois comme seule source de chaleur et des situations d’urgence) chaque année du 15 mai au 15 septembre, et les appareils de chauffage au bois sont interdits dans les nouveaux bâtiments. La Ville de Montréal a mis en place un règlement similaire imposant l’utilisation exclusive d’appareils certifiés à faibles émissions, qui doivent être déclarés. De plus, pendant les avertissements de smog, toute utilisation est interdite dans la ville. Toutefois, ces règlements présentent des défis de mise en œuvre dans les zones plus rurales où de nombreuses résidences n’ont pas accès à d’autres sources de chauffage. Ici, des règlements différents visant la réduction des émissions de fumée de bois pourraient être plus efficaces. Par exemple, un règlement adopté récemment à Gibsons permet de cibler les maisons qui produisent une fumée excessive.
Lorsqu’une collectivité envisage d’adopter des politiques ou des règlements visant à réduire les répercussions du chauffage résidentiel au bois sur la qualité de l’air, la première étape consiste à quantifier l’exposition à la fumée de bois en surveillant les taux de PM2,5. La fumée de bois d’origine résidentielle peut affecter les collectivités de différentes manières, qui ne dépendent pas forcément du nombre de ménages se chauffant au bois. Par exemple, en raison du régime météorologique et du relief montagneux qui caractérisent certaines régions, la fumée peut se retrouver piégée dans les vallées, ce qui intensifie le degré de pollution de l’air ambiant. De nombreuses collectivités ont accès à de l’information en temps réel sur la qualité de l’air, notamment à la cote air santé (CAS) du gouvernement du Canada. Pour les collectivités n’ayant pas de station de surveillance des PM2,5, la carte AQ, qui fonctionne grâce à un réseau de capteurs peu coûteux, peut être utile pour connaître l’état actuel de la qualité de l’air. En ce qui concerne la pollution de l’air intérieur, il est également possible d’évaluer les taux d’exposition grâce à des capteurs de PM2,5 abordables. Il est essentiel de comprendre l’ampleur du problème afin de mettre en œuvre des solutions appropriées axées sur la protection de la santé publique.
Voici quelques ressources pour en savoir plus sur les lignes directrices, les normes, les bonnes pratiques de combustion et les risques pour la santé relatifs à la fumée de bois d’origine résidentielle :
- La fumée de bois d’origine résidentielle (Santé Canada et Systèmes Urbains Ltée.)
- La fumée des feux de bois (Association pulmonaire du Canada)
- La fumée de bois : risques pour la santé et bonnes pratiques de combustion (Santé Canada)
- Le programme Burn Wise (Environmental Protection Agency des États-Unis)