Réduire la fumée de bois et préserver la qualité de l’air intérieur : plus important que jamais en cette pandémie de COVID-19

Au Canada, beaucoup de gens passent plus de temps à l’intérieur l’hiver. C’est sans doute encore plus vrai cette année, vu les restrictions sanitaires. La deuxième vague de COVID-19 ne manque pas de nous rappeler l’incidence de l’environnement sur notre santé.
Il est bien connu que la saison froide est particulièrement propice à la transmission entre les individus des virus du rhume, de la grippe et, cette fois-ci, du SRAS-CoV-2. C’est en partie dû à la réaction du corps au froid, à l’air sec et à notre habitude de moins sortir. L’été, on peut recevoir ses invités dehors, mais l’hiver, on se rassemble généralement à l’intérieur. C’est sans compter qu’en ce moment, les restrictions sanitaires amènent nombre d’entre nous à passer plus d’heures de travail et de temps libre que jamais à la maison.
Nos hivers rudes nous encouragent à étanchéifier les bâtiments pour empêcher le froid d’entrer. Cette pratique peut être sensée sur le plan de l’économie d’énergie, mais il faut savoir qu’elle réduit la ventilation dans la maison. Par conséquent, les polluants présents dans l’air ont tendance à s’accumuler, un point à ne pas négliger quand on entreprend des rénovations domiciliaires visant l’efficacité.
Chauffage au bois résidentiel
Beaucoup de Canadiennes et de Canadiens utilisent encore le bois comme principale source d’énergie pour le chauffage ou comme source d’énergie de secours en cas de panne de courant. Or, la fumée produite par la combustion du bois a de graves effets sur la santé. Elle peut aggraver les symptômes de personnes ayant déjà des problèmes respiratoires (p. ex. asthme, bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], COVID-19) ou en faire apparaître chez des individus bien portants.
Il est nocif pour la santé de chauffer une habitation avec un poêle à bois. La fumée de bois libère quantité de produits chimiques et de polluants, les plus préoccupants étant :
- les MP2,5, des matières particulaires de moins de 2,5 microns de diamètre qui peuvent être inhalées profondément dans les poumons et causer des lésions physiques et biochimiques aux tissus;
- le monoxyde de carbone (CO), qui réduit la capacité du sang à alimenter les tissus en oxygène, ce qui peut entraîner un stress pour le cœur et, à des doses très élevées, une perte de conscience ou un décès;
- les oxydes d’azote (NOx), qui peuvent réduire la résistance aux infections pulmonaires et irriter les voies respiratoires supérieures;
- le dioxyde de soufre (SO2), qui cause des inflammations des voies respiratoires;
- le formaldéhyde, un agent cancérigène connu qui peut provoquer des crises d’asthme;
- le carbone noir, un élément important de la suie qui peut aggraver les changements climatiques en absorbant l’énergie solaire;
- les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des agents cancérigènes connus.
Particules fines
Si la composition de la fumée de bois peut varier, les MP2,5 sont toujours présentes et sont associées à des effets négatifs sur la santé, quel que soit le niveau d’exposition. D’après Environnement Canada, le chauffage au bois résidentiel constitue la troisième source d’émissions de MP2, 5 d’origine humaine, après le soulèvement de la poussière sur les routes et les émissions du secteur de la construction. Il est donc déconseillé d’utiliser un poêle à bois comme appareil de chauffage résidentiel, vu les effets qu’a sur la santé l’exposition aux contaminants.
Réduction de l’exposition à la fumée de bois d’origine résidentielle
En contexte pandémique, et la COVID-19 étant une maladie respiratoire grave, la santé pulmonaire n’a jamais été aussi importante. Or, l’un des moyens de protéger sa santé pulmonaire et d’atténuer les risques consiste à réduire l’exposition à la fumée de bois.
À noter que le fait de brûler du bois à la maison peut accroître le risque d’exposition : de la fumée peut s’échapper quand on ouvre le poêle pour attiser le feu ou ajouter des bûches ou quand le poêle se fissure et fuit à cause d’un entretien déficient.
L’idéal est d’éliminer l’exposition à la source, et pour ce faire, on peut investir pour munir son habitation d’une thermopompe écoénergétique, qui réduira le besoin de brûler du bois. Cependant, si le bois est votre seule source de chaleur, voici des mesures à envisager :
- Ne brûler que du bois propre et sec, et jamais de matières plastiques ou d’ordures ménagères.
- Ventiler suffisamment pour garder le feu vif plutôt que fumant.
- Nettoyer et entretenir le poêle, et le faire inspecter régulièrement pour assurer un fonctionnement optimal.
- Remplacer son poêle à bois par un modèle homologué produisant moins d’émissions.
Il est parfois difficile de réduire les sources externes de fumée, comme les pratiques de brûlage d’un voisin ou un feu de forêt dans les environs. On peut quand même atténuer l’exposition en gardant les fenêtres et les portes fermées autant que possible et en veillant à ce que le générateur d’air fonctionne de façon optimale et ait des filtres propres. Certains systèmes de chauffage résidentiel permettent de réduire l’entrée d’air « frais », c’est-à-dire la quantité d’air extérieur qui circule dans la maison.
On peut aussi dépolluer l’air intérieur avec des purificateurs d’air portatifs. Il existe en de nombreux types sur le marché canadien, mais tous les modèles n’ont pas des bienfaits démontrés pour la santé. Le BC Centre for Disease Control propose une fiche pratique (en anglais seulement) pour nous aider à choisir un purificateur d’air portatif qui débarrasse efficacement l’air intérieur des polluants présents dans la fumée de bois.
Réduction de la fumée de bois au Canada : appel à la concertation
Au Canada, le bois est bien souvent la source d’énergie principale ou une source d’énergie d’appoint pour le chauffage. La combustion de biomasse représente plus de 6 % de la consommation d’énergie au pays[i], et le chauffage au bois résidentiel reste la plus grande source de MP2,5 en période hivernale. La pollution de l’air entraînant près de 15 000 décès prématurés au pays[ii], la réduction de la fumée de bois peut sauver des vies.
Malgré les moyens pris pour réduire les émissions (dont la mise à jour des normes canadiennes sur les émissions des poêles à bois, du Code de pratiques pour les appareils résidentiels de chauffage au bois du Conseil canadien des ministres de l’environnement et du Règlement municipal type pour réglementer les appareils de chauffage au bois d’Environnement Canada), la mise en application est limitée. À ce jour, la fumée de bois d’origine résidentielle n’est réglementée au niveau municipal qu’à Montréal et dans quelques collectivités britanno-colombiennes.
L’Association pulmonaire du Nouveau-Brunswick a organisé en 2019 un sommet national sur la fumée des poêles à bois pour recenser les obstacles à la réduction du recours à ces appareils au pays. Ce sommet a conduit à la mise sur pied d’un groupe de travail qui rédige actuellement un document de stratégie pour surmonter les obstacles en question, lequel sera fourni à Santé Canada en mars 2021.
On entend souvent qu’il faut « repartir sur de meilleures bases » après la pandémie et passer à une économie sobre en carbone. Le bois est présenté comme une solution de remplacement écologique aux combustibles fossiles. Il est vrai que les arbres sont une ressource renouvelable et séquestrent du carbone en poussant. Cependant, l’idée n’est pas aussi bonne pour le climat que beaucoup de gens le pensent. En effet, les arbres prennent des années à absorber du CO2, et il suffit de quelques mois pour les brûler, ce qui libère le CO2. Durant la combustion, le bois dégage du carbone noir, une substance qui peut accentuer les effets des changements climatiques. Comme mentionné plus tôt, on ne peut pas faire fi des effets environnementaux de la combustion de bois sur la santé humaine.
Messages clés
- Il est important de réduire la pollution de l’air intérieur, d’autant que la pandémie nous fait passer plus de temps chez nous.
- La fumée de bois pollue à la fois l’air extérieur et l’air intérieur et représente un grand enjeu de santé.
- Celles et ceux qui se chauffent principalement au bois peuvent réduire la quantité de fumée produite en adoptant des pratiques plus sures.
- Pour garder le plus possible hors de sa résidence la fumée générée par les feux des voisins et les feux de forêt, on peut miser sur la filtration mécanique.
- Il faut en faire davantage pour protéger la population canadienne contre la fumée de bois.
- Vu les risques que pose la fumée de bois pour la santé, il ne faut pas traiter le bois comme une source d’énergie renouvelable viable.
À propos de l’auteure
Melanie Langille est vice-présidente de l’Association pulmonaire du Nouveau-Brunswick et siège au sous-comité technique de CSA qui se penche sur les normes d’émission des appareils de chauffage au bois.
Aucun intérêt commercial ou financement ne me place en conflit d’intérêts relativement au présent billet.
Sources citées :
[i] Gouvernement du Canada, Revenus des entreprises de bioproduits, 2020. https://www.rncan.gc.ca/nos-ressources-naturelles/forets-foresterie/cahier-dinformation-sur-la-foret/revenus-entreprises-bioproduits/21708
[ii] Gouvernement du Canada, Les effets de la pollution de l’air sur la santé, 2021. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/qualite-air/effets-pollution-air-interieur-sante.html