Considérations de sécurité sanitaire des aliments pour les repas prêts-à-cuisiner

Les achats en ligne sont pour les consommateurs un moyen pratique de se procurer divers produits et services, notamment des repas prêts-à-cuisiner. Les repas prêts-à-cuisiner arrivent dans une boîte contenant des ingrédients périssables qui sont préportionnés en fonction de la recette à réaliser, laquelle est ensuite cuisinée à la maison. Ce modèle de vente directe au consommateur, propre aux services de repas prêts-à-cuisiner et consistant à livrer un ensemble d’ingrédients à domicile, comporte un risque de contamination microbienne des ingrédients. Ce billet de blogue discute des enjeux de sécurité sanitaire des aliments associés à ces repas et donne de l’information pouvant être communiquée aux fabricants et aux consommateurs par les praticiens en santé environnementale.
La popularité grandissante des repas prêts-à-cuisiner
Les repas prêts-à-cuisiner peuvent être commandés en ligne, souvent par le biais d’un abonnement. Ils sont attrayants pour les consommateurs en raison de leur caractère pratique, car ils permettent de préparer un repas sans avoir à planifier ni à acheter et à préparer les ingrédients. Ils présentent également d’autres avantages importants, selon les consommateurs : des portions raisonnables, la réduction des déchets alimentaires, la variété des choix, la possibilité de profiter davantage des repas en famille et l’utilisation d’aliments locaux. Les fermetures de restaurants survenues dans le sillage de la pandémie de COVID-19, en 2020, ont également contribué à accroître l’attrait des repas prêts-à-cuisiner aux yeux des consommateurs canadiens. Une étude de l’Université Dalhousie sur les habitudes alimentaires durant la pandémie indique que 12,8 % des répondants ont eu recours à un service de repas prêts-à-cuisiner en 2020. Il semble que malgré la levée des restrictions touchant la fréquentation des restaurants, les Canadiens veulent conserver cette habitude, 4,7 % des personnes interrogées ayant indiqué avoir l’intention de continuer à se procurer des repas prêts-à-cuisiner en 2022.
Le cycle de vie d’un repas prêt-à-cuisiner
Si les procédés de fabrication varient d’un service de repas prêts-à-cuisiner à l’autre, il demeure qu’en général, ces entreprises se procurent les ingrédients de base auprès de multiples fournisseurs, puis les empaquettent dans un contenant qui est ensuite livré directement au consommateur. Or la transformation de plusieurs ingrédients dans un même lieu entraîne un risque de contamination croisée. Le tableau ci-après illustre les risques potentiels pour la sécurité sanitaire des aliments aux différentes étapes du cycle de vie d’un repas prêt-à-cuisiner.
Étape |
Risques potentiels pour la sécurité sanitaire des aliments |
Approvisionnement en ingrédients |
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Transformation |
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Transport |
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Manipulation des aliments par le consommateur |
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Le risque de contamination microbienne
Les repas prêts-à-cuisiner sont susceptibles de contenir des aliments variés qui présentent un risque élevé de prolifération bactérienne en l’absence de réfrigération adéquate; c’est le cas de la viande crue, des œufs et des produits laitiers. D’autres ingrédients, comme les produits végétaux crus, peuvent être contaminés par des bactéries pathogènes chez le fournisseur ou faire l’objet d’une contamination croisée à l’étape de la transformation s’ils entrent en contact avec de la viande crue. Bien que rares, des cas de contamination microbienne d’ingrédients contenus dans des repas prêts-à-cuisiner ayant donné lieu à un rappel sont déjà survenus au Canada et ailleurs dans le monde. Ces contaminations n’ont pas toujours entraîné de cas de maladie confirmés. Ainsi, lorsque la bactérie E. coli a été détectée dans du bœuf haché cru, Salmonella dans du piment chili rouge et Clostridium perfringens dans une sauce à la viande hachée prête à réchauffer, personne n’est tombé malade. Aux États-Unis, plusieurs cas de contamination de repas prêts-à-cuisiner ayant fait l’objet d’un rappel ont été rapportés; dans l’un d’entre eux, la contamination d’oignons par la salmonelle a rendu malades plus de 600 personnes.
L'utilisation répandue des repas prêts-à-cuisiner étant relativement récente, il existe encore peu de recherches sur les risques de contamination microbienne. Les recherches réalisées jusqu’ici se sont surtout concentrées sur la mesure de la température des repas après leur transport et leur livraison. Or c’est avant tout le maintien ou non de la chaîne du froid qui détermine le risque de contamination microbienne. En effet, les aliments non cuits et crus doivent être conservés à une température de moins de 4 ⁰C (ou entre -10 et -20 ⁰C s’ils sont congelés) pour prévenir la prolifération des bactéries. Le maintien de ces températures pendant le transport et la livraison au client peut s’avérer difficile pour les services de repas prêts-à-cuisiner, qui ont pu prendre de l’expansion rapidement sans que leur industrie ait reçu un encadrement adéquat en matière de salubrité alimentaire ou été assujettie à une réglementation.
Des chercheurs de l’Université Ryerson ont mesuré la température de 32 boîtes provenant de huit entreprises offrant des repas prêts-à-cuisiner, pendant une période de huit heures après la livraison. Au bout de trois heures seulement à la température ambiante, la température de plus de la moitié des repas dépassait le seuil critique des 4 ⁰C, et ce pourcentage est passé à 72 % au terme de la période d’observation de huit heures. Ces constats sont particulièrement troublants si l’on tient compte du fait qu’un grand nombre de repas sont parfois livrés et laissés à l’extérieur pendant la saison estivale. D’autres études ont mesuré la température des repas au moment de la livraison. L’une d’entre elles, réalisée en 2014, a permis de constater que sur un échantillon de plus de 600 repas, plus de la moitié présentaient une température dépassant le seuil des 4 ⁰C à leur arrivée chez le client; selon une étude récente réalisée en 2022 et portant sur un échantillon de 72 repas, plus de 76 % de ces derniers contenaient au moins un ingrédient dont la température dépassait les normes de salubrité alimentaire au moment de la livraison. Si aucune recherche n’a encore établi de lien entre une température trop élevée des repas et une incidence accrue de maladies d’origine alimentaire, la présence répétée de températures plus élevées que ce qui est considéré sans danger laisse entendre que c’est à l’étape du transport que pourrait survenir le développement de pathogènes d’origine alimentaire.
L’emballage écologique et la sécurité sanitaire des aliments
Du point de vue de la sécurité sanitaire des aliments, l’emballage adéquat de chaque ingrédient est essentiel pour prévenir la contamination croisée et la croissance bactérienne. Toutefois, les repas prêts-à-cuisiner ont fait l’objet de critiques en raison de leurs répercussions néfastes sur l’environnement, l’emballage individuel des ingrédients étant considéré comme du gaspillage, en particulier lorsque des matières non renouvelables comme le plastique sont utilisées. Certaines entreprises de repas prêts-à-cuisiner ont répondu aux demandes des consommateurs qui réclamaient l’utilisation de matières plus durables. Elles se sont mises à livrer leurs repas dans des emballages faits de matières durables (comme le papier) ou dans des contenants réutilisables (comme des bocaux en verre), qui leur sont ensuite retournés par les consommateurs lors de la livraison suivante. D’aucuns affirment que le gaspillage attribuable aux emballages des repas prêts-à-cuisiner est compensé par la réduction des déchets alimentaires réalisée grâce au préportionnement. L’incidence, sur la sécurité sanitaire des aliments, de l’utilisation de matériaux durables ou de contenants réutilisables au lieu de matériaux plus conventionnels comme le plastique n’est pas clairement établie. De plus, aucune étude comparative ne semble avoir été réalisée sur le risque de contamination entre les ingrédients en fonction du type d’emballage employé.
La réduction des risques pour la salubrité alimentaire : réglementation et recommandations pour les repas prêts-à-cuisiner
Au Canada, les fabricants de produits alimentaires sont tenus d’instituer un plan de salubrité dans le cadre de leur programme de sécurité sanitaire des aliments. En pratique, cela signifie que les entreprises sont responsables de l’évaluation des risques pour la salubrité alimentaire que présentent leurs produits pendant tout leur cycle de vie, et qu’elles doivent établir des points de contrôle à chaque étape du processus afin de réduire ces risques. La confection de repas prêts-à-cuisiner pouvant être complexe, l’adoption d’une approche holistique qui tient compte des risques pour la salubrité alimentaire lors des étapes d’obtention des ingrédients, de transformation alimentaire, de transport et d’utilisation par le consommateur permettra de réduire efficacement le risque de contamination du produit final. Voici quelques exemples de pratiques exemplaires pouvant réduire le risque de contamination des repas prêts-à-cuisiner :
Approvisionnement en ingrédients
- Vérifier les protocoles de sécurité sanitaire des aliments de tous les fournisseurs d’ingrédients.
Transformation
- Éviter tout contact entre les viandes crues et les aliments prêts à consommer (p. ex., en utilisant de l’équipement et des lieux de stockage distincts).
- Instituer des protocoles stricts de désinfection et d’hygiène devant être appliqués par la main-d’œuvre.
Emballage
- Prévoir un emballage distinct pour chaque ingrédient.
- Dans la boîte-repas, utiliser un emballage supplémentaire pour séparer les aliments présentant un risque élevé de contamination (les viandes crues, les œufs ou les produits laitiers) et les aliments prêts à consommer (légumes, sauces ou condiments).
- Utiliser l’emballage sous vide ou le conditionnement en atmosphère contrôlée pour limiter la croissance bactérienne.
Transport
- Utiliser des parois isothermes et des réfrigérants (comme des blocs réfrigérants à base d’eau ou de gel) pour maintenir la chaîne du froid.
- Prévoir des indicateurs de température à l’intérieur de l’emballage, comme des emballages qui changent de couleur lorsque la température de l’aliment est trop élevée, indiquant au client que l’aliment est insalubre.
Manipulation par le consommateur
- Fournir aux consommateurs de l’information sur le maintien d’une température adéquate, notamment sur la façon de vérifier la température des ingrédients à l’ouverture des emballages et sur l’importance de ranger les aliments au froid le plus rapidement possible.
- Communiquer avec les consommateurs afin de déterminer un endroit ombragé où déposer la boîte-repas ou de s’assurer qu’il y aura quelqu’un à la maison pour recevoir et ranger les ingrédients.
- Fournir de l’information sur les techniques appropriées de manipulation des aliments afin de prévenir la contamination croisée des ingrédients du repas.
- Utiliser des étiquettes ou des dépliants pour indiquer les températures de stockage adéquates ainsi que le mode d’emploi pour la cuisson et le réchauffement des aliments.
- Établir des protocoles de communication permettant d’aviser rapidement les consommateurs en cas de rappel de produit.
Ressources supplémentaires
Pour de plus amples renseignements sur les meilleures pratiques de sécurité sanitaire des aliments pour les repas prêts-à-cuisiner, consultez les ressources suivantes :
- Conference for Food Protection : Guidance Document for Direct-to-Consumer and Third-Party Delivery Service Food Delivery (pour les fabricants et les professionnels en santé environnementale)
- Canadian Institute of Food Safety : Food Safety Practices to Implement for Meal Kits (blogue; pour les fabricants et les professionnels en santé environnementale)
- S. Center for Disease Control : Food Delivery Safety (pour les consommateurs)
- Safe Plates : Meal Delivery Kits (pour les consommateurs)