Environnements très humides et risque de transmission de la COVID-19
Déclaration sommaire : Cette revue rapide n’a révélé aucune augmentation du risque de transmission de la COVID-19 en lien avec la température élevée (> 30 °C) et la forte humidité (humidité relative > 80 %) des douches, des bains de vapeur et des spas. Selon les données disponibles, la forte humidité relative et la température élevée favoriseraient le dépôt des matières aéroportées et réduiraient la viabilité des virus dans les particules en suspension dans l’air et sur les surfaces. Cependant, on ne sait pas avec certitude si le SRAS‑CoV-2 survit plus longtemps lorsqu’il est aérosolisé dans des sécrétions humaines que dans un milieu artificiel. Quoi qu’il en soit, même avec une viabilité écourtée, il faut toujours respecter l’éloignement physique et assurer un nettoyage, une désinfection et une ventilation adéquates (lorsque ces mesures sont indiquées).
Avertissement : L’information présentée ici vise à répondre à des questions précises sur un problème de santé environnementale; elle n’est pas le fruit d’une revue exhaustive des données probantes et n’a pas fait l’objet d’une évaluation par les pairs. En outre, elle ne remplace pas les directives et les règlements fédéraux, provinciaux ou locaux, ni les conseils d’un professionnel de la santé (le cas échéant).
Contexte
La pandémie de COVID-19 a forcé les professionnels de la santé publique à examiner de près les environnements intérieurs publics afin d’y relever les caractéristiques pouvant favoriser ou limiter la transmission virale. Les principaux facteurs de risque de transmission dans les espaces intérieurs sont la promiscuité, les interactions prolongées, les surfaces fréquemment touchées, la mauvaise ventilation et certains comportements impliquant une activité intense, une forte respiration ou une projection importante de la voix1. Les installations publiques comme les bains de vapeur, les douches de vestiaires et les spas présentent tous ces facteurs de risque, mais soulèvent d’autres préoccupations à cause des effets inconnus de la chaleur et de la forte humidité sur la transmission virale. Bien que des flambées aient été observées dans des salles d’entraînement et des centres de conditionnement physique2‑5, il n’existe pas suffisamment de données pour déterminer si la présence d’une forte humidité (plutôt que le simple contact étroit) a joué un rôle important.
Quoiqu’on sache depuis longtemps que l’humidité relative (HR) influence le risque de transmission virale, les recommandations relatives au taux visé dans les espaces intérieurs (maintien d’une HR entre 40 % et 60 %) reposent sur le désir d’assurer le confort des occupants et la nécessité de prévenir les moisissures6. L’évaluation des installations comme les douches, les bains de vapeur et les spas est difficile en raison du manque d’information sur les environnements très humides et des limites de la littérature sur le SRAS-CoV-2.
Pour répondre à notre question centrale, nous avons imaginé qu’au moins deux personnes se trouvaient dans un même espace intérieur, par exemple une douche commune dans un vestiaire, et qu’aucune barrière physique ne les séparait. Nous nous sommes demandé si ces personnes couraient un risque accru de contracter l’infection simplement en faisant couler l’eau. Les conditions des environnements très humides varient d’un endroit à l’autre, mais ressemblent généralement à celles présentées dans le tableau 1.
Tableau 1. Température et humidité relative habituellement observées dans les installations des centres d’entraînement
Installation |
Température (°C) |
Humidité relative (%) |
Douches |
35 |
100 |
Bain de vapeur |
43 |
100 |
Spa |
30a |
50-60b |
Sauna sec |
>70 |
5-10 |
a Température ambiante habituelle d’une piscine intérieure.
b Humidité relative exigée dans les piscines intérieures.
Le CCNSE a abordé la question à l’aide d’une approche à plusieurs volets :
- Consultation de spécialistes en qualité de l’air intérieur et en santé environnementale sur la probabilité d’effets;
- Revue rapide des ressources du monde universitaire et du CCNSE, à la recherche d’études actuelles et pertinentes sur les environnements très humides;
- Recherche dans des publications parallèles de lignes directrices et de ressources en lien avec ce type d’environnements.
Consultation d’experts
Une consultation informelle avec des spécialistes en qualité de l’air intérieur et en santé environnementale du CCNSE et du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique a permis de relever plusieurs modes de transmission potentiels :
- L’espace restreint des douches, des bains de vapeur et des spas rend l’éloignement physique difficile; par conséquent, la transmission par gouttelettes sur une courte distance par une personne qui parle ou qui tousse demeurerait le plus important mode de transmission. Par ailleurs, les gens ont tendance à parler plus fort dans un environnement bruyant, ce qui accroît la production de gouttelettes7. La forte humidité pourrait également influencer la transmission en agissant sur la formation de gouttelettes dans les voies respiratoires supérieures et sur la dynamique des gouttelettes (changement de taille et changements subséquents dans la viabilité du virus ainsi que dans le dépôt et la dispersion des gouttelettes)8. L’humidité pourrait donc avoir un effet sur la formation de petites particules et la transmission par aérosols sur une courte distance.
- La transmission par vecteurs passifs, soit par l’intermédiaire de surfaces fréquemment touchées, est également possible puisque le SRAS-CoV-2 peut survivre plus longtemps sur les surfaces non poreuses comme les carreaux de céramique et les robinets en acier. De plus, la température ambiante dans les douches et les vestiaires, les baignoires à remous, les spas et les bains de vapeur n’est pas assez élevée pour éliminer instantanément le virus (exception potentielle : les saunas secs).
- Enfin, il est possible, mais très improbable, que les virus se trouvant sur les surfaces touchées par une personne infectée forment des aérosols.
Revue rapide de la littérature universitaire
Une revue rapide de la littérature a été réalisée afin de déterminer les effets de la forte humidité sur le SRAS-CoV-2, selon les modes de transmission potentiels présentés ci-haut. La recherche d’articles s’est faite avec des mots-clés en lien avec les effets de l’humidité relative sur le virus lui-même (SARS-CoV-2, COVID-19, 2019-ncov, coronavirus, viability, infectivity, inactivation, transmission), ainsi qu’avec l’association entre les environnements très humides (steam room, shower, locker room, whirl pool, jacuzzi, hot tubs) et une flambée, une infection ou la transmission. La recherche a été effectuée dans EBSCOhost, PubMed, Web of Science et Google Scholar.
Plus de 200 documents sont passés à l’étape de l’examen du titre et de l’abrégé. Les articles retenus traitaient du SRAS-CoV-2 (ou d’un agent comparable) dans un environnement intérieur. Les sujets étudiés comprenaient les effets de la forte humidité (> 70 %) sur la production de gouttelettes, sur la charge virale et la dynamique des gouttelettes, ainsi que sur la viabilité et l’inactivation virales. Les études sur les bains publics et autres installations autorisant les contacts étroits sans port d’équipement de protection individuelle ont été exclues, tout comme celles portant sur les effets des conditions météorologiques ou d’un environnement extérieur sur l’épidémiologie de la COVID-19. Les prépublications non évaluées par des pairs ont été incluses. Au total, 19 études pertinentes concernant les effets de l’humidité sur la transmission virale à l’intérieur ont été recensées.
La forte humidité relative influence-t-elle la dynamique des gouttelettes ou la viabilité du SRAS-CoV-2 dans les aérosols?
L’humidité pourrait jouer sur divers facteurs influençant la présence de gouttelettes infectieuses : la formation de gouttelettes dans les voies respiratoires, la répartition du virus dans les gouttelettes, la viabilité du virus au fil du temps, l’évaporation des gouttelettes laissant derrière des noyaux de condensation, et le dépôt des gouttelettes.
La revue rapide de la littérature n’a pas permis de déterminer si l’inhalation d’air très humide (HR : > 90 %) avait un effet sur la taille ou le nombre de particules produites dans les voies respiratoires lors de la projection de la voix ou de la respiration. Or, on sait que les patients atteints de la COVID-19 produisent des particules respiratoires contenant des virus vivants. En effet, des études récentes ont isolé le SRAS-CoV-2 vivant dans des échantillons d’air prélevés en milieu hospitalier. Lednicky et coll.9 l’ont même détecté à plus de deux mètres du patient auquel il a été lié par séquençage génomique. Santarpia et coll.10 ont également trouvé de l’ARN du SRAS-CoV-2 dans plusieurs fractions de particules (> 4 mm, 1 à 4 mm et < 1 mm), et des virus vivants ont été récupérés dans trois échantillons de la plus petite fraction.
Ces études montrent qu’on peut détecter le SRAS-CoV-2 vivant dans l’air; cependant, les données probantes sont insuffisantes pour expliquer la façon dont les changements d’humidité extrêmes influent sur la viabilité du SRAS-CoV-2 au fil du temps. Schuit et coll.11 ont constaté qu’à elle seule, l’augmentation de l’HR (de 20 % à 70 %, à 20 °C) n’avait pas d’effet significatif sur la dégradation du SRAS-CoV-2 aérosolisé dans de la salive artificielle ou un milieu de culture. Cette étude a permis de créer un calculateur estimant la demi-vie du SRAS-CoV-2 aéroporté dans diverses conditions; ce modèle ne peut toutefois pas estimer la désintégration du virus à des températures et à des HR élevées, les données sur le sujet étant trop maigres.
Pour compliquer les choses, des travaux antérieurs sur d’autres virus respiratoires à une vaste gamme d’HR ont révélé que les virus dans les particules respiratoires peuvent être différemment affectés par une HR élevée ou par les conditions expérimentales. Noti et coll.12 ont découvert que lorsqu’il est aérosolisé, le virus de l’influenza a une bonne viabilité à une HR basse, et une viabilité nettement réduite à une HR entre 40 % et 73 %12. De même, van Dormalen et coll.13 ainsi que Kim et coll.14 ont indiqué que la viabilité du SRMO et du virus responsable des gastro-entérites transmissibles diminuait considérablement lorsque l’HR passait de 30 % à 90 %. Ces études laissent croire qu’une HR élevée nuit à la survie des coronavirus.
Cependant, Lin et Marr15 ont montré qu’une HR modérée (50 % à 70 %) réduisait la viabilité des bactériophages aérosolisés dans un milieu de culture cellulaire, mais qu’une HR élevée n’avait que peu ou pas d’effets. Ce phénomène a été attribué au ralentissement marqué de l’évaporation à une HR proche du point de saturation, ce qui empêche la concentration des solutés nocifs pour le virus. Cette réaction différente au changement d’HR est possiblement due, en partie, à la matrice dans laquelle l’aérosol est créé. Kormuth et coll.16 en sont venus à la même conclusion que Lin et Marr15 en ce qui concerne la viabilité des bactériophages aérosolisés dans un milieu de culture cellulaire. Par contre, ils ont constaté que si ces virus étaient aérosolisés dans un milieu contenant une matrice extracellulaire faite à partir de cellules des voies respiratoires, ils ne subissaient aucun changement de viabilité, quelle que soit l’HR16. Dans le même ordre d’idée, le SRAS-CoV-2 aérosolisé dans un milieu de culture tissulaire était plus stable à une HR modérée (40 % à 60 %) qu’à une HR élevée (68 % à 88 %), mais s’il était aérosolisé dans de la salive artificielle, il était beaucoup plus stable à une HR élevée qu’à une HR modérée17. Ces études laissent croire que les sécrétions respiratoires exercent un effet protecteur sur les virus aérosolisés, et que les aérosols viraux produits naturellement pourraient être plus infectieux que prévu.
L’humidité influence également la vitesse d’évaporation, ainsi que la taille des particules respiratoires et le temps nécessaire pour qu’elles se déposent (ou la distance qu’elles peuvent parcourir en tant que noyaux de condensation ou qu’aérosols)18, 19. Busco et coll.20 ont modélisé l’évaporation et le dépôt de gouttelettes projetées par éternuement et ont découvert qu’une HR élevée (95 %) donnait lieu à un dépôt particulaire plus important qu’une humidité modérée (65 %) ou faible (35 %), à une température de 35 °C, après 50 secondes. Un plus grand dépôt à une HR élevée signifie qu’une quantité moindre de matière peut s’évaporer et former des aérosols, ce qui réduit le risque de transmission par gouttelettes et par aérosols.
Selon la littérature, la forte HR dans les douches, les bains de vapeur et les spas réduirait le risque de transmission virale de trois manières : diminution de la viabilité du virus avec le temps, augmentation de la matière aéroportée se déposant sur les surfaces, et diminution de la fraction des gouttelettes transformées en aérosols. Toutefois, trois mises en garde importantes s’imposent. D’abord, l’effet de la forte humidité sur la viabilité des aérosols viraux venant d’humains (dans des sécrétions respiratoires) doit être étudié davantage. Ensuite, les virus qui se déposent pourraient être encore vivants, ce qui pourrait accroître le risque de transmission par vecteurs passifs. Enfin, même si une HR élevée augmente le taux de dépôt, elle ne prévient pas la transmission par gouttelettes sur une courte distance. Les technologies d’épuration de l’air, comme la filtration et le rayonnement UV, ne peuvent être utilisées ou sont moins efficaces dans les environnements très humides6. Par conséquent, la seule façon de protéger les personnes fréquentant ces environnements est de réduire la promiscuité et les interactions, ainsi que d’augmenter la ventilation lorsque c’est possible (p. ex., dans les douches, mais pas dans les bains de vapeur).
La forte humidité influence-t-elle la viabilité du SRAS-CoV-2 se trouvant sur les surfaces?
Plusieurs études se sont penchées sur la persistance du SRAS-CoV-2 sur diverses surfaces poreuses et non poreuses à des températures et à des HR modérées21-23. Toutefois, une seule s’est intéressée aux effets de l’humidité et de la température élevées sur le SRAS-CoV-2. Dans cette étude, le virus se trouvait en suspension dans de la salive artificielle parsemée sur de l’acier inoxydable, du plastique ou des gants en nitrile, et le tout a été incubé à diverses températures (24, 28 et 35 °C) et HR (20, 40, 60 et 80 %)24. À 24 °C, la demi-vie du virus passait de 15 heures avec une HR de 20 % à 8,3 heures avec une HR de 80 %. Mais à 35 °C, elle passait de 7,33 heures avec une HR de 20 % à aussi peu que 2,26 heures avec une HR de 60 %[1].
Ces résultats concordent avec ceux d’études ayant examiné d’autres coronavirus à des HR modérées et élevées. Lorsqu’ils étaient gardés à 40 °C, le virus responsable des gastro-entérites transmissibles et le virus de l’hépatite murine suspendus dans un milieu de culture cellulaire parsemé sur de l’acier inoxydable étaient détectables pendant au moins 120 heures à une HR de 20 %, et pendant seulement 6 heures à une HR de 80 %25. De même, le SRAS-CoV-1 se dégradait plus rapidement lorsqu’il était incubé à une température élevée (38 °C) et à la plus forte HR (95 %)26. L’augmentation de la HR de 30 % à 80 % augmentait également la vitesse de désintégration du coronavirus responsable du SRMO incubé sur du plastique ou de l’acier à 30 °C pendant 72 heures13. Ces résultats donnent à penser que l’augmentation de la température et de l’HR réduit la viabilité ou l’infectivité des coronavirus sur les surfaces non poreuses.
Guillier et coll.27 se sont servis des données relatives à 10 coronavirus différents pour créer un modèle estimant le temps nécessaire à l’obtention d’une réduction logarithmique précise de l’infectivité virale à une température et à une humidité données. Par exemple, en ce qui concerne les virus se trouvant dans des gouttelettes déposées sur le robinet en acier d’une douche commune (tableau 1 : 35 °C et HR de 100 %), le modèle indique qu’une réduction logarithmique de 5 log de l’infectivité virale prendrait 73 heures. Dans les bains de vapeur (tableau 1 : 43 °C et HR de 100 %), la réduction logarithmique de 5 log prendrait environ 16 heures. Le modèle démontre que l’augmentation de la température a un plus grand effet atténuateur de l’infectivité virale que les changements d’HR, mais aussi que ces deux facteurs favorisent l’inactivation virale.
Ce modèle laisse croire que les clients courent un risque de transmission par vecteurs passifs moins grand dans les douches, les bains de vapeur et les spas que dans les autres installations de l’établissement, où la température et l’humidité sont plus basses. Cependant, ce modèle est fondé sur des données dans lesquelles l’HR maximale est de 68 %. Son utilisation pour estimer la réduction logarithmique à une HR élevée (100 %) donnerait des résultats incertains. De plus, il importe de préciser que ces études ont été menées dans un milieu de culture tissulaire plutôt que dans des liquides artificiels.
Toutefois, des travaux sur le virus de l’influenza A28 et d’autres virus indicateurs15 ont révélé que la viabilité des virus déposés sur des surfaces à une très forte HR (> 80 %) ne diminue pas de façon considérable comparativement à celle des virus incubés à une HR de moins de 30 %. En fait, l’infectivité virale suit une courbe en U, dans laquelle l’inactivation la plus importante survient à une HR modérée, soit entre 50 % et 80 %. Les auteurs ont formulé l’hypothèse selon laquelle le taux d’évaporation et le temps d’exposition du virus à des concentrations croissantes de solutés jouent un rôle central dans l’inactivation virale15. À une HR basse, l’évaporation rapide entraîne la cristallisation des solutés nocifs au virus, ce qui protège ce dernier. L’augmentation de l’humidité ralentit l’évaporation, prolongeant ainsi l’exposition du virus aux solutés nocifs et favorisant l’inactivation. Par contre, à une HR très élevée, l’évaporation est tellement lente que la concentration des solutés n’a pas d’effets néfastes sur le virus, qui peut alors survivre28. Ainsi, une forte HR peut permettre à certains virus de rester infectieux plus longtemps qu’une HR plus faible. D’autres études sont nécessaires pour déterminer si le SRAS-CoV-2 suit la tendance, c’est-à-dire si sa viabilité diminue avec l’augmentation de la température et de l’HR, ou si elle augmente à une HR très élevée, comme pour le virus de l’influenza A.
Au mieux, cependant, il semble que les coronavirus se trouvant dans des gouttelettes déposées sur des surfaces survivent pendant au moins plusieurs heures. Bien que leur désintégration soit beaucoup plus rapide que celle attendue à une température et à une HR plus faibles, elle n’est pas assez rapide pour protéger les personnes qui se serviront des installations au cours de la journée.
Comment l’HR influence-t-elle la susceptibilité des personnes à la transmission?
Il faut préciser qu’outre les effets qu’elle exerce sur la dynamique des gouttelettes, la faible HR accroît la vulnérabilité de la muqueuse nasale aux infections en réduisant la clairance mucocilaire et l’activité des cellules de l’immunité innée29, 30. On ne s’attendrait donc pas à ce qu’un environnement très humide augmente la vulnérabilité aux infections. Bien que les saunas secs soient susceptibles d’avoir un effet négatif sur la muqueuse nasale, il a été prouvé que les températures élevées (> 41 °C) modifient ou désordonnent les lipides formant l’enveloppe du virus de l’influenza31. En effet, la viabilité des coronavirus (y compris celle du SRAS-CoV-2) diminue rapidement si on fait passer la température de 20 °C à 68 °C27. Selon le modèle de Guillier et coll.27, il faudrait seulement 0,01 heure pour que la viabilité des coronavirus dans les gouttelettes déposées dans un sauna sec connaisse une réduction logarithmique de 5 log (tableau 1 : 70 °C et HR de 10 %). Ces résultats viennent éliminer toute possibilité de transmission par vecteurs passifs, et possiblement de survie des aérosols, dans les saunas secs, mais pas la possibilité de contact direct ou de transmission par gouttelettes sur une courte distance (en quelques secondes).
Autres moyens d’aérosolisation : dispositifs de pulvérisation et drains contaminés
La persistance des matières infectieuses sur les surfaces à une forte HR met en évidence la nécessité de nettoyer fréquemment les environnements très humides, comme les douches et les bains de vapeur. Il serait toutefois judicieux d’éviter les pratiques de nettoyage et de désinfection qui pourraient causer une nouvelle aérosolisation des virus se trouvant dans les gouttelettes déposées (p. ex., utilisation de jets à haute pression ou de dispositifs de pulvérisation). Une option serait d’appliquer d’abord un produit désinfectant approuvé par Santé Canada, d’attendre assez longtemps pour permettre l’inactivation virale, puis de rincer la surface à l’eau courante. L’équipement de protection individuelle approprié (masque et gants) devrait être porté conformément aux directives du fabricant. Il faut préciser que certains désinfectants chimiques pourraient avoir des effets indésirables pour la santé des personnes qui sont asthmatiques ou qui ont des allergies ou des troubles respiratoires. Il faut faire preuve de vigilance au moment de choisir un désinfectant et une méthode d’application afin d’éviter les méfaits chez les personnes exposées32.
Par le passé, une grande attention médiatique a été accordée à l’aérosolisation des coronavirus dans la plomberie d’endroits habités. La phénomène a été observé au complexe immobilier Amoy Gardens lors de la flambée de SRAS à Hong Kong en 200333, et possiblement plus récemment avec le SRAS-CoV-2 dans des tours d’habitation de Hong Kong34 et de Guangzhou35. Le SRAS-CoV-2 a également été détecté dans l’eau usée venant d’éviers et de douches de personnes malades en isolement36. Il importe cependant de souligner que les cas d’aérosolisation du virus dans la plomberie ont tous été marqués par la présence d’une faille ou d’un problème important (drain à siphon sec, ventilation défectueuse, etc.). En ce qui concerne les douches communes dans les établissements publics, le large diamètre des tuyaux de plomberie et l’écoulement important d’eau rendent peu probable l’accumulation de virus ou leur retour dans la pièce. À ce jour, aucune donnée probante n’indique qu’une flambée attribuable à l’aérosolisation des virus dans la plomberie est possible.
Guides sur la gestion d’environnements très humides
Une recherche de guides nord-américains mentionnant les douches, les bains de vapeur ou les spas (y compris les spas de nage, les cuves thermales et les baignoires à remous) a révélé que de nombreux gouvernements ont autorisé la réouverture des douches, mais ont interdit celle des saunas secs, des bains de vapeur et des spas. Récemment, le gouvernement de l’Alberta a permis la réouverture des douches, des spas, des baignoires à remous, des bains de vapeur et des saunas secs, à condition que ces installations soient nettoyées plus souvent qu’avant et que les clients aient à leur disposition des vaporisateurs de désinfectant à utiliser après la douche37, 38. Les guides déconseillaient également le port du masque dans les environnements très humides, les masques devenant inefficaces dans ces conditions et pouvant poser un risque supplémentaire pour la sécurité des occupants39. Aucun guide axé sur la gestion des environnements très humides n’est disponible pour le moment.
Résumé
Cette revue rapide de la littérature n’a révélé aucune augmentation du risque de transmission de la COVID-19 en lien avec la forte humidité (> 80 %) des douches, des bains de vapeur et des spas. En fait, les données disponibles semblent indiquer qu’une HR élevée réduit la quantité de matières aéroportées ainsi que la viabilité des virus dans les particules en suspension dans l’air et sur les surfaces. Quoi qu’il en soit, il faut toujours respecter l’éloignement physique et suivre les pratiques de nettoyage et de désinfection adéquates.
[1] La demi-vie à une HR de 80 % n’a pas pu être évaluée en raison de limites liées à l’équipement.
Remerciements
Ce document a été rédigé grâce à la contribution de Lydia Ma, Tina Chen, Juliette O’Keeffe, Michelle Wiens et Tom Kosatsky (CCNSE), ainsi que de Sarah Henderson (Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique).
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