Épisodes de chaleur extrême : pour une communication médiatique efficace

Messages clés |
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Introduction
Les canicules, également appelées épisodes de chaleur extrême, sont de plus en plus longues, fréquentes et graves en raison des changements climatiques, et peuvent entraîner des maladies et des décès liés à la chaleur1. L’épisode de chaleur extrême sans précédent qui a eu lieu en 2021 en Colombie-Britannique (C.-B.), appelé le « dôme de chaleur de 2021 », a causé 619 décès liés à la chaleur. Parmi ces décès, 98 % des blessures mortelles provoquées par la chaleur se sont produites à l’intérieur, principalement dans des résidences privées sans climatisation adéquate2. Tous les décès liés à la chaleur sont considérés comme des décès accidentels et évitables, car ils ne surviendraient pas en l’absence d’une chaleur extrême2.
Certaines populations courent un risque accru de blessures et de décès liés à la chaleur si elles n’ont pas accès à des espaces sécuritaires sur le plan de la température. Les personnes les plus vulnérables sont les personnes âgées ainsi que les personnes qui présentent des déficiences physiques sous-jacentes, des affections chroniques, des maladies mentales, des déficiences cognitives ou une dépendance, surtout si elles vivent seules. Les personnes utilisant certains médicaments sur ordonnance, les femmes enceintes, les nourrissons et les jeunes enfants courent également un risque plus élevé3. La préparation de la population aux futurs épisodes de chaleur extrême est essentielle pour réduire les effets néfastes sur la santé, en particulier pour les groupes les plus vulnérables4.
La tâche de renseigner la population sur les risques pour la santé associés à la chaleur revient aux organismes publics qui émettent des alertes ou des avertissements de chaleur et aux médias qui diffusent les messages d’importance :
- Les organismes publics émettent des alertes et des avertissements de chaleur lorsque certaines conditions environnementales sont présentes, ce qui contribue à informer les gens qu’il existe des risques pour la santé liés à la chaleur5. Ces alertes peuvent fournir des prévisions de température, des renseignements sur les risques pour la santé liés à la chaleur et sur certaines mesures de protection, dont l’accès à des stations de refroidissement, des trucs pour se rafraîchir et des conseils pour effectuer des examens de santé en période de canicule4.
- Les professionnels des médias, tels que les journalistes, les reporters, les photojournalistes et les rédacteurs, jouent un rôle important dans la transmission des informations de santé publique et la préparation du public avant et pendant les épisodes de chaleur extrême6. La couverture et le cadrage médiatiques peuvent influencer la façon dont le public évalue les risques liés à la chaleur extrême et leur importance. Toutefois, les professionnels des médias n’ont pas toujours l’expertise en santé publique ou en météorologie nécessaire pour contextualiser les messages clés7-9.
Une précédente analyse documentaire menée par le CCNSE, intitulée Histoire d’un tueur silencieux : chaleur extrême et communication dans les médias, propose des ressources utiles et des conseils d’organismes comme le Global Heat Health Information Network (GHHIN) sur l’amélioration de la portée, de l’efficacité et de la valeur publique des reportages sur les épisodes de chaleur extrême. Cependant, des lacunes persistent dans les connaissances sur les perspectives des professionnels des médias qui rendent compte des épisodes de chaleur extrême au Canada.
Pour combler ces lacunes, le CCNSE a cherché à recueillir les points de vue d’un petit sous-groupe de professionnels des médias et de communicateurs en santé publique canadiens sur la couverture des épisodes de chaleur extrême. Les objectifs de ce projet étaient d’améliorer la compréhension de la façon dont les médias communiquent sur les épisodes de chaleur extrême, de recenser les principaux défis et lacunes liés à la couverture de ces épisodes et de proposer des solutions.
Méthodologie
Recrutement
Un comité consultatif composé de trois membres – un professionnel des médias et deux professionnels de la communication en santé publique – a contribué à l’élaboration de la méthodologie de cette étude et à la sélection d’éminents spécialistes à interroger. La première étape a permis de créer une liste de 45 personnes susceptibles d’être interrogées, qui ont été invitées par courriel à participer à la consultation ou à suggérer d’autres participants potentiels. Ce processus a permis de recruter 12 personnes.
Processus d’entrevue
Les personnes choisies ont participé à une entrevue semi-structurée de 45 minutes avec le personnel du CCNSE sur Zoom. Un guide d’entrevue a été élaboré à l’avance en collaboration avec le comité consultatif. Le guide a été conçu pour déterminer les pratiques typiques de création d’articles d’actualité (présentation, attribution, recherche, élaboration, rédaction, édition, production, etc.), les défis rencontrés dans le cadre de ces activités et les solutions pour résoudre les problèmes existants et émergents. Au début de la conversation, les personnes interrogées ont pris connaissance du projet et ont reçu de l’information sur la confidentialité et l’analyse des données. Elles ont donné leur accord pour que le CCNSE enregistre les entrevues, rende compte des résultats et diffuse les propos de manière anonyme. L’entretien comprenait à la fois des questions fermées et ouvertes. Elles étaient d’abord axées sur les approches actuelles de journalisme sur les épisodes de chaleur extrême, puis sur les difficultés rencontrées et les solutions proposées pour y remédier. Les entrevues semi-structurées ont donné lieu à des conversations variées et à certaines questions qui ne figuraient pas dans le guide d’entrevue.
Analyse des entrevues
Tout en menant les entrevues, le personnel du CCNSE notait les réponses aux questions fermées et ouvertes. Un enregistrement (réalisé avec l’accord des participants) garantissait la fidélité des notes. Après l’entrevue, celles-ci ont été rassemblées et complétées au besoin à l’aide de la transcription. Les réponses ont été analysées sous forme agrégée et utilisées de façon anonyme. Toutes les réponses aux questions individuelles ont été organisées dans une feuille de calcul en vue d’une analyse thématique. Des thèmes communs à toutes les personnes interrogées ont été relevés, ainsi que leur fréquence et tous autres éléments contextuels pertinents. Les personnes n’ont pas nécessairement été questionnées sur chacun des thèmes, de sorte que le nombre de mentions d’un thème donné ne doit pas être interprété comme une indication de sa prévalence globale.
Thèmes des entrevues
Onze personnes travaillant dans la presse écrite, numérique, radiophonique ou télévisuelle au niveau local, régional ou national ont participé aux entrevues, et une a répondu par écrit à une série de questions envoyées par courriel. Les personnes interrogées se sont identifiées comme journalistes (n = 5), reporters (n = 2), journaliste ou animateur de radio (n = 1), météorologue principal (n= 1), responsable des affectations (n = 1), et rédacteur en chef (n = 1). L’une des personnes interrogées était spécialiste des communications dans le domaine de la santé publique et s’est identifiée comme directeur des communications.
L’analyse des réponses d’entrevues a permis de relever des thèmes classés sous les catégories suivantes :
- Approches actuelles de journalisme médiatique et de production de reportages sur les épisodes de chaleur extrême
- Défis de la communication sur la chaleur extrême et la santé
- Solutions possibles pour améliorer les communications médiatiques sur la santé liées à la chaleur
Les sections suivantes présentent les principaux thèmes et sous-thèmes regroupés sous chacune de ces catégories.
Approches actuelles de journalisme et de production de reportages sur la chaleur extrême

Les entrevues avec des journalistes, des rédacteurs et des producteurs de contenu ont permis de relever des approches communes en matière de journalisme et de production de reportages sur la chaleur extrême (tableau 1).
Les spécialistes des médias interrogés dans le cadre de cette étude ont déclaré privilégier les récits locaux et inédits, centrés sur l’humain et racontés sous des angles originaux axés sur la résilience de la communauté et la pertinence du sujet pour le quotidien des gens. En outre, les rédacteurs et les éditeurs veillent à ce que les récits destinés aux populations à risque présentent autant des informations sérieuses « relatives à la survie » que des actions positives, des solutions pratiques et des renseignements sur la santé publique et les soutiens communautaires.
Il a été fréquemment mentionné que la présentation d’articles sur le climat suit des critères journalistiques généraux. L’accent est mis sur l’actualité, la proximité et la pertinence, et le sujet peut être lié à des événements actuels ou à des conditions météorologiques extrêmes prévues. Le vieil adage selon lequel « le sang qui coule fait couler l’encre » oriente la couverture.
« Je pense avant tout que le volume et le ton de la couverture sont proportionnels au nombre de morts. »
Les personnes interrogées qui couvrent les épisodes de chaleur extrême ont indiqué leur penchant pour les reportages locaux, axés sur l’humain, mettant en scène des personnes vulnérables et offrant des conseils pratiques et des solutions optimistes. Bien que peu d’entre elles participent à des réunions préparatoires avant la saison chaude, certaines surveillent activement les prévisions et les données d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) afin d’anticiper les épisodes de chaleur et d’en rendre compte. Quelques-unes ont déclaré qu’elles consultaient souvent des spécialistes locaux travaillant au sein d’autorités sanitaires, d’hôpitaux et d’universités, et qu’elles utilisaient des données précises provenant de sources gouvernementales, d’organismes de santé et d’études scientifiques. Le contenu visuel provenait soit de photos authentiques de source interne ou d’images de photothèques soigneusement sélectionnées pour refléter le contexte du reportage.
Tableau 1. Approches actuelles de journalisme et de production de reportages sur la chaleur extrême – Thèmes soulevés lors des entrevues
Quelles sont les principales approches de journalisme et de production de reportages sur la chaleur extrême? |
Thème et présentation du reportage |
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Données, informations et spécialistes |
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Contenu visuel |
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Note : Le nombre de répondants sur 12 est indiqué entre parenthèses. Toutes les personnes n’ayant pas été directement interrogées sur chaque thème, la fréquence de mention d’un thème ne doit pas être interprétée comme une indication de sa prévalence globale.
Les défis de la communication sur la chaleur extrême et la santé

Plusieurs défis ont été relevés au cours des entrevues, répartis selon les thèmes suivants (tableau 2) :
- Trame narrative et contexte
- Portée et incidence
- Accès aux données, aux informations et aux autres ressources, et utilisation de la terminologie
- Contraintes organisationnelles
Trame narrative et contexte
Certains professionnels des médias interrogés craignent que les récits pessimistes sur les répercussions du changement climatique ne conduisent à un désengagement du public et que les événements météorologiques extrêmes récurrents contribuent à une lassitude à l’égard de ces sujets. Les journalistes et autres professionnels des médias doivent constamment trouver de nouveaux angles et de nouvelles approches pour communiquer sur les canicules, en veillant à ce que le contenu reste d’actualité et pertinent à l’échelle locale.
« Le journalisme sur le climat a fait l’objet de nombreuses études qui montrent que le les scénarios catastrophiques et pessimistes rebutent les gens [...] l’adage “Le sang qui coule fait couler l’encre”, est à l’origine d’un vieux réflexe qui consiste à rédiger des titres à saveur dramatique ou conflictuelle pour augmenter le nombre de clics. Mais on s’aperçoit que cela a pour effet de rebuter les gens ».
Quelques-unes des personnes interrogées ont affirmé que l’ouverture et l’intérêt du public pour les informations sur la chaleur extrême étaient faibles. Par conséquent, bien que les vagues de chaleur extrême soient de plus en plus fréquentes et mortelles, le sujet est souvent sous-représenté dans la couverture médiatique et est considéré comme un enjeu qui n’intéresse qu’une petite catégorie de gens.
« Il existe donc une loi des rendements décroissants, selon laquelle la chaleur extrême se normalise. »
Tableau 2. Défis liés à la communication et à la production de reportages sur la chaleur extrême – Thèmes relevés lors des entrevues
Quels sont les défis de la communication et de la production de reportages sur la chaleur extrême? |
Trame narrative et contexte |
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Portée et incidence |
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Accès aux données, aux informations, aux images et utilisation de la terminologie |
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Contraintes organisationnelles |
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Note : Le nombre de répondants sur 12 est indiqué entre parenthèses. Toutes les personnes n’ayant pas été directement interrogées sur chaque thème, la fréquence de mention d’un thème ne doit pas être interprétée comme une indication de sa prévalence globale.
Certaines personnes interrogées ont noté que le volume insuffisant de reportages sur les épisodes de chaleur extrême est aggravé par la possibilité qu’on commence à normaliser ces événements à mesure qu’ils deviennent plus fréquents. La situation est d’autant plus compliquée que les personnes les plus fortunées installent de plus en plus souvent des climatiseurs. Par conséquent, moins de personnes ressentent les effets directs de la chaleur, ce qui peut réduire l’intérêt de la population pour cette question. Les reportages et les programmations médiatiques traitent encore souvent de la chaleur et du temps chaud sur un ton positif et festif, en négligeant les dangers pour les groupes les plus vulnérables.
Portée et incidence
La moitié des professionnels des médias interrogés ont déclaré que le blocage des nouvelles par Meta posait d’importants problèmes pour la diffusion des informations locales et Tabrégionales, en particulier dans les communautés qui dépendent fortement de plateformes telles que Facebook pour obtenir des informations en temps réel.
« Un autre obstacle majeur auquel nous sommes confrontés à l’échelle locale et nationale est le blocage des nouvelles par Meta. Les communautés du Nord utilisent encore beaucoup Facebook. Les gens obtiennent donc la plupart de leurs informations sur Facebook et s’y fient [...] ils n’utilisent pas vraiment d’autres plateformes pour s’informer ».
Des personnes interrogées ont souligné que les médias qui desservent des communautés multiethniques sont confrontés à des obstacles qui entravent la diffusion rapide d’informations accessibles sur des questions urgentes, en raison d’un manque de soutien multilingue et de traductions retardées.
« Tel que mentionné, nos auditeurs sont issus d’un milieu ethnique. L’anglais est donc leur deuxième langue, ce qui crée une barrière linguistique. Par conséquent, le contenu de nos reportages doit être plus détaillé et explicite. »
Les médias nationaux ont tendance à ignorer les nouvelles provenant des communautés du Nord. En effet, le contrôle éditorial centralisé limite la couverture et la représentation locale. La mésinformation, les contenus générés par l’IA et les médias pilotés par des algorithmes ont également été signalés par les personnes interrogées comme étant susceptibles d’induire la population en erreur sur des questions complexes comme le changement climatique. En outre, la désinformation découlant d’intérêts directs peut biaiser la perception du public.
Accès aux spécialistes, aux données, aux images, aux informations et utilisation de la terminologie
Interrogées sur les défis à relever, certaines personnes ont indiqué qu’il était très difficile de trouver des spécialistes d’horizons divers, en particulier dans des délais très courts. Les journalistes se tournent donc vers des spécialistes qui leur sont familiers, ce qui limite les nouvelles perspectives. Elles ont ajouté que le jargon utilisé par les spécialistes entravait l’accessibilité des reportages sur le climat.
« En ce qui concerne les défis particuliers rencontrés en 2021-2022, compte tenu de la forte demande pour des informations à jour et du volume important de demandes des médias, la période d’attente pour que les représentants du gouvernement répondent à nos demandes d’interview a été beaucoup plus longue que d’habitude. Parfois, leurs réponses ne nous parvenaient que quelques jours après l’envoi des demandes. »
« L’un des défis de la production de reportages sur la chaleur extrême et le climat, ce sont les entrevues avec les spécialistes. Il faut trouver un moyen de rendre leurs propos accessibles. »
Un autre problème majeur soulevé par certaines personnes interrogées est le manque d’accès aux données sur les résultats cliniques, y compris les données sur la mortalité, de la part des organismes de santé publique. Des statistiques incohérentes d’une région à l’autre et une pénurie de données fiables peuvent compliquer la réalisation de reportages rigoureux. L’impossibilité d’accéder aux données « verrouillées par un accès payant » de la littérature scientifique publiée pose un problème supplémentaire.
« On aime les bonnes statistiques, et on aime aussi avoir leurs références. L’une des choses qui reviennent souvent est, par exemple, les décès dus à la chaleur. Ils sont mesurés différemment partout [...] Que considère-t-on comme un décès lié à la chaleur? »
« Tout ce qui se trouve derrière un verrou d’accès payant ne nous est pas accessible – c’est le cas pour certaines revues. On dépend fortement sur les institutions publiques qui publient leurs recherches et leurs données. »
« En général, les défis auxquels on est confrontés au quotidien sont liés à l’impossibilité d’obtenir des informations précises et fiables auprès de sources locales, provinciales, nationales et internationales. »
Certaines des personnes interrogées ont également fait remarquer que la narration visuelle des épisodes de chaleur extrême peut être difficile en raison du manque d’images spectaculaires par rapport aux tempêtes ou aux inondations. Les journalistes disposent souvent d’options limitées en matière d’images, en raison de budgets serrés et du rythme rapide de réalisation des reportages. Cela conduit à l’utilisation de supports visuels représentant « le plaisir sous le soleil » où des personnes se font bronzer ou se rafraîchissent au bord de l’eau, ce qui peut banaliser la situation et donner lieu à un cadrage inadéquat du reportage.
« Souvent, je me retrouve à rappeler aux rédacteurs et à d’autres journalistes qu’ils font un reportage sur la chaleur et qu’ils ne doivent pas utiliser des images amusantes. Il faut montrer les désagréments liés à la chaleur. Je pense que le réflexe est encore de se dire : “Oh, génial, il fait chaud, montrons des gens qui s’amusent à la plage” ».
Contraintes organisationnelles
Dans certains cas, les personnes interrogées ont indiqué que le paysage médiatique actuel est confronté à des contraintes majeures en matière de temps et de ressources, les journalistes devant souvent cumuler des rôles multiples et composer avec d’importantes limitations de temps, en particulier pendant les périodes de sous-effectif. La convergence des plateformes médiatiques a réduit la capacité des salles de rédaction de la télévision, de la radio et des presses écrite et numérique, ce qui limite la capacité à couvrir de façon cohérente et approfondie des questions comme les épisodes de chaleur extrême et la santé. De plus, les liens avec le changement climatique sont souvent négligés dans les reportages, en particulier ceux qui doivent être publiés rapidement.
« En outre, à mesure que les ressources financières diminuent [référence à la fermeture de journaux et de médias], nous prévoyons des défis accrus pour l’avenir. »
À quelques reprises, les professionnels des médias ont déclaré être confrontés à des contraintes concernant les reportages diffusés avant la saison chaude, car l’attention du public n’est généralement captée que lors des épisodes de chaleur extrême. Les documentaires ou les balados plus longs peuvent offrir une couverture précoce, mais le cycle quotidien des informations favorise les nouvelles sur les situations météorologiques actuelles ou imminentes, au détriment des reportages proactifs et saisonniers.
Solutions possibles pour améliorer les communications sur la santé liées à la chaleur

Les entrevues ont permis de dégager plusieurs thèmes relatifs aux solutions permettant d’améliorer les reportages sur la santé liés à la chaleur (tableau 3) :
- Accès aux données, à l’information et aux ressources
- Cadrage et trame narrative du reportage
- Formation et éducation
Accès aux données, à l’information et aux ressources
La plupart des professionnels des médias interrogés ont proposé d’améliorer l’accès à un répertoire à jour de spécialistes locaux diversifiés et réceptifs contenant leurs coordonnées, leur disponibilité et leur représentation régionale, afin de garantir des reportages opportuns et rigoureux. L’accès à des images et à une diversité de témoignages personnels a également été suggéré pour enrichir les reportages sur le climat et la santé.
« Serait-il possible d’engager un photojournaliste pour créer une série d’images en libre accès liées à la chaleur extrême? »
Le soutien proactif des équipes de communication en santé publique, au moyen d’un contact direct ou de la préparation d’interviews, peut faciliter la diffusion de messages efficaces, cohérents et collaboratifs.
« De nombreux journalistes doivent produire plusieurs articles au cours d’une même journée. Par conséquent, en cas d’épisode de chaleur extrême, ils ont besoin d’obtenir rapidement des informations fiables et facilement utilisables, telles que : “Des alertes à la chaleur sont en vigueur, voici ce qu’il faut savoir”. »
Tableau 3. Solutions pour améliorer les reportages sur la chaleur extrême – Thèmes relevés lors des entrevues
Quelles sont les solutions qui permettraient d’améliorer les reportages sur la chaleur extrême? |
Accès aux données, à l’information et aux ressources |
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Cadrage et trame narrative |
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Éducation et formation sur la gestion de la mésinformation |
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Note : Le nombre de répondants sur 12 est indiqué entre parenthèses. Toutes les personnes n’ayant pas été directement interrogées sur chaque thème, la fréquence de mention d’un thème ne doit pas être interprétée comme une indication de sa prévalence globale.
La moitié des journalistes et autres professionnels des médias interrogés ont également souligné qu’il était crucial d’avoir accès à des données, à des informations et à des ressources en temps réel, fiables et multilingues pour générer des communications efficaces sur la chaleur extrême. Des plateformes centralisées et conviviales donnant accès à des guides simplifiés sur la chaleur et dont les informations sont adéquatement étiquetées pourraient faciliter la réalisation de reportages, améliorer la compréhension du public et mettre davantage de l’avant les risques pour la santé.
« Une application ou une sorte de portail où l’information est centralisée, consultable et compréhensible, je pense que c’est toujours très utile. Et l’accès à des personnes qui peuvent nous aider à rédiger des articles complémentaires sur des questions importantes comme, qu’est-ce qu’un dôme de chaleur? »
« On peut tout simplement rappeler aux gens qu’une ressource existe lorsque le sujet est soudainement d’actualité et qu’il est sur toutes les lèvres. “Oui, vous trouverez plus d’informations à ce sujet ici.” »
« La plupart des alertes d’urgence diffusées par le gouvernement sont ou étaient en anglais ou en français. L’une des solutions pour atteindre plus rapidement et plus efficacement les communautés ethniques est de fournir des documents traduits dans un plus grand nombre de langues. »
Dans certains cas, les personnes interrogées ont exprimé leur satisfaction à l’égard des communiqués de presse émanant des organismes de santé publique, mais ont souligné que pour atteindre le public, il pourrait être nécessaire d’améliorer le partage sur les médias sociaux. Cela peut être favorisé par le partage de contenus d’actualité et pertinents par l’intermédiaire d’influenceurs ou de spécialistes locaux qui trouvent un écho auprès de certaines communautés.
L’élaboration d’une boîte à outils ou d’une liste de tâches pour la préparation aux canicules, à l’instar des trousses d’urgence pour les feux de forêt, a été suggérée comme une ressource préventive et digne d’intérêt pour les journalistes. Cela permet d’entamer un dialogue et de mobiliser le public en amont des épisodes de chaleur extrême. Le journalisme d’intérêt public peut être favorisé par des documents informatifs pratiques, comme des guides « étape par étape » ou de type « Tout ce que vous devez savoir sur... », afin de décrypter les informations complexes et d’aider les individus et les communautés à se préparer.
Cadrage et trame narrative des reportages
Certaines des personnes interrogées ont souligné que le public réagit mieux aux reportages centrés sur les personnes et offrant des solutions pratiques ou de l’espoir. Les reportages devraient éviter les scénarios pessimistes et privilégier les reportages locaux et à saveur personnelle accompagnés d’informations contextuelles, tels que des récits sur la manière dont les individus et les communautés parviennent à composer avec la chaleur. Cela peut améliorer la crédibilité, l’authenticité et la portée des reportages, et accroître la représentation des personnes à haut risque en mettant l’accent sur l’âge, le statut économique et le handicap. L’utilisation de termes neutres et non qualificatifs pour décrire la météo a été mentionnée comme une approche importante – il convient par exemple d’éviter les adjectifs comme « bon » ou « mauvais » pour décrire les situations météorologiques.
Quelques-unes des personnes interrogées ont également mentionnées des stratégies telles que le recours à des réseaux dirigés par des pairs, en particulier dans les communautés confrontées à des problèmes sociaux complexes, dont des taux élevés d’itinérance, de pauvreté, de toxicomanie et de maladie mentale, et l’inclusion dans leurs récits de personnes ayant vécu ou vivant une expérience concrète. Ces approches peuvent améliorer la diffusion de l’information et rendre les ressources vitales plus accessibles et compréhensibles.
« Je voudrais juste souligner que les pairs [...] sont une ressource formidable en matière d’expérience vécue et de relations. Il serait essentiel d’impliquer ces personnes. »
À quelques reprises, les professionnels des médias ont noté que la disponibilité d’une liste multilingue de porte-parole, y compris de spécialistes autochtones, pourrait contribuer à la diffusion de messages d’actualité et culturellement respectueux à des communautés diversifiées. Les spécialistes devraient être encouragés et formés à communiquer sans utiliser de termes météorologiques techniques, qui peuvent ajouter à la complexité des messages et les rendre plus difficiles à comprendre.
« On en revient aux récits de proximité : ils fonctionnent au sein de la communauté parce qu’ils sont plus crédibles et qu’ils inspirent confiance. Je dirais qu’il faut aussi avoir accès à des spécialistes issus des communautés autochtones, pour être en mesure de parler de cette question de manière appropriée. »
Formation et éducation
Interrogées sur les solutions possibles, certaines personnes ont déclaré qu’elles aimeraient avoir accès à des ressources offrant des informations brèves et fiables sur la science du climat et ses liens avec les conditions météorologiques extrêmes. Cela permettait d’améliorer les reportages sur le climat et d’ajouter un contexte sans donner l’impression d’être partial. Les professionnels de la communication peuvent soutenir ces efforts en organisant des ateliers ou des webinaires en ligne sur des sujets de santé publique essentiels liés à la chaleur extrême, en fournissant aux journalistes et au public des informations exactes et permettant de briser les mythes, et en favorisant une couverture plus informative et nuancée.
Dans certains cas, les personnes interrogées ont indiqué que les professionnels de la santé publique et de la communication peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre la mésinformation en plaidant en faveur de normes éthiques. Ils peuvent utiliser des mécanismes transparents pour signaler et corriger les fausses informations ou les erreurs, et veiller à ce que les ressources sur des questions vitales comme le changement climatique soient accessibles et dignes de confiance. Le rétablissement de la confiance dans la science et la promotion de la culture médiatique ont été soulignés comme des étapes essentielles pour protéger les communautés et éduquer le public.
« Il est donc important que les professionnels de la communication signent des codes de déontologie afin qu’ils comprennent les conséquences d’un comportement inapproprié. »
Résumé
Les entrevues menées avec les médias et les professionnels de la communication en santé publique qui ont participé à notre étude ont mis en lumière plusieurs défis à relever pour couvrir efficacement les épisodes de chaleur extrême : difficultés à maintenir l’intérêt du public, à trouver un équilibre entre urgence et mobilisation, à accéder aux données, à atteindre des publics diversifiés et à générer de l’intérêt malgré les ressources limitées et la nature visuellement « peu attrayante » des épisodes de chaleur extrême. Le blocage des nouvelles par Meta réduit la portée des articles et peut empêcher le public d’accéder en temps réel à la couverture médiatique des épisodes de chaleur extrême.
Les solutions proposées par les participants à l’étude comprennent l’amélioration de l’accès aux données, aux spécialistes locaux et régionaux et aux ressources de soutien afin d’améliorer l’exactitude des reportages et leur diffusion en temps opportun. En accroissant la mobilisation et en misant sur des récits diversifiés et centrés sur la communauté, on peut contribuer à faire en sorte que les messages axés sur les solutions atteignent les personnes les plus vulnérables aux effets de la chaleur sur la santé. L’amélioration de la collaboration entre les médias et les organismes de santé publique pourrait permettre d’approfondir les connaissances sur le climat, de lutter contre la mésinformation, d’améliorer la littératie en matière de communications médiatiques et de favoriser l’esprit d’équipe. Ces stratégies visent à favoriser des communications sur la santé liées à la chaleur précises, collaboratives, inclusives et captivantes, et qui trouvent un écho auprès de divers publics.
Remerciements
Nous tenons à remercier tous les participants pour le temps qu’ils ont consacré à notre projet et pour leurs contributions pleines de sagesse durant les entrevues, qui ont servi de fondement à la présente étude. Nous tenons également à remercier les membres de notre comité consultatif, qui ont contribué à l’élaboration de la méthodologie de cette étude et au choix des professionnels des médias et des communicateurs de la santé publique à interroger.
Nous remercions Santé Canada pour le financement et le soutien apportés dans le cadre de cette étude. Les opinions exprimées ici ne représentent pas nécessairement celles de Santé Canada. Nous aimerions également remercier Elizabeth Loftus et Barb Karlen (CCNSE), qui ont aidé l’équipe à mener les entrevues, ainsi que Joshua Grant (spécialiste en communication, BCCDC; ancien journaliste), Anne-Marie Nicol (professeure associée, Université Simon Fraser, faculté des sciences de la santé), Juliette O’Keeffe et Sarah Henderson (CCNSE), qui nous ont prodigué des conseils avisés et ont passé en revue les résultats de ce projet.
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