eTick.ca : une plateforme publique pour l’identification par images et la surveillance des populations de tiques au Canada

La maladie de Lyme et l’expansion rapide de la distribution géographique des espèces de tiques au Canada sont des enjeux d’envergure en santé publique. Un nouveau projet de science citoyenne, eTick.ca, invite la population à participer à la surveillance des tiques au pays en soumettant des photos sur une plateforme Web à des fins d’identification par des professionnels. Les résultats, combinés à d’autres données comme la date d’observation et la localité, servent ensuite à créer des cartes afin que les visiteurs du site Web puissent voir l’information selon les espèces, les dates ou les régions géographiques. eTick.ca et les cartes régionales sont accessibles en ligne gratuitement.
Fonctionnement
Les utilisateurs soumettent leurs photos de tiques à partir d’une interface Web simple. L’identification de l’espèce par un expert de la région prend généralement moins de 24 heures. L’utilisateur reçoit alors un courriel automatisé contenant des renseignements sur l’espèce trouvée ainsi que des conseils et des ressources sur la santé des humains et des animaux ayant pu être piqués. De plus, dès l’identification, un point apparaît sur la carte publique du site Web pour indiquer le lieu où la tique a été trouvée.
Les tiques des photos soumises sur eTick.ca peuvent provenir de différents hôtes : humains, animaux domestiques (chats, chiens, lapins, furets, etc.) ou même animaux sauvages (p. ex., orignaux). Certaines ont été photographiées alors qu’elles se promenaient dans la nature tandis que d’autres ont été observées dans des pièges à animaux. Ce riche échantillonnage permet à eTick.ca d’étudier la diversité des tiques à grande échelle et de compléter les programmes de surveillance provinciaux avec des données normalisées interprovinciales.
Création
La plateforme a été créée en 2014 par la professeure Jade Savage, biologiste à l’Université Bishop’s à Sherbrooke (Québec), avec le soutien financier de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et la collaboration du Centre de toxicologie du Québec.
Elle a initialement été conçue pour évaluer s’il était possible d’identifier les espèces de tiques d’après des clichés soumis par des cliniques vétérinaires du Québec. Une fois démontrées l’exactitude de l’identification à partir de photos et la convivialité de l’interface eTick.ca, les services d’identification ont été ouverts au grand public.
Expansion du projet
En 2018, le projet eTick.ca a reçu une subvention de trois ans du Fonds du programme de maladies infectieuses et de changements climatiques (Agence de la santé publique du Canada) afin d’étendre les services d’identification à l’Ontario et au Nouveau-Brunswick, de moderniser l’interface utilisateur et de concevoir une application mobile. Il est également prévu que la plateforme soit un jour ouverte à d’autres provinces.
Utilisation des données
Les données de prévalence de la plateforme eTick.ca peuvent être combinées à d’autres données de surveillance active afin d’évaluer le taux d’infections causées par différents agents pathogènes transmissibles par les tiques dans des régions précises. La plateforme peut également servir au signalement de l’arrivée de nouvelles espèces dans une région géographique. Par exemple, eTick.ca a permis de déterminer que la tique à pattes noires est l’espèce la plus communément trouvée sur les humains et qu’elle était présente dans des régions aussi loin au nord que celle du Saguenay au Québec. D’autres espèces comme la tique américaine du chien ont été détectées encore plus au nord à Kenora en Ontario.
Contribution de l’identification des tiques à l’amélioration de la santé publique
La sensibilisation aux tiques et aux agents pathogènes dont elles sont porteuses est importante. Les populations humaines des régions où celles-ci viennent tout juste de s’établir ne sont généralement pas conscientes des risques qu’elles peuvent poser pour la santé; les piqûres de tiques passeront donc souvent inaperçues. eTick.ca propose aux praticiens en santé publique et à la population des renseignements à jour sur les espèces de tiques actuellement observées et les changements dans leur distribution géographique. Ces données peuvent servir à aiguiller les campagnes de prévention des piqûres de tiques et à orienter les mesures de contrôle des populations de tiques et des populations hôtes.
Influence du changement climatique sur la distribution
Bien que l’attention portée au changement climatique se concentre principalement sur les effets environnementaux directs comme la fréquence accrue des inondations et des feux de forêt, il est très important de considérer ses conséquences indirectes telles que l’expansion vers le nord de l’habitat des organismes nuisibles menaçant la sécurité alimentaire, la santé et certaines industries comme la foresterie. Dans certaines régions tempérées de l’hémisphère nord, les tiques sont aujourd’hui le plus important vecteur de maladies infectieuses chez l’humain. Non seulement de nouvelles espèces de tiques arrivent et survivent au Canada, mais le changement climatique étend la distribution des animaux (principalement des oiseaux et des mammifères) qui servent d’hôtes réservoirs aux agents pathogènes que les tiques peuvent contracter puis transmettre aux humains. Par ailleurs, les tiques et leurs hôtes ont de meilleures chances de survivre aux hivers plus doux dans les régions où le froid les tuait habituellement (p. ex., Québec ou Thunder Bay). Les outils comme eTick.ca se révèlent donc essentiels à la surveillance de l’évolution de la situation et à la planification des interventions.