Revue rapide des effets sur la santé associés à l’exposition aux désinfectants dans le contexte de la pandémie de COVID-19
Questions centrales
Un professionnel de la santé publique s’est questionné sur le potentiel d’utilisation inadéquate ou de surutilisation de désinfectants découlant d’une inquiétude accrue quant à la transmission du SRAS-CoV-2 par contact avec des surfaces dans l’environnement, ainsi que sur les effets aigus et chroniques sur la santé potentiels de certains produits de désinfection. Le présent document est une revue rapide de la littérature visant à répondre aux questions suivantes :
- Quels sont les effets potentiels sur la santé de l’exposition aux désinfectants?
- Existe-t-il des solutions de rechange plus sûres aux désinfectants communs, qui seraient moins susceptibles d’entraîner des effets indésirables sur la santé à long terme?
Avertissement : L’information présentée ici vise à répondre à des questions précises sur un problème de santé environnementale; il ne s’agit pas d’une revue exhaustive des données probantes. Elle ne remplace pas les directives ni les règlements fédéraux, provinciaux et locaux.
Méthodologie
Nous avons procédé à une recherche dans EBSCOhost et sur Google Scholar avec différentes variations des mots-clés suivants : (disinfect OR disinfectant OR disinfection OR clean OR cleaning OR cleaner); (asthma OR respiratory OR chronic OR health effects OR health impacts); (sodium hypochlorite OR bleach OR quaternary); (domestic OR home OR house OR occupational OR work). Une recherche de publications parallèles et de règlements pertinents a également été effectuée dans le moteur de recherche Google à partir de variations des mots-clés ci-dessus. Tous les articles sélectionnés avaient été publiés en anglais. Un examen du titre et de l’abrégé a été fait avant d’inclure les articles dans la revue.
Introduction
La pandémie de COVID-19 a fait ressortir l’importance de nettoyer et de désinfecter les domiciles privés et les lieux publics. On a fait la promotion de mesures de santé publique non médicamenteuses, comme l’éloignement physique, l’hygiène des mains, l’hygiène et l’étiquette respiratoires, le port du couvre-visage, ainsi que l’intensification du nettoyage et de la désinfection des surfaces, interventions que l’on a jugé appropriées pour freiner la propagation du SRAS-CoV-2, surtout lorsqu’appliquées en concomitance.
L’augmentation du nettoyage des surfaces et du recours aux désinfectants pour les mains et à d’autres produits de désinfection suscite des préoccupations quant au risque d’utilisation inadéquate ou de surexposition à ces produits. Des données canadiennes indiquent qu’entre mars et juin 2020, les appels aux centres antipoison liés à l’exposition à des désinfectants pour les mains ou à d’autres désinfectants, à de l’eau de Javel, et à du chlore ou à de la chloramine à l’état gazeux ont connu une hausse comparativement à la même période en 20191. Des données des États-Unis pour la période de janvier à mars 2020 montrent une importante augmentation du nombre d’appels quotidiens dans les centres antipoison en lien avec des produits de nettoyage et de désinfection à partir du mois de mars, par rapport aux données pour 2018 et 20192.
Comment les désinfectants sont-ils approuvés et réglementés au Canada?
Au Canada, les désinfectants de surfaces sont encadrés par la Loi sur les aliments et drogues et évalués par Santé Canada avant que leur soit attribué un numéro d’identification du médicament (DIN)3-5. Ce numéro indique que le produit a été évalué et approuvé pour la commercialisation et la vente au Canada3. Les demandes d’approbation de produits désinfectants doivent fournir la preuve que le produit est efficace contre les microorganismes qu’il affirme pouvoir tuer, comme les bactéries, les champignons ou les virus, donner de l’information sur la compatibilité avec les surfaces, et présenter des directives d’utilisation claires pour prévenir les dangers aigus pour la santé6.
L’évaluation exhaustive des effets chroniques potentiels sur la santé associés à une exposition à des désinfectants n’entrant pas en contact avec de la nourriture n’est pas obligatoire au Canada5, 6. Des données toxicologiques prouvant l’innocuité d’un produit sont exigées uniquement pour les désinfectants qui pourraient entrer en contact avec de la nourriture5, 6. Aux États-Unis, l’Environmental Protection Agency évalue aussi l’efficacité des produits de désinfection contre les microorganismes qu’ils devraient tuer, mais n’évalue pas tous les effets potentiels sur la santé associés à la substance active7. Les fiches de données de sécurité présentent de l’information sur les risques et les pratiques sécuritaires de manipulation des substances dangereuses contenues dans les produits de désinfection; cela dit, les renseignements complémentaires sur les effets indésirables sur la santé, par exemple des effets sensibilisants ou allergènes, ne sont pas toujours facilement accessibles au consommateur ni consultés avec attention avant l’utilisation8.
Quelles sont les principales substances actives des désinfectants?
Il existe plusieurs classes principales de substances actives dans les désinfectants : eau de Javel, composés d’ammonium quaternaire, peroxydes, dioxyde de chlore, acide citrique, éthanol, acide chlorhydrique, acide hypochloreux, acide lactique, phénols, chlorite de sodium et thymol9. Ces substances peuvent être combinées ou utilisées seules pour tuer ou inactiver divers microorganismes9. De ces substances actives, trois classes principales sont efficaces contre une vaste gamme de microorganismes pathogènes si la concentration et le temps de contact sont appropriés : l’eau de Javel (hypochlorite de sodium), les peroxydes et l’ammonium quaternaire9. Pour en savoir plus sur les désinfectants efficaces contre le SRAS-CoV-2 et obtenir des recommandations sur les concentrations et la fréquence d’utilisation, veuillez consulter le guide du CCNSE, « Réduire la transmission de la COVID-19 par le nettoyage et la désinfection des surfaces ménagères ».
Quels sont les effets aigus et chroniques potentiels des désinfectants sur la santé?
Les effets néfastes sur la santé associés à l’exposition aux désinfectants peuvent se manifester sous forme de réactions aiguës indésirables ou d’effets chroniques sur la santé. Les réactions aiguës peuvent résulter d’une mauvaise utilisation ou d’une surutilisation des désinfectants. Quant aux effets chroniques sur la santé, ils peuvent être associés à une exposition à long terme à certaines substances chimiques contenues dans les désinfectants (substances utilisées seules ou de façon combinée).
Effets aigus sur la santé
Selon des données de centres antipoison des États-Unis, une importante augmentation du nombre d’appels en lien avec des expositions accidentelles à des produits de nettoyage ou de désinfection a été enregistrée en mars 2020 par rapport à mars 20192. Un pourcentage élevé de ces appels concernait des expositions chez des enfants de cinq ans et moins2. Les centres antipoison canadiens ont eux aussi observé une augmentation du nombre d’appels en mars 2020, mais pas la même tendance chez les enfants1. Un sondage mené auprès d’adultes américains en mai 2020 a révélé des lacunes dans les connaissances, notamment sur la préparation sécuritaire de solutions désinfectantes, le port d’équipement de protection individuelle pour utiliser des désinfectants et l’entreposage sécuritaire de produits de désinfection10. Certains répondants ont indiqué utiliser de l’hypochlorite de sodium sur des aliments ou sur les mains et la peau, asperger leur corps de désinfectant avec un vaporisateur, inhaler les vapeurs de désinfectant et boire des solutions désinfectantes diluées ou se gargariser avec de telles solutions10.
La préparation inappropriée de solutions désinfectantes et le mélange de chlorite de sodium avec d’autres produits qui contiennent de l’ammoniac ou des acides sont des exemples d’une mauvaise utilisation des désinfectants. Les utilisateurs pourraient alors être exposés à une concentration excessive de désinfectant, ou à des sous-produits dangereux résultant de réactions chimiques causées par un mélange inadéquat de produits.
La réaction de l’hypochlorite de sodium avec l’ammoniac, substance que l’on retrouve parfois dans les produits nettoyants, dans certains nettoyants pour vitres, dans l’urine (potentiellement présente dans les poubelles à couches ou les litières pour chat) et dans certaines peintures pour les surfaces intérieures et extérieures, libère des gaz de chloramine. Ces gaz peuvent entraîner des symptômes comme de la toux, de l’essoufflement, des douleurs thoraciques, une respiration sifflante, des nausées, un larmoiement ou une irritation de la gorge, du nez et des yeux, voire même l’apparition d’une pneumonie ou de liquide dans les poumons11. Le chlore gazeux est produit lorsque l’hypochlorite de sodium est combiné avec des acides, que l’on peut retrouver dans les produits nettoyants, les détergents et les liquides de rinçage pour lave-vaisselle, les produits antirouille, la chaux, le calcium et le vinaigre. La combinaison de l’hypochlorite de sodium à de l’eau chaude libère également du chlore gazeux. Une exposition à de faibles concentrations de chlore gazeux peut occasionner des symptômes comme de la toux, de l’essoufflement, une sensation de brûlure oculaire, un larmoiement et un écoulement nasal11. La réaction entre le chlore gazeux et l’eau produit de l’acide chlorhydrique ou de l’acide hypochloreux, qui peuvent causer des brûlures à la peau, aux yeux, au nez, à la gorge, à la bouche et aux poumons11. Une exposition à de fortes concentrations de chlore gazeux peut être mortelle.
La surutilisation de désinfectants, c’est-à-dire une utilisation excessive qui surpasse la fréquence recommandée, peut mener à une surexposition et à des réactions aiguës indésirables, de même qu’à des effets chroniques sur la santé, effets décrits dans la section qui suit.
Effets chroniques sur la santé
Les agents nettoyants sont souvent utilisés en combinaison avec des produits désinfectants. Beaucoup de ces produits contiennent plusieurs ingrédients (p. ex., parfums et autres agents sensibilisants) qui peuvent déclencher de l’asthme et des allergies. Ainsi, il peut être complexe d’évaluer le lien entre l’exposition à long terme à une substance active en particulier et les effets indésirables sur la santé. Les effets sur la santé comme l’asthme et la rhinite peuvent aussi être secondaires à une exposition à des sous-produits chimiques, comme les chloramines et le chloroforme (une substance cancérogène), résultant d’un mélange inapproprié de substances9, 12. D’autres contaminants intérieurs peuvent causer de l’asthme et d’autres effets respiratoires indésirables, par exemple les composés organiques volatils des meubles, des tapis et de la peinture, la fumée de tabac, la moisissure et la poussière, ainsi que d’autres allergènes et particules aéroportées8, 13.
Exposition professionnelle aux désinfectants
Selon une revue d’études épidémiologiques, des données probantes établiraient un lien entre l’exposition à des désinfectants en vaporisateur et les symptômes d’asthme chez des utilisateurs en milieu professionnel et non professionnel14. Toutefois, une relation causale n’a pas pu être établie. Une revue systématique de 24 études épidémiologiques a révélé que l’exposition professionnelle à des produits de nettoyage et de désinfection était associée à un risque accru d’asthme et de rhinite12. On a montré une relation dose-effet entre l’asthme, ou une première apparition d’asthme, et l’exposition à certains produits, dont l’ammoniac, l’eau de Javel, les chloramines (résultant du mélange de l’eau de Javel avec des produits nettoyants) et les produits nettoyants en vaporisateur12. Une revue de la littérature antérieure appuie le lien entre l’exposition à des produits de nettoyage et de désinfection et les effets respiratoires indésirables, l’exacerbation de l’asthme et une première apparition d’asthme chez le personnel de l’entretien ménager et les professionnels de la santé, ainsi que dans les domiciles privés15, 16. Une exposition fréquente à de faibles concentrations d’irritants, comme le chlore, l’ammoniac, l’acide chlorhydrique, la chloramine et l’hydroxyde de sodium, est associée à des symptômes d’asthme14. En outre, l’exposition professionnelle à des composés d’ammonium quaternaire augmenterait le risque de rhinite et d’asthme chez les travailleurs de la santé17, 18. Une revue de la littérature sur les risques pour la santé des trois principales classes de désinfectants (hypochlorite de sodium, composés d’ammonium quaternaire et peroxydes) a montré que l’hypochlorite de sodium et les composés d’ammonium quaternaire étaient associés à des effets respiratoires indésirables9. Le peroxyde d’hydrogène semble présenter des risques faibles aux concentrations contenues dans les désinfectants, et n’a pas été associé à de l’asthme ou à de l’irritation nasale9.
Exposition non professionnelle chez les adultes
Les études explorant le lien entre l’utilisation domestique de désinfectants et les effets indésirables sur la santé chez les adultes sont limitées. Un sondage mené auprès d’aînés a révélé une relation dose-effet entre une utilisation hebdomadaire de produits de nettoyage irritants, dont l’eau de Javel et l’ammoniac et des symptômes d’asthme19. Une autre importante étude menée auprès d’adultes de 10 pays européens a conclu qu’une utilisation accrue de l’eau de Javel dans les domiciles privés était liée à une diminution des taux de réactions allergiques aux allergènes intérieurs et extérieurs fréquents, mais à une augmentation de la prévalence de l’asthme et de symptômes des voies respiratoires inférieures20. Une étude a montré que l’utilisation fréquente (4 à 7 jours par semaine) de désinfectants (les auteurs n’ont pas isolé les effets de désinfectants en particulier) était associée à un risque accru d’asthme chez les jeunes adultes; certaines données probantes indiquent une relation dose-effet21. Toutefois, une utilisation peu fréquente (1 à 3 fois par semaine) de désinfectants était associée à une diminution momentanée de l’incidence d’asthme, possiblement secondaire à la réduction des allergènes intérieurs21. Une étude sur différents types de nettoyants domestiques a révélé qu’une utilisation au moins hebdomadaire de produits en vaporisateur, soit des nettoyants tout usage, des nettoyants à vitre, des nettoyants pour les meubles et des assainisseurs d’air, était associée à de l’asthme, ce qui n’était pas le cas pour l’eau de Javel ni pour l’ammoniac22. La raison de cette incohérence apparente n’est pas claire. Il est possible qu’elle s’explique par la fréquence d’utilisation examinée dans cette étude, puisque d’autres études démontrent une relation dose-effet entre l’exposition aux désinfectants et l’incidence d’asthme. Il est difficile d’établir une relation causale entre l’exposition et les effets indésirables sur la santé parce que dans beaucoup d’études, on regroupe les produits de nettoyage et de désinfection. Par ailleurs, les questionnaires, utilisés dans la plupart des études, présentent un risque de biais de rappel chez les répondants.
Exposition des enfants à l’intérieur
On a établi que l’utilisation accrue de désinfectants domestiques contenant de l’eau de Javel et du peroxyde d’hydrogène altérait le microbiote intestinal des enfants de 3 et 4 mois23. La surreprésentation des Lachnospiraceae est un fort prédicteur d’un risque accru d’obésité à partir de l’âge d’un an23. Une étude a révélé que les enfants de mères ayant utilisé plus fréquemment des produits ménagers chimiques durant leur grossesse étaient plus susceptibles de présenter une respiration sifflante en bas âge, et ce, après ajustement pour l’exposition à d’autres contaminants de l’air intérieur et pour d’autres facteurs de confusion13. Une autre étude qui s’est penchée sur le cas d’enfants exposés de façon passive à de l’eau de Javel comme désinfectant à la maison et à l’école a révélé une augmentation de la fréquence de symptômes respiratoires, comme l’inflammation respiratoire et la bronchite récurrente, et d’autres infections associées24. Cependant, les auteurs n’ont pas pu confirmer si d’autres contaminants intérieurs dans les maisons ou les écoles auraient pu agir comme facteurs de confusion. À l’inverse, une étude a montré que le nettoyage à l’eau de Javel au moins une fois par semaine dans les maisons semblait avoir un effet protecteur contre le développement de l’asthme chez les enfants, possiblement en raison d’une réduction plus efficace des allergènes intérieurs et d’autres agents microbiens25. Toutefois, cet effet protecteur disparaît chez les enfants aussi exposés à de la fumée de tabac ambiante, et ces derniers semblent plus susceptibles de développer une bronchite récurrente25. Les raisons de cette incohérence entre les études ne sont pas claires. Voici certaines explications possibles : différences dans la fréquence d’utilisation de désinfectants, présence d’autres contaminants intérieurs et biais de rappel des participants, comme la collecte de données de beaucoup d’études s’appuie sur des questionnaires.
La méthode d’application influence-t-elle le risque d’effets indésirables sur la santé?
Il existe différentes façons d’appliquer des désinfectants. Ces méthodes vont de l’application manuelle à l’aide d’un vaporisateur à gâchette aux technologies plus poussées, comme les gros pulvérisateurs mécaniques, les pulvérisateurs électrostatiques et les brumisateurs. La technique choisie dépend de nombreux facteurs, y compris le type d’environnement, les surfaces cibles, l’objectif visé, la taille de la pièce ou le nombre de surfaces à traiter et la présence d’autres personnes. Les fabricants de désinfectants sont tenus de fournir des directives claires sur l’utilisation sécuritaire afin de maximiser l’efficacité de la désinfection et de réduire au minimum les risques pour les utilisateurs et les autres personnes présentes.
Comme les désinfectants ont été associés à des effets respiratoires indésirables, l’application de ces produits à l’aide de vaporisateurs pourrait favoriser l’exposition aux particules en suspension dans l’air26, 27. Des études ont démontré que l’incidence de l’asthme est liée à l’utilisation de produits de nettoyage et de désinfection en vaporisateur; la relation dose-effet est toutefois appuyée par un nombre limité de données probantes14,22,27. Les désinfectants liquides peuvent aussi se volatiliser; cette réaction dépend de la surface traitée, de la dilution utilisée et de la température ambiante27. De plus, la taille des particules libérées varie selon le type de vaporisateur : vaporisateur à gâchette, pulvérisateur électrostatique, brumisateur. De nombreux facteurs, y compris la taille, la forme et la densité des aérosols, les caractéristiques de la surface et le taux d’évaporation, influencent le temps durant lequel les aérosols restent en suspension dans l’air et l’endroit où ceux-ci se déposent ensuite dans les voies respiratoires26,28,29. Comme des études ont établi une relation dose-effet entre l’exposition à certains désinfectants et des symptômes d’irritation et de l’asthme, le degré d’exposition est potentiellement le principal facteur de risque pour les effets néfastes sur la santé, surtout chez les travailleurs faisant de l’entretien ménager à domicile dans des espaces mal ventilés12.
Les pulvérisateurs électrostatiques et les brumisateurs libèrent généralement de plus petites gouttelettes que les vaporisateurs à gâchette manuels. Pour un résumé de ces différents types d’appareils, consulter le document du CCNSE « La COVID-19 dans les espaces clos – Mesures de désinfection de l’air et des surfaces ». Les pulvérisateurs électrostatiques comme le système Clorox Total 360 libèrent des gouttelettes d’un diamètre de 40 à 60 µm, alors que les brumisateurs peuvent libérer des gouttelettes aussi petites que de 1 à 10 µm, selon le processus utilisé30, 31. Les brumisateurs de désinfection peuvent être problématiques pour les personnes, puisque les gouttelettes de petite taille ont la capacité de rester plus longtemps dans l’air. L’utilisation d’un brumisateur pour désinfecter des ambulances a entraîné des plaintes de nausées, de migraines, de maux de tête, et d’irritation des yeux et de la peau32. Les CDC des États-Unis ne recommandent pas la désinfection par brumisation à l’aide de machines vétustes utilisant des substances chimiques comme le formaldéhyde, les phénols ou les composés d’ammonium quaternaire, en raison de leur inefficacité et des effets indésirables sur la santé des travailleurs et d’autres personnes présentes33. L’innocuité des nouvelles technologies de brumisation, qui utilisent des substances chimiques comme l’ozone et le peroxyde d’hydrogène vaporisé, est toujours étudiée33.
Quelles solutions permettraient de réduire les effets néfastes des désinfectants sur la santé?
La désinfection des surfaces est seulement l’une de plusieurs interventions réduisant le risque de transmission de microorganismes pathogènes comme le SRAS-CoV-2. Les pratiques individuelles comme l’hygiène des mains, la distanciation physique et le port du couvre-visage sont des mesures non médicamenteuses importantes pour freiner la transmission, surtout lorsqu’elles sont appliquées en concomitance. Les gouttelettes respiratoires et les aérosols sont considérés comme la principale voie de transmission du SRAS-CoV-234. Bien que les matières contaminées pourraient théoriquement constituer une voie de transmission, des études sont toujours en cours pour appuyer cette hypothèse. Ainsi, on devrait peser le pour et contre des risques pour la santé associés à la surexposition à des désinfectants potentiellement dangereux et de la prévention de la transmission virale. Certaines études ont montré une relation dose-effet entre l’exposition aux désinfectants et l’incidence de l’asthme. Le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique recommande de désinfecter les surfaces fréquemment touchées une fois tous les quelques jours, si aucun membre du ménage n’a reçu un diagnostic de COVID-19 ou n’est malade35. Il pourrait s’agir d’une pratique appropriée pour prévenir la transmission du SRAS-CoV-2 tout en réduisant le risque d’effets indésirables sur la santé associés à l’exposition à des désinfectants.
Avant de mettre en place une politique de désinfection régulière, on devrait procéder à une évaluation des risques qui tient compte des points suivants36 :
- Contexte et prévalence du virus à l’échelle locale.
- Caractéristiques des lieux, comme le nombre d’occupants, et la durée et la proximité des contacts.
- Caractéristiques de la population des lieux.
Plusieurs recommandations ont été présentées dans la littérature pour réduire les risques pour la santé associés à l’exposition aux désinfectants et pour améliorer la santé respiratoire12, 37-39 :
- Remplacer les produits de nettoyage et de désinfection en vaporisateur par des produits liquides, appliqués avec un linge.
- Remplacer l’hypochlorite de sodium et les composés d’ammonium quaternaire par d’autres désinfectants présentant moins de risques pour la santé.
- Améliorer l’équipement de protection individuelle des utilisateurs.
- Augmenter la ventilation pendant et après le traitement.
- Suivre les directives sur l’étiquette et éviter de mélanger des produits de nettoyage et de désinfection.
- Offrir une formation adéquate aux travailleurs sur les bonnes pratiques de nettoyage et de désinfection.
- Éviter d’utiliser des produits de nettoyage et de désinfection en présence d’enfants.
- Aérer la zone traitée après l’application du produit.
- Étiqueter clairement les désinfectants et les entreposer hors de la portée des enfants et des animaux de compagnie.
Au Canada et aux États-Unis, des organismes de certification tiers déterminent les produits de nettoyage et de désinfection les moins néfastes pour la santé et les plus écologiques. ÉcoLogo, Green Seal et le programme Design for the Environment de l’EPA des États-Unis en sont des exemples7, 40. Parmi les substances actives de désinfectants plus sûres, on retrouve l’acide octanoïque, l’acide citrique, le peroxyde d’hydrogène, l’acide lactique et l’argent40. Il est également important de consulter la liste de désinfectants pour surfaces dures (COVID-19) de Santé Canada pour vérifier l’efficacité contre le SRAS-CoV-2.
Résumé
La désinfection des surfaces est l’une des mesures fréquemment recommandées pour réduire le risque de transmission du SRAS-CoV-2. Toutefois, depuis le début de 2020, on signale de plus en plus souvent des effets aigus indésirables sur la santé en lien avec une mauvaise utilisation des désinfectants ou une surexposition à ces produits. Alors que les entreprises et les établissements intensifient leurs politiques en matière de nettoyage et de désinfection, certains professionnels de la santé publique mettent en garde sur le lien possible entre les désinfectants et l’augmentation du risque d’asthme et d’épisodes de respiration sifflante. Par conséquent, ces professionnels devraient fournir des recommandations claires sur les bonnes pratiques de nettoyage et de désinfection qui protégeraient la population contre les effets potentiellement néfastes des désinfectants tout en réduisant le risque de transmission du SRAS-CoV-2.
Remerciements
L’auteure souhaite remercier Lydia Ma (CCNSE) pour la révision du présent document et ses précieux commentaires, ainsi que Michele Wiens pour son aide avec le référencement.
Références
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