Capteurs de CO2 intérieurs pour l’atténuation des risques liés à la COVID-19 : directives et limites actuelles

Question centrale : Est-il possible de se servir de la surveillance des taux de CO2 pour atténuer les risques liés à la COVID-19 dans les restaurants? Pour répondre, nous sommes partis d’un document du CCNSE examinant certaines préoccupations quant à l’emploi de ce type de surveillance en tant qu’outil de santé publique, et nous avons élargi la recherche à toutes les directives de santé publique sur la surveillance des taux de CO2 par les occupants comme moyen de veiller à l’efficacité de la ventilation en contexte de pandémie.
Déclaration sommaire : La surveillance des taux de CO2 est un outil reconnu pour évaluer les limites d’occupation et les besoins de ventilation dans les espaces intérieurs, habituellement à des fins d’amélioration de l’efficacité énergétique. Pendant la pandémie, les espaces doivent absolument être suffisamment aérés en fonction du nombre d’occupants et de la nature des activités pratiquées, afin de réduire les risques de transmission. La surveillance des taux de CO2 peut aider à régler les problèmes de ventilation, pourvu que les utilisateurs soient en mesure d’installer les appareils, de surveiller et d’interpréter les résultats et d’intervenir en conséquence. Par contre, les taux de CO2 à l’intérieur ne doivent pas être interprétés comme seule mesure du risque d’exposition à la COVID-19; la transmission du SRAS-CoV-2 dépend de multiples facteurs, et la ventilation n’en est qu’un. Dans nombre de situations, se fier uniquement aux taux de CO2 à l’intérieur peut mener à une sous-estimation ou une surestimation du risque de transmission. En général, une hausse des concentrations de CO2 peut indiquer une ventilation inadéquate et une augmentation du risque de contracter la COVID-19 si une personne infectée est à proximité.
Avertissement : L’information présentée ici vise à répondre à une question précise sur un problème de santé environnementale. Elle n’est pas le fruit d’une revue exhaustive des données probantes et n’a pas fait l’objet d’une évaluation par les pairs. En outre, elle ne remplace pas les directives et les règlements fédéraux, provinciaux ou locaux, ni les exigences de santé et sécurité au travail, ni les conseils d’un professionnel de la santé (le cas échéant).
Contexte
On sait que la transmission du SRAS-CoV-2 par les aérosols – de minuscules gouttelettes qui ne se déposent pas avec la gravité – joue un rôle dans la pandémie1. Si sa fréquence est inconnue, on sait qu’il faut freiner ce mode de transmission par différentes mesures, comme l’augmentation de l’entrée d’air frais (par la ventilation naturelle ou mécanique), la purification de l’air intérieur avec des filtres et des appareils germicides2 et l’imposition de limites sur le nombre d’occupants et les activités augmentant l’émission de gouttelettes respiratoires. Toutefois, même lorsqu’on prend des mesures pour améliorer la ventilation3, un mélange d’air insuffisant et une mauvaise circulation d’air peuvent compliquer l’évaluation de l’efficacité de la ventilation pour le nombre d’occupants et leur niveau d’activité, qui varient avec le temps.
La surveillance des taux de CO2 peut être utile dans ces cas, puisque les concentrations de CO2 à l’intérieur varient assez fiablement en fonction du nombre d’occupants et de leur niveau d’activité4. Plus le nombre d’occupants ou leur rythme respiratoire augmentent (pendant l’activité physique, par exemple), plus la concentration de CO2 dans la pièce est élevée. Si les taux de CO2 sont à la hausse, c’est qu’il n’y a pas assez d’air frais extérieur qui entre dans la pièce. Il faut alors soit réduire le nombre d’occupants soit augmenter l’apport en air extérieur.
Malgré que la surveillance des taux de CO2 soit répandue dans les systèmes des immeubles pour économiser argent et énergie, l’utilité de cette méthode en santé publique ne s’est fait connaître que tout récemment5. Par contre, la surveillance par des occupants sans expertise peut être difficile à opérationnaliser. Malgré son apparente simplicité, l’interprétation des concentrations de CO2 à l’intérieur et des risques associés pour la santé des occupants demande certaines connaissances6; des méfaits inattendus peuvent survenir si on demande à des non-initiés de surveiller les capteurs et d’agir en conséquence. La surveillance des taux de CO2 et l’amélioration de la ventilation ont des limites, car elles atténuent seulement la transmission du SRAS-CoV-2 par aérosols, et ont peu de chances de réduire les risques liés aux contacts étroits de personnes sans masque. Dans quelle mesure la surveillance des taux de CO2 peut-elle donc réduire la transmission de la COVID-19 à l’intérieur?
Ce document d’information sert à mieux comprendre le raisonnement derrière la surveillance des taux de CO2 et à expliquer clairement ses avantages potentiels et ses limites en matière d’atténuation des risques liés à la COVID-19. Pour ce faire, nous avons utilisé l’approche à plusieurs volets suivante :
- Consultation de spécialistes en santé environnementale, en qualité de l’air intérieur et en santé en milieu de travail pour clarifier les défis associés à la surveillance des taux de CO2 et obtenir des suggestions d’approches possibles.
- Revue rapide des ressources du monde universitaire et du CCNSE pertinentes.
- Recherche dans des publications parallèles de lignes directrices et de ressources.
Consultation d’experts
Des discussions avec des experts en santé environnementale du CCNSE et d’agences partenaires ont permis de relever plusieurs enjeux possibles liés à la surveillance des taux de CO2 comme moyen d’atténuer les risques liés à la COVID-19 :
- Absence de lien direct entre les concentrations de CO2 à l’intérieur et le risque de transmission de la COVID-19, et grandes chances que les taux de CO2 soient ainsi mal interprétés;
- Variété des appareils de surveillance des taux de CO2 sur le marché, de leur validité et de leur temps d’intégration;
- Faible compréhension de la fluctuation des taux de CO2 avec le temps suivant l’arrivée de gens dans un espace clos ou leur départ;
- Besoin d’établir des seuils de risque pour la santé dont la détection déclencherait des actions et des mesures pratiques de réduction des concentrations de CO2;
- Probabilité que la surveillance des taux de CO2 aggrave la perception des risques et l’anxiété au lieu de les alléger, en raison de différences dans les valeurs recommandées des autorités, dans les valeurs de CO2 mesurées dans un même bâtiment ou dans les instruments utilisés;
- Besoin de créer des outils plus nuancés pour comprendre la relation réciproque entre le nombre d’occupants et l’entrée d’air frais nécessaire.
Ces préoccupations ont mené à une série de questions sur la mise en œuvre de la surveillance des taux de CO2 comme mesure d’atténuation des risques, dont les réponses s’appuient sur des ressources provenant de la littérature universitaire et de publications parallèles.
Revue rapide de la littérature universitaire et de publications parallèles
Une revue rapide a été effectuée pour recenser des ressources sur la surveillance des taux de CO2 à l’intérieur et l’atténuation des risques liés à la COVID-19. Plus précisément, nous avons cherché des documents de directives de santé publique et des études d’intervention où les occupants utilisent activement la surveillance des taux de CO2 pour gérer la qualité de l’air intérieur (QAI). Nous avons fait des recherches dans les bases de données EBSCOhost (MEDLINE, CINAHL, Academic Search Complete, etc.), Google et Google Scholar pour trouver des articles en anglais publiés entre 2011 et 2021, avec des combinaisons d’opérateurs booléens et de variantes portant sur les environnements intérieurs (room [pièce], office [bureau], restaurant, condo, etc.), l’exposition au CO2 ou la surveillance des taux, l’utilisation de capteurs et les résultats de l’atténuation des risques (transmission, infection, etc.). La liste complète des syntagmes de recherche est disponible sur demande.
Qui recommande la surveillance des taux de CO2 comme outil de santé publique?
La recherche documentaire a dégagé une foule de renseignements datant d’avant la pandémie sur l’utilisation de la surveillance des taux de CO2 à l’intérieur par des experts pour déterminer si le nombre d’occupants et la ventilation sont adéquats. Ces études portent principalement sur l’économie d’énergie et l’efficacité, mais de plus en plus de recherches sont axées sur le CO2 dans les écoles dans une optique de confort ou de santé. Toutefois, très peu de directives et d’études explorent la surveillance des taux de CO2 comme outil de santé publique pendant la pandémie. Parmi les documents de santé publique, plusieurs études emploient la surveillance des taux de CO2 pour évaluer ou modéliser le risque d’infection (comme indiqué précédemment7). Seuls quelques documents (tableau 1) parlent de façons d’opérationnaliser la surveillance par les occupants comme moyen d’atténuer les risques. Nous n’avons cependant trouvé aucun renseignement sur des expériences ou des évaluations d’une telle utilisation.
Tableau 1. Directives de santé publique et autres documents sur l’utilisation de la surveillance des taux de CO2 pour évaluer la ventilation et réduire le risque de transmission du SRAS-CoV-2.
Source |
Type de document |
Description |
Limite d’action pour le CO2 |
American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineers (ASHRAE)
|
Directives d’une organisation professionnelle |
Recommande généralement que le CO2 dans l’air ambiant à l’intérieur soit maintenu à un taux de 500 à 700 ppm; au-delà de cette limite, une proportion inacceptable des occupants se plaindra de l’odeur et d’un inconfort. |
1 000-1 200 ppm |
Umweltbundesamt (Allemagne)8 |
Directives |
Recommande d’utiliser un « feu de circulation » indicateur du niveau de CO2 fixe ou portatif dans les écoles pour rappeler aux enseignants et aux élèves d’aérer occasionnellement la classe en ouvrant les fenêtres. |
Seuil inférieur vert-jaune : 1 000 ppm; seuil jaune-rouge : 2 000 ppm |
Département de la santé du Minnesota9 |
Directives |
Recommande la surveillance des taux de CO2 comme moyen de déterminer si la ventilation dans les classes très occupées est adéquate. |
Garder les classes à moins de 800 ppm |
Ottawa-Carleton District School Board10 |
Étude pilote |
Montre, par une analyse des données sur le CO2 d’un nombre inconnu de classes, qu’il est possible de maintenir les taux de CO2 à moins de 800 ppm toute la journée à l’aide d’une ventilation accrue (maximale). |
Avant la pandémie : 1 100 ppm |
Gouvernement du Québec11 |
Étude pilote |
Porte sur la surveillance des taux de CO2 visant à repérer les classes qui excèdent les valeurs recommandées et à prendre des mesures correctives. |
Niveau acceptable : < 1 500 ppm |
Santé publique Ontario6 |
Directives de santé publique |
Indique que la surveillance des taux de CO2 par les occupants pose problème, car elle demande une certaine expertise. |
Aucune |
Federation of European Heating Ventilation and Air Conditioning Associations (REHVA)12 |
Directives d’une organisation professionnelle |
Recommande d’utiliser un « feu de circulation » indicateur du niveau de CO2 dans les écoles pour renseigner les occupants sur la qualité de l’air, notamment lors d’activités comme le chant, et leur signaler d’ouvrir les fenêtres. |
Recommandation d’abaisser le seuil vert-jaune à 800 ppm en contexte de pandémie |
Scientific Advisory Group for Emergency (Royaume-Uni)13 |
Directives de santé publique |
Appuie l’utilisation de capteurs de CO2 pour repérer les espaces mal aérés et les privilégier dans la prise de mesures correctives. Indique qu’un faible taux de CO2 ne signifie pas nécessairement que la ventilation est adéquate dans les pièces ayant peu d’occupants ou beaucoup d’espace. Rejette l’idée que le taux de CO2 équivaut directement au risque de transmission de la COVID-19. |
Espaces au taux de CO2 > 1 500 ppm : priorité pour les mesures correctives; espaces aux activités générant des aérosols : limite recommandée de 800 ppm |
Centers for Disease Control and Prevention (États-Unis)14 |
Directives de santé publique |
Appuie l’utilisation de capteurs de CO2 portatifs avec fonction de journalisation pour surveiller les espaces intérieurs.
|
Utilisation d’un épurateur d’air portatif recommandée dans les espaces ne pouvant pas être maintenus à moins de 800 ppm |
État de Washington15 |
Directives de santé publique |
Demande la surveillance des taux de CO2 pour assurer que les lieux de restauration « à aire ouverte » (terrasses, restaurants aux grandes fenêtres ouvertes, etc.) sont vraiment au grand air. |
Déplacement des occupants assis vers une table mieux ventilée lorsqu’ils sont exposés à un taux > 450 ppm pendant 15 minutes |
Quelle est la limite d’action appropriée pour le CO2 à l’intérieur?
Santé Canada a récemment adopté des lignes directrices définissant la limite d’exposition à long terme au CO2 à l’intérieur à 1 000 ppm dans les espaces résidentiels et autres4, ce qui correspond au seuil de confort préconisé par des organisations professionnelles telles que l’ASHRAE et la REHVA. Les directives de Santé Canada sont fondées sur une revue d’études épidémiologiques et d’expositions contrôlées, qui associent les taux de CO2 à l’intérieur à divers symptômes respiratoires et neurophysiologiques non spécifiques (p. ex., maux de tête, fatigue). Ces études ne démontrent pas de lien de causalité entre le CO2 et les symptômes, mais révèlent plutôt qu’un ou plusieurs facteurs liés à une mauvaise ventilation peuvent avoir des effets néfastes sur les occupants.
Par contre, la valeur recommandée de 1 000 ppm et celles du tableau 1 pourraient être inadéquates en contexte de pandémie. Dans ce cas, l’air intérieur devrait s’apparenter le plus possible à l’air frais extérieur, soit à des concentrations de CO2 < 450 ppm. Lorsque les taux de CO2 augmentent constamment, il est fort probable que la ventilation est inadéquate pour le nombre d’occupants ou leurs activités. Toutefois, comme il faut parfois chauffer ou refroidir l’air intérieur pour garder les lieux confortables, il n’est pas toujours possible d’obtenir de l’air 100 % pur, et une certaine accumulation de CO2 est inévitable. Soulignons que les CDC des États-Unis et la REHVA ont abaissé leur valeur recommandée de CO2 à l’intérieur à 800 ppm en contexte de pandémie12, 14.
Comment les occupants devraient-ils utiliser les capteurs de CO2?
L’installation d’un capteur de CO2 permet aux occupants d’observer les changements dans les taux de CO2 puis d’intervenir au besoin. Deux approches sont utilisées pour ce faire (tableau 2).
Tableau 2. Surveillance des taux de CO2 par les occupants en fonction d’un seuil ou des tendances.
Approche |
Description |
Avantages |
Inconvénients |
Surveillance en fonction d’un seuil |
Définir une limite d’action et dire aux occupants d’intervenir si les résultats s’en approchent ou la dépassent. |
Les limites sont assez faciles à comprendre. La possibilité de programmer certains capteurs pour qu’ils sonnent l’alarme en cas de dépassement réduit l’attention requise. |
Les occupants n’interviennent que si les taux de CO2 sont élevés, plutôt que dans l’idée de garder les taux bas. |
Surveillance en fonction des tendances |
Utiliser les données enregistrées pour afficher une courbe de CO2. Les occupants interviennent quand la courbe est ascendante, ce qui indique un manque d’air frais par rapport à l’emploi actuel de l’espace. |
En contrant les tendances à la hausse, on peut garder les taux de CO2 aussi bas que possible; cette approche correspond davantage aux messages de santé publique que l’utilisation d’une limite arbitraire. |
Un suivi serré est requis. Les tendances ne sont pas toujours détectables immédiatement. Les entrées et sorties des occupants provoquent d’importantes oscillations, ce qui pourrait frustrer ou distraire l’utilisateur. |
Les mesures à prendre pour réduire les taux de CO2 sont les mêmes pour les deux approches :
- ouvrir portes et fenêtres;
- faire sortir périodiquement les occupants pour aérer la pièce;
- réduire le nombre d’occupants;
- éviter les activités à haute intensité;
- augmenter l’approvisionnement en air frais par le système CVC;
- laisser fonctionner les ventilateurs des systèmes de ventilation durant les périodes d’occupation, après la journée de travail et la fin de semaine;
- installer des ventilateurs d’extraction localisés – même si l’aération accrue donne de meilleurs résultats.
Dans certains cas, il est impossible d’accroître la ventilation ou de réduire le nombre d’occupants pour maintenir les taux recherchés. On envisagera alors de relocaliser les activités dans un autre espace ou à l’extérieur.
Si ce n’est pas une option, un épurateur d’air portatif pourrait être utile2. Cet appareil n’apporte pas d’air frais et ne réduit pas la concentration de CO2. Toutefois, si les taux indiquent une ventilation inadéquate, les occupants risquent davantage d’être infectés par une personne malade dans la pièce. Les épurateurs d’air aident à réduire la concentration d’aérosols, mais leur efficacité varie selon leur positionnement, entre autres facteurs16, 17. Comme les occupants ne s’aperçoivent pas nécessairement que l’épurateur n’a pas l’effet escompté, la relocalisation dans un espace mieux aéré est préférable.
Quels sont les types de capteurs de CO2?
On trouve différents types de capteurs sur le marché, mais le capteur infrarouge non diffuseur (NDIR) se démarque par la simplicité de sa technologie et sa popularité. Il estime la quantité de CO2 dans l’air en mesurant l’absorption du rayonnement lumineux sur des longueurs d’onde bien précises. Lorsqu’on cible ces dernières, le risque d’interférence avec les autres gaz présents est minime. Cela dit, l’humidité et la température peuvent influencer la lecture.
Il existe de nombreux capteurs NDIR. Le degré d’exactitude varie grandement d’un modèle à l’autre, et le prix n’est pas toujours un indice de qualité. Voici quelques points à surveiller pour faire le bon choix :
- Intervalle approprié. Dans la plupart des espaces intérieurs, les taux de CO2 se situent entre une concentration extérieure (< 450 ppm) et quelque 3 000 ppm (milieu intérieur mal aéré). En comparaison, certains capteurs sont conçus pour veiller à la sécurité personnelle des travailleurs potentiellement exposés à des concentrations très élevées (jusqu’à 50 000 ppm); ces appareils ne devraient pas être utilisés dans un espace clos ordinaire.
- Calcul de la moyenne pour une période donnée. Certains capteurs de CO2 fournissent une estimation de la concentration de CO2 à un moment précis qui est sujette aux fluctuations erratiques quand l’air se déplace. Pour neutraliser les mesures aberrantes, on a avantage à utiliser un appareil qui fait une moyenne des données pour une période définie. Une moyenne sur 5 à 15 minutes est idéale, car elle donne l’information pertinente sans refléter les fluctuations aléatoires.
- Enregistrement des données. Beaucoup d’appareils de suivi de la qualité de l’air intérieur classiques enregistrent de façon continue la température, l’humidité relative et le taux de CO2 pour un laps de temps réglable. Les données se transfèrent sur un ordinateur ou un appareil mobile pour créer des graphiques illustrant l’évolution des concentrations de CO2 au cours d’une journée ou selon le nombre d’occupants.
- Affichage des tendances. Bien des capteurs font des estimations ponctuelles (sujettes aux fluctuations erratiques), mais il vaut mieux en choisir un qui affiche les tendances sous forme de courbe ou par une flèche. En principe, si la ventilation de l’espace est adéquate, la concentration de CO2 restera assez stable durant la journée. Par contre, si la tendance est à la hausse, cela signifie que le CO2 s’accumule et que le renouvellement d’air frais est insuffisant.
- Guide d’utilisation. Il faut vérifier à l’achat si le capteur requiert un entretien et un étalonnage périodiques pour maintenir sa fiabilité.
Où positionner le capteur dans la pièce occupée?
Le choix d’un bon emplacement est essentiel pour que les résultats reflètent fidèlement les concentrations de CO2. Le capteur doit se trouver à un endroit où l’air circule librement sans provenir directement d’une fenêtre, d’un système de ventilation ou d’une source d’air concentré. On l’installera idéalement à la hauteur des occupants, de 0,5 à 2 mètres au-dessus du sol. Les emplacements suivants sont à éviter :
- à proximité d’une fenêtre;
- près d’une sortie d’air d’un système de ventilation mécanique;
- à moins de deux mètres d’un occupant;
- à moins de deux mètres d’une flamme nue (ex. : foyer).
Quelles sont les limites de la surveillance des taux de CO2 et de l’amélioration de la ventilation?
D’après les ressources à l’étude, l’utilisation de capteurs de CO2 par des occupants sans expertise pour évaluer la ventilation a de nombreuses limites :
- La collecte de données fiables se complique dans les espaces où la distribution de l’air est déficiente, en particulier quand le nombre d’occupants est bas ou le volume d’air intérieur est important13. Les faibles taux de CO2 mesurés dans ce genre d’espaces ne reflètent pas à coup sûr les conditions globales. Il sera peut-être nécessaire d’installer plus d’un capteur ou de déplacer un même capteur à plusieurs reprises pour couvrir l’espace en entier.
- Même si la ventilation contribue à réduire l’exposition aux plus infimes particules respiratoires dans une pièce, elle ne réduit pas le risque de transmission par contact étroit avec une personne infectée. La ventilation n’agit pas assez vite pour interrompre l’échange rapide de particules respiratoires entre des personnes qui se parlent face à face.
- La ventilation n’empêche pas non plus le dépôt de particules plus grosses sur les surfaces, lesquelles posent un risque de transmission par vecteur passif18.
- Ainsi, la surveillance des taux de CO2 et la ventilation ne remplacent aucune autre mesure sanitaire en vigueur comme la distanciation, le port du masque, le nettoyage des surfaces ou l’hygiène des mains.
- La surveillance des taux de CO2 ne remplace pas l’expertise d’un spécialiste en systèmes CVC; pour bien fonctionner, ces systèmes doivent faire l’objet d’un entretien et d’un examen périodiques.
Quels sont les risques du recours aux capteurs de CO2?
Les deux grands risques de la surveillance des taux de CO2 comme outil d’atténuation des risques liés à la COVID‑19 sont la dépendance technologique (précédemment traitée7) et la mésinterprétation. Les taux de CO2 sont souvent interprétés à tort comme un risque de COVID-19. Ils peuvent entraîner une certaine confusion et des plaintes à propos de la QAI si leurs applications et leurs limites ne sont pas communiquées clairement. La foire aux questions suivante a été créée pour faciliter les échanges d’information.
- Un taux élevé de CO2 signifie-t-il un risque élevé de contracter la COVID-19?
Non. L’exposition à des taux élevés de CO2 ne signifie pas que vous contracterez la COVID‑19, et un faible taux n’écarte pas la possibilité d’une infection.
Bien qu’on ait proposé ce paramètre comme mesure du risque de COVID-1919, les résultats affichés par le capteur de CO2 ne constituent pas un indicateur direct13. Le risque de transmission dépend de nombreux facteurs personnels, environnementaux et épidémiologiques20 indépendants des fluctuations de la concentration de CO2. Citons en exemple le taux de transmission communautaire, qui influence la probabilité qu’une personne infectée ou plus se trouve dans la pièce. Par ailleurs, des stratégies comme la filtration de l’air et le port du masque atténuent le risque de COVID-19 sans avoir d’effet sur les taux de CO2. Les principaux facteurs de transmission sont la proximité et la durée du contact20, car ils augmentent l’exposition aux gouttelettes respiratoires de toutes tailles. Pour cette raison, les contacts étroits demeureront le plus important déterminant du risque de contracter la COVID-19.
Si les taux de CO2 dans un espace sont à la hausse, il faut intervenir pour les faire baisser – mais un taux élevé n’indique pas que vous contracterez la COVID-19. De même, les concentrations intérieures peuvent être faibles, mais le risque de transmission élevé si la distanciation et le port du masque ne sont pas respectés.
- L’exposition au CO2 à l’intérieur a-t-elle des effets à long terme sur la santé?
Non. Aux concentrations typiques dans un milieu de travail non industriel ou une résidence, l’exposition au CO2 n’a pas d’effets à long terme sur la santé.
Bien que des études montrent un lien possible entre les taux de CO2 supérieurs à 1 000 ppm et un mauvais rendement cognitif, des maux de tête ou d’autres symptômes4, nombre d’études semblables ne sont pas arrivées aux mêmes conclusions21. Les effets observés sont réversibles en amenant la personne dans un endroit aéré. L’exposition prolongée à des taux de CO2 dépassant approximativement les 6 000 ppm, qu’on voit rarement dans les milieux non industriels, pourrait avoir des conséquences plus graves (p. ex., fatigue, troubles de la vue, effets cardiovasculaires)4, mais ces dernières s’estompent aussi avec le retrait vers un milieu bien aéré.
- Peut-on diminuer la ventilation s’il est possible de maintenir les taux de CO2 sous les 1 000 ppm?
Dans certaines installations, on surveille les taux de CO2 pour estimer le nombre d’occupants, et, s’il est bas, réduire l’entrée d’air extérieur. On parle ici de « ventilation contrôlée sur demande », une fonction bien pratique pour faire des économies d’énergie. Or, en contexte de pandémie, il faut viser une qualité d’air optimale. On désactivera la ventilation contrôlée sur demande en vue de maintenir les concentrations de CO2 aussi près des concentrations extérieures que possible (< 450 ppm) sans oublier le confort des occupants.
Résumé
Depuis le début de la pandémie, on demande aux gestionnaires d’immeubles et à la population de bien aérer leurs espaces, notamment en ajustant leur système CVC, en ouvrant les fenêtres et en installant des ventilateurs d’extraction localisés. Sans l’aide d’un spécialiste en systèmes CVC, il peut être très difficile pour les occupants des immeubles de savoir si la ventilation donne les résultats escomptés. La surveillance des taux de CO2 se révèle une option intéressante pour deux raisons. D’abord, les capteurs sont peu coûteux et faciles d’accès. Ensuite, ils illustrent la qualité de l’air intérieur, ce qui facilite le repérage des espaces mal aérés auxquels apporter des correctifs.
La qualité et les fonctions variables des capteurs, l’importance d’une installation et d’une utilisation adéquates et la tendance à interpréter à tort les taux de CO2 comme une mesure du risque de COVID-19 commandent toutefois un examen attentif de la stratégie avant sa mise en œuvre. Il faut veiller à communiquer très clairement l’information sur l’usage approprié et les limites des appareils. On doit aussi insister sur le fait que la surveillance des taux de CO2 et la ventilation font partie d’un vaste ensemble d’outils de santé publique visant à réduire le risque de transmission.
Remerciements
L’auteure tient à souligner la contribution de Sarah Henderson (BCCDC), Geoff Clark (WorkSafeBC), Steve Rogak (UBC), Adam Rysanek (UBC), Gary Mallach (Santé Canada), Lydia Ma (CCNSE) et Michele Wiens (CCNSE).
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