Par bateau jusqu’à la côte Ouest : le frelon géant d’Asie débarque au Canada
Le frelon géant d’Asie, un insecte énorme et agressif qu’on surnomme parfois le « frelon meurtrier », a récemment été aperçu au Canada. Depuis, une question est sur toutes les lèvres : faudrait-il s’inquiéter?
On rencontre habituellement l’espèce dans les régions maritimes tempérées et tropicales de l’Extrême-Orient et de l’Asie méridionale, mais il semble que les choses soient en train de changer. Des apiculteurs de Nanaimo, en Colombie-Britannique, ont d’abord aperçu des frelons géants en août 2019. Une traque s’est ensuivie, si bien qu’en septembre, on a découvert un nid sous-terrain dans un parc. Le nid a été détruit, et on a gardé quelques spécimens aux fins de recherche. Plus tard en 2019, un autre frelon a été vu dans la province, cette fois près de White Rock. Et à peu près en même temps, dans l’État de Washington, un apiculteur de Custer, près de la frontière canado-américaine, a trouvé des monticules d’abeilles décapitées à proximité de ses ruches. Les preuves s’accumulent : le frelon géant d’Asie parvient bel et bien jusqu’à notre continent. Reste à savoir combien de spécimens y vivent, et jusqu’où ils se sont rendus.
Qu’est-ce qui caractérise le frelon géant d’Asie, et pourquoi pose-t-il problème?
Le frelon géant d’Asie, ou Vespa mandarinia (V. mandarinia), est le plus gros frelon au monde. La reine peut atteindre 5 cm, et ses ouvriers font à peine 1 cm de moins. Mais ce cousin de l’abeille n’est pas remarquable que par sa taille : il possède une tête distinctive, de couleur jaune-orange, qui accueille de grosses mandibules avec lesquelles il tue et dévore d’autres insectes. Son corps, qui présente des bandes caractéristiques orange, noires ou brun foncé, se termine par un dard pointu de 6 mm. Et l’envergure des ailes atteint les 4 à 7 cm, si bien qu’en vol, le frelon rappelle un petit oiseau mouche. Les Japonais l’appellent d’ailleurs le « frelon moineau géant ».
Chez les frelons, V. mandarinia trône au sommet de la chaîne. Il chasse des insectes de grosse taille et de taille moyenne et, s’il a une préférence pour les abeilles, il s’attaque aussi aux guêpes et aux mantes religieuses. Ses mandibules géantes en font un tueur efficace capable de capturer et de décapiter ses proies avec aisance et rapidité. D’ailleurs, les frelons envahissants peuvent détruire une colonie d’abeilles tout entière en une seule journée.
Ailleurs dans le monde, les abeilles ont développé des stratégies pour se défendre contre les frelons. La plus efficace : la « boule d’abeilles », une attaque concertée qui consiste à réchauffer l’air autour de l’attaquant et à l’envelopper de CO2. Mais les abeilles de la côte Ouest n’ont pas encore mis au point de techniques défensives, ce qui empire la situation déjà précaire de l’industrie apicole britanno-colombienne. Les abeilles jouent un rôle essentiel pour la production agricole dans la province, et toute menace à leur survie doit être prise au sérieux.
D’où vient le frelon géant d’Asie, et comment est-il arrivé au Canada?
Le frelon géant d’Asie vit normalement en Extrême-Orient, plus précisément dans la zone allant de Taiwan jusqu’au Nord du Japon. On le retrouve dans les régions forestières tempérées et, en de rares occasions, dans les zones urbaines. Contrairement à la plupart des frelons, V. mandarinia fait son nid sous terre, soit autour de racines d’arbres ou dans un terrier étroit abandonné.
Une analyse génétique a révélé que les frelons trouvés à Nanaimo venaient probablement du Japon, tandis que ceux trouvés à White Rock et à Blaine étaient d’origine coréenne. On ne sait pas avec certitude comment ces insectes ont abouti au Canada, mais on soupçonne qu’ils ont traversé l’océan dans la cargaison de navires. Les échanges commerciaux abondent entre l’Asie et la côte du Pacifique, ce qui donne à ces passagers clandestins l’occasion d’élargir leur habitat.
Le frelon géant d’Asie pose-t-il un risque pour les humains?
Le frelon meurtrier s’attaque aux abeilles et ignore habituellement les humains, à moins qu’il soit agité ou qu’on le dérange. Sa piqûre est alors redoutable : le dard est gros, et en plus, il ne se détache pas, ce qui permet à l’insecte de piquer plusieurs fois. Le venin, à dose équivalente, est moins toxique que celui des guêpes ou des abeilles, sauf que le frelon en injecte davantage en raison de sa taille. Chaque piqûre peut causer une douleur intense, de l’inflammation et des dommages aux tissus environnants.
En cas de morsure, le traitement est semblable à celui pour les abeilles et les guêpes. On peut appliquer de la glace pour réduire la douleur et limiter l’enflure, et si l’on s’est fait piquer plusieurs fois ou que les symptômes sont sévères, il faut se rendre à l’hôpital.
L’avenir du frelon géant d’Asie sur la côte Ouest de l’Amérique du Nord
Il est primordial d’empêcher ce frelon étranger de s’établir en Amérique du Nord, parce qu’il nuirait grandement aux populations d’abeilles locales et serait très dérangeant dans les parcs et les campings en forêt.
Quant à une possible conquête des régions froides et sèches du Canada, il y a peu d’inquiétudes à avoir. L’insecte n’a encore jamais été vu sur la côte Est, et on ne sait toujours pas s’il peut survivre et se propager dans le Nord-Ouest du Canada. Si les montagnes et le climat ressemblent à ce qu’on retrouve en Asie, les arbres qui accueillent le frelon aux premiers stades de sa vie (comme les chênes) sont rares dans les forêts de conifères du Canada. On croit que le nid de Nanaimo a été créé par une reine fertile venue d’ailleurs, mais c’est le temps qui nous dira si des spécimens ont survécu à l’hiver. Les prochains mois nous révélerons donc à quel point ce frelon est une menace pour la province.
La vigilance est de mise
La clé pour empêcher l’apparition de nouvelles colonies, c’est la vigilance. Il est important de vérifier les cargaisons où peuvent se cacher des insectes, comme les passages de roue des voitures. On croit par ailleurs que les trains de marchandises risquent de transporter l’espèce à l’intérieur des terres et vers le nord de la côte britanno-colombienne. Le gouvernement de la province invite la population à signaler la présence du frelon géant d’Asie :
- en appelant l’Invasive Species Council of BC (ISCBC) 1 888 933-3722;
- en utilisant l’appli Report Invasives de l’ISCBC;
- en visitant le https://bcinvasives.ca/report.
- Des chercheurs de l’État de Washington recueillent de l’information sur la présence de l’espèce au m which supports a hornet watch report form.