Réduire les risques en milieu de travail et pour la collectivité par des échanges proactifs avec l’industrie du cannabis

Depuis la légalisation du cannabis en 2019, l’industrie a rapidement développé de nouvelles installations pour procéder à la culture, à la transformation, à l’extraction et à la vente de cannabis sur le marché canadien. Même si le public se préoccupe souvent des répercussions des odeurs générées, les installations de transformation et d’extraction du cannabis peuvent présenter d’autres dangers comme les incendies ou les explosions. Aux États-Unis et dans d’autres pays, de tels incidents ont entraîné d’importants dommages matériels et des blessures graves. L’utilisation de solvants dans le processus de transformation du cannabis présente aussi des risques d’intoxication et d’asphyxie, pour les travailleurs et pour les autres personnes qui entrent dans l’espace, comme les pompiers et les inspecteurs en santé et sécurité. Par conséquent, même si la culture et la transformation du cannabis posent des risques connus pour la santé et la sécurité au travail, ces risques peuvent aussi s’étendre au-delà des employés. De plus, puisqu’il s’agit d’un secteur relativement récent, il est nécessaire d’avoir des échanges proactifs avec ses acteurs pour évaluer les nouveaux risques et déterminer les moyens de prévention appropriés.
Ce billet de blogue décrit les conclusions d’un récent projet mené par WorkSafeBC auprès de producteurs de cannabis de la Colombie-Britannique. Il comprend un survol rapide des dangers observés dans les installations de transformation et d’extraction du cannabis et une discussion des mesures qui peuvent être mises en place pour réduire les risques. L’information fournie intéressera non seulement l’industrie du cannabis, mais aussi les membres du public qui vivent ou travaillent près d’installations de cannabis, les premiers intervenants et les inspecteurs appelés à effectuer des inspections et à enquêter sur les plaintes.
L’industrie du cannabis de la Colombie-Britannique poursuit sa croissance
Il est essentiel pour cette industrie en croissance de créer des milieux de travail sains et sécuritaires. En avril 2022, la Colombie-Britannique comptait 213 détenteurs d’une autorisation de production de cannabis, comparativement à 29 en octobre 2018. Dans la province, on estime que 53 000 personnes travaillent dans le secteur.
Il est de la responsabilité des employeurs de protéger les employés en repérant les dangers et en mettant en œuvre des stratégies pour prévenir les blessures et les maladies. Comme l’industrie du cannabis est relativement nouvelle, les employeurs pourraient avoir besoin d’un soutien supplémentaire de professionnels de la santé en milieu de travail et environnementale pour assumer cette responsabilité.
Inspection des installations de production de cannabis en Colombie-Britannique
Au début de 2021, la Risk Analysis Unit [RAU, ou unité d’analyse des risques] de WorkSafeBC a communiqué avec des employeurs en production de cannabis de toute la province. Elle a visité de grands producteurs bien établis comme des producteurs plus jeunes et plus petits. Ce faisant, elle a observé que plusieurs des grands producteurs avaient déjà investi des montants importants dans l’équipement, mais que les appareils choisis n’étaient pas nécessairement sécuritaires. Dans les plus petites entreprises, certains employeurs ignoraient l’existence des mesures de sécurité ou prévoyaient continuer de travailler comme avant la légalisation, à un moment où la santé et la sécurité n’étaient souvent pas des priorités.
La RAU a conclu que plusieurs employeurs ont besoin d’une meilleure formation concernant l’utilisation de réservoirs sous pression pour l’extraction du cannabis. De nombreux travailleurs utilisent quotidiennement de tels réservoirs. Une fuite accidentelle de pression pourrait exposer les travailleurs à des risques élevés de blessures ou de décès.
Malheureusement, la RAU a trouvé un certain nombre de réservoirs sous pression non inscrits au registre Technical Safety BC, une inscription obligatoire. Elle a aussi observé que plusieurs appareils utilisés pour l’extraction du cannabis ne respectaient pas les normes applicables de l’Association canadienne de normalisation (CSA) ou d’autres organisations. Veuillez consulter le document Dangers of extracting cannabis using equipment at high pressure pour en savoir plus.
Dangers pour la santé et la sécurité de la production de cannabis
En se fondant sur la revue des installations liées au cannabis qu’elle a menée, la RAU souhaite sensibiliser l’ensemble de l’industrie aux dangers émergents, catastrophiques, invisibles ou pouvant causer des préjudices à action lente qu’elle a repérés :
- CO2– Utilisé dans le processus d’extraction comme solvant ou sous pression. L’exposition au CO2 peut causer l’asphyxie ou une explosion.
- Liquides cryogéniques et réfrigérants – Ces produits chimiques sont utilisés pour congeler ou réfrigérer des parties de la plante de cannabis, des solvants ou des produits extraits. On les retrouve tout au long du processus de transformation du cannabis et l’exposition peut causer une asphyxie.
- Éthanol– Utilisé comme solvant au cours des étapes d’extraction du cannabis et de raffinage. L’éthanol peut causer des incendies, des explosions et des intoxications.
- Matières particulaires– Produites à l’étape de préparation lors du broyage. L’exposition aux matières particulaires de plantes peut entraîner des maladies respiratoires et une sensibilisation allergique.
- Systèmes pressurisés – Ces systèmes peuvent causer des explosions. Les systèmes pressurisés sont utilisés principalement à l’étape d’extraction, mais certains systèmes à plus basse pression ou à tubulures avec pompe à vide peuvent être utilisés à l’étape de raffinage.
- Propane et butane – Ces produits peuvent causer des incendies et des explosions, et l’exposition à ceux-ci peut entraîner une intoxication. Ces deux produits sont utilisés comme solvants durant l’extraction, et des solvants résiduels peuvent se dégager des produits durant les étapes de raffinage.
Corriger les conditions dangereuses
Le processus de gestion des risques commence d’abord par repérer tous les dangers présents dans le milieu de travail, comme ceux mentionnés précédemment. Ensuite vient la réalisation d’une évaluation des risques et la correction des conditions dangereuses. Il faut respecter un certain ordre – qu’on appelle la hiérarchie des mesures de prévention – lorsqu’on envisage les façons de réduire les risques.
- L’élimination complète du danger est toujours le premier choix. Cela peut comprendre la substitution d’un élément ou d’un processus pour un autre, moins dangereux. Lorsqu’ils étudient ces options, les employeurs doivent prendre en considération les questions suivantes :
- Existe-t-il des moyens plus sûrs d’effectuer la tâche?
- Est-il possible de substituer un produit ou un processus moins dangereux?
- Les mesures techniques sont le deuxième choix. Elles comprennent les changements physiques au milieu de travail tels que l’installation de systèmes de ventilation ou de surveillance.
- Les mesures administratives constituent le niveau d’intervention suivant. Elles comprennent la mise en place de pratiques de travail sécuritaires et de plans de contrôle de l’exposition.
- Les équipements de protection individuelle (EPI), tels que les lunettes et les gants de protection, constituent le dernier niveau de mesures de protection des travailleurs. Idéalement, l’EPI est utilisé en association avec d’autres mesures de maîtrise plus efficaces.
Mesures de sécurité lors de la production de cannabis
En se basant sur la revue effectuée, la RAU propose les mesures suivantes pour améliorer la sécurité :
- Ventilation d’urgence et ventilation d’extraction locale
- Dispositifs de surveillance et systèmes d’alarme pour les aérocontaminants
- Systèmes d’extinction et de confinement des incendies
- Limiteurs de pression reliés par tuyauterie à l’extérieur du bâtiment
- Procédures d’arrêt d’urgence (pièces et équipement)
- Douches d’urgence (y compris des douches oculaires)
- Mesures de protection et de cadenassage
Résumé
Comme n’importe quelle industrie, le secteur de la transformation et de l’extraction du cannabis présente certains risques pour les travailleurs et, dans les cas d’incendies et d’explosions, ces risques peuvent s’étendre au-delà des murs de l’entreprise elle-même. D’une certaine façon, la légalisation récente de l’industrie du cannabis l’oblige actuellement à passer en « mode rattrapage » pour veiller à ce que les nouveaux processus encore mal connus puissent être exécutés en toute sécurité. Des échanges proactifs et respectueux avec l’industrie sont essentiels pour permettre de repérer tout équipement ou processus dangereux et de déterminer les moyens d’atténuer ces risques. D’autres échanges avec cette nouvelle industrie l’aideront à créer des conditions plus sécuritaires pour les travailleurs, les professionnels connexes comme les premiers intervenants et les inspecteurs en santé et sécurité ainsi que le voisinage.
Pour en savoir plus, visitez le site WorkSafeBC.com pour d’autres ressources utiles et consultez les ressources suivantes :
- Ressources sur le cannabis pour les praticiens en santé environnementale
- Health and safety in cannabis cultivation de WorkSafeBC
- Dangers of extracting cannabis using equipment at high pressure deWorkSafeBC
- Emerging risks de WorkSafeBC
- Ask an officer: Managing risks in cannabis processing de WorkSafeBC
Les professionnels en santé environnementale, les travailleurs, les employeurs et le grand public peuvent téléphoner à la ligne d’information sur la prévention de WorkSafeBC pour discuter de toute préoccupation concernant la santé et la sécurité au travail : 18886217233.
Auteurs
Kimiko Banati est responsable de l’hygiène du travail pour la Risk Analysis Unit [RAU, unité d’analyse des risques] de WorkSafeBC. La RAU évalue les risques émergents ainsi que les risques potentiellement catastrophiques ou difficilement repérables. Kimiko offre aux employeurs de l’industrie de la culture et de la transformation du cannabis les connaissances nécessaires pour repérer les dangers dans le milieu de travail et pour mettre en œuvre des mesures de protections des travailleurs qui sont efficaces, fiables et durables.
Angela Eykelbosh est chercheuse en santé environnementale et spécialiste en application des connaissances au CCNSE. Ses champs d’intérêt sont la réponse aux urgences en santé publique environnementales et les effets de la légalisation du cannabis sur la santé publique.
Citation
Banati K, Eykelbosh A. Réduire les risques en milieu de travail et pour la collectivité par des échanges proactifs avec l’industrie du cannabis [blog]. Vancouver, C.-B.: Centre de collaboration nationale en santé environnementale; 13 decembre 2022. Disponible sur: https://ccnse.ca/content/blog/reduire-les-risques-en-milieu-de-travail-et-pour-la-collectivite-par-des-echanges.