Des villes quatre saisons – L’utilisation des espaces urbains extérieurs en hiver
Au début de l’automne 2020, après des mois de pandémie mondiale, on spéculait abondamment sur ce qu’il adviendrait des Canadiens et Canadiennes durant la longue période hivernale, vu les restrictions liées à la COVID-19. Lorsqu’il faisait plus chaud, comme le confinement limitait les activités intérieures, beaucoup fréquentaient les espaces publics extérieurs pour se détendre, s’amuser ou se dépenser. Les risques de transmission du SARS-CoV-2 semblent particulièrement faibles à l’extérieur; il est plus facile de garder ses distances des autres, et les particules virales sont possiblement moins concentrées, parce que dispersées dans un grand volume d’air. Par conséquent, les experts de la santé publique préconisent de passer du temps à l’extérieur, en prenant les précautions qui s’imposent (distanciation physique, port du masque, hygiène des mains, etc.), pour profiter des bienfaits des activités physiques, sociales et culturelles en plein air.
Nombre de municipalités ont répondu à la hausse de la demande d’espaces extérieurs par des interventions novatrices (p. ex. agrandir des surfaces piétonnes, changer la vocation de certaines rues). Selon une étude réalisée dans 14 pays, les personnes habituées de voyager se sont servies de ces lieux pour prendre du bon temps dans leur localité, dans le respect des recommandations sanitaires. Plusieurs autres ont montré que le temps passé en plein air avait été bénéfique pour la santé physique et mentale : les gens ont pu avoir des interactions sociales sans trop de proximité et changer de décor plutôt que de rester chez eux, entre quatre murs.
L’arrivée de l’hiver et la pandémie de COVID-19
L’automne tirant à sa fin, il y a lieu de se demander comment les gens pourront continuer de profiter des activités de plein air par temps froid, humide ou neigeux. Dans la presse populaire, on cite régulièrement les bienfaits de sports comme la raquette, le ski ou le patin, en donnant aussi des conseils sur les vêtements à porter et les choses à prévoir pour rester au chaud et en sécurité dans différents lieux (p. ex. montagne, sentier). Par contre, on parle moins de l’importance de pouvoir passer du temps dehors régulièrement au centre-ville et dans son quartier, pendant un hiver sous le signe de la pandémie.
En combinant les principes de la sécurité sanitaire et de l’utilisation hivernale des espaces urbains, on peut améliorer l’aménagement pour toutes les saisons et ainsi générer des retombées sur la santé physique (p. ex. bienfaits de l’air frais et de l’activité physique) et mentale (p. ex. atténuer l’isolement et la solitude dus au confinement) qui dépasseront les risques de transmission. Outre les bienfaits pour la santé, on peut penser que les quartiers propices au plein air sont des milieux sains.
Ce billet traite de quelques moyens d’encourager les activités hivernales extérieures dans les espaces urbains publics tout en réduisant au minimum les risques de transmission communautaire de la COVID-19.
Exemples de « villes d’hiver »
Hivers froids et neigeux – Edmonton
Certaines villes d’Amérique du Nord s’étaient déjà dotées de programmes pour rendre les espaces urbains extérieurs plus accessibles et attrayants en hiver. Pensons par exemple à Edmonton, l’un des centres urbains les plus froids et nordiques du Canada. En 2012, la municipalité a lancé WinterCity, une stratégie qui consistait à créer des espaces, des événements et des itinéraires encourageant la population à mettre le nez dehors l’hiver. Les principes de conception de ce programme peuvent être appliqués aux quartiers, voies de circulation, sites et autres espaces ouverts. Il s’agit notamment de créer des structures de protection contre le vent, de maximiser l’exposition au soleil, d’utiliser les couleurs et l’éclairage pour améliorer la sécurité et l’esthétisme et de garder les voies de circulation, les trottoirs et les pistes cyclables déneigées et dégagées.
Hivers humides – Vancouver
Même dans les villes où les hivers sont habituellement doux, il peut être difficile de trouver une approche urbanistique qui encourage l’utilisation des espaces publics extérieurs. Par exemple, des urbanistes et des groupes communautaires de Vancouver ont appelé à la création d’un plus grand nombre d’espaces publics couverts offrant une protection contre les intempéries. Une personne de la région a dressé un inventaire citoyen des espaces publics couverts de la ville pour orienter la population. En 2019, la Ville de Vancouver a coparrainé avec un groupe communautaire local, le Vancouver Public Space Network, un concours de conception d’espaces publics adaptés au temps pluvieux.
Activités hivernales dans les espaces urbains extérieurs : précautions concernant la COVID-19
Il n’y a à peu près pas de lignes directrices sur l’utilisation hivernale des espaces extérieurs en contexte de COVID-19. Cependant, nombre d’agences de santé et de municipalités ont, pour la gestion des parcs en temps de pandémie, des ressources qui pourraient être adaptées à l’utilisation hivernale des voies de circulation, des trottoirs et des places publiques. On peut prévoir des voies piétonnes à sens unique pour prévenir la congestion, surtout durant les moments occupés comme le début et la fin des journées de travail, les périodes d’achalandage des magasins et les événements. Certaines aires (p. ex. zones réservées aux artistes de rue ou à d’autres activités en plein air) pourraient être déplacées ou gérées conformément aux directives sanitaires locales durant les périodes où les activités en question sont autorisées. Pour maximiser l’espace, on veillera à bien déneiger et déglacer les trottoirs et les traverses. Certaines des mesures instaurées au printemps et en été pour ouvrir les voies de circulation aux piétons et aux cyclistes pourront être adaptées à l’hiver. S’ils sont bien entretenus, ces lieux peuvent remplacer les parcs et espaces verts moins accessibles l’hiver et réduire la congestion des autres aires piétonnes.
Les recommandations de communication, de signalisation et de marquage des espaces qui concernent les parcs peuvent souvent s’appliquer à d’autres types d’espaces publics. En hiver, la durée du jour étant plus courte, certains dispositifs de signalisation doivent être éclairés pour être visibles à la noirceur.
Il faut penser aux structures temporaires aménagées dehors pour laisser les usagers et usagères se réchauffer. On voudra notamment éviter les abris chauffés qui risquent d’être trop fréquentés ou de favoriser la transmission par matières contaminées. Il peut être nécessaire de superviser les aires d’attentes extérieures chauffées pour éviter que trop de gens s’y trouvent, ainsi que d’installer un type d’appareil de chauffage plutôt qu’un autre. Il peut s’agir, par exemple, de suspendre des appareils çà et là au lieu de poser au sol des appareils autour desquels on risque de s’agglutiner.
Les principes de la conception quatre saisons peuvent rendre les quartiers plus résilients face à la pandémie. Les gens seront plus portés à circuler à pied ou à vélo s’ils ont accès aux écoles, aux transports en commun, aux cliniques, aux bibliothèques, aux magasins et aux autres établissements locaux qu’ils ont l’habitude de fréquenter. Les programmes qui font augmenter le nombre de personnes qui se déplacent à l’extérieur dans leur quartier peuvent aussi être bénéfiques pour les entreprises locales déjà mises à mal par les mesures de confinement, et ainsi contribuer à ce que les petites épiceries, pharmacies et autres services essentiels demeurent. Pour maintenir en place ces « périmètres piétons », il faut des services municipaux (p. ex. déneigement, drainage des chaussées, éclairage) et des aires confortables (p. ex. auvents, trottoirs couverts, voies de circulation converties) pour attendre en file ou interagir brièvement en gardant ses distances.
Messages clés
Étant donné que les risques de transmission du virus SARS-CoV-2 resteront présents tout l’hiver, les espaces urbains publics peuvent être un moyen de satisfaire les besoins d’air frais, d’interactions sociales et d’activité physique de la population. En contexte pandémique, il importe que les principes de base de la conception hivernale soient en phase avec les mesures de sécurité. Cet arrimage va dans le sens des tendances actuelles dans les approches « Santé dans toutes les politiques (SdTP) » adoptées à bien des endroits au pays :
- Aménager des lieux que les gens voudront fréquenter et qu’ils pourront utiliser au quotidien (agréables à l’œil et protégés contre les intempéries).
- Créer des événements qui attireront les gens vers ces lieux.
- Veiller à ce qu’il soit facile de s’y rendre et d’y passer du temps sans danger.
- Pratiquer un urbanisme qui répond aux besoins des populations disproportionnellement touchées par la pandémie (p. ex. groupes défavorisés sur le plan socioéconomique, minorités ethniques ou racisées, aînés, jeunes, personnes ayant un handicap).
- Veiller au respect des consignes sanitaires.
Il serait possible d’adapter les précautions relatives à la COVID-19 en prenant des éléments de conception hivernale, comme gérer le déneigement et le déglaçage pour maximiser l’espace, améliorer l’éclairage pour garder les dispositifs de signalisation visibles ou prévoir des protections contre les intempéries qui ne causent pas d’achalandage.
Autres ressources
Agence de la santé publique du Canada. 2014. Faits saillants sur les quartiers résidentiels et l’activité physique au Canada
Santé Canada. 2020. Mesures communautaires de santé publique pour atténuer la propagation des maladies à coronavirus (COVID-19) au Canada – Mesures de santé publique de base pour tous les milieux.
Freeman, S. et Eykelbosh, A. 2020. La COVID-19 et la sécurité à l’extérieur : considérations sur l’utilisation des espaces récréatifs extérieurs. Centre de collaboration nationale en santé environnementale.
Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé. 2020. Rencontre pancanadienne sur la Santé dans toutes les politiques (SdTP) : Québec, 9 octobre 2019 — Résumé des échanges